LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... épouse Y... a été engagée en juillet 1974 en qualité d'assistante sociale par la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie ; qu'ayant été mise à disposition, en 1980, du conseil général de l'Oise, elle a évolué dans différentes fonctions au sein de cet organisme pour exercer, en dernier lieu, à compter du 1er avril 2010, la fonction de responsable de l'accueil familial du territoire de Creil-Clermont, encadrant cinquante-cinq salariés ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la modification de sa classification conventionnelle et le paiement de rappel de salaires ;
Attendu que pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour perte de chance d'évolution professionnelle, l'arrêt retient que celui-ci a manqué à l'engagement de tenir des entretiens annuels d'évaluation, entretiens à l'issue desquels la salariée aurait pu obtenir l'attribution de points d'évolution et entretiens qui doivent pourtant être également tenus alors que l'agent est en détachement dans une autre administration, en fonction des appréciations faites par les autorités extérieures ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la salariée demandait une reconstitution de carrière et le paiement de rappels de salaire, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie à payer à Mme X... la somme de 30 000 euros au titre de la perte de chance d'évolution professionnelle, l'arrêt rendu le 27 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux novembre deux mille seize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lesourd, avocat aux Conseils, pour la caisse de mutualité sociale agricole de Picardie
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné la Mutualité Sociale Agricole de Picardie à verser à Mme Sylvie Y... la somme de 30 000 euros à titre de perte de chance d'évolution professionnelle ;
AUX MOTIFS QUE « la salariée indique qu'entre 2000 et 2009, elle n'a bénéficié que de 4 points d'évolution alors qu'elle aurait pu prétendre à l'octroi de 15 points chaque année, notamment en raison des appréciations particulièrement élogieuses portées à son encontre et, ce, en raison d'un désengagement de son employeur dans la gestion individualisée de son parcours professionnel ; qu'elle revendique par conséquent l'attribution de 131 points d'évolution supplémentaires calculés à partir du 1er janvier 2009 ; que selon l'employeur, l'attribution des points d'évolution, destinés à rétribuer la qualité de service ainsi que les résultats obtenus, relève du pouvoir d'appréciation de la direction et la salariée ne peut prétendre à leur obtention automatique ; que l'article 18-4 de la convention collective dispose que les salariés peuvent se voir attribuer par la direction des points d'évolution ; que ces points d'évolutions sont destinés à rétribuer la qualité de service ainsi que les résultats obtenus ; que le montant de chaque attribution, exprimé en points entiers, correspond au minimum à 3 points, avec un plafonnement individuel et annuel de 10 points pour les salariés occupant un emploi de niveau 1 à 4 et de 15 points pour les salariés occupant un emploi de niveau 5 à 8 ; que le nombre total de points d'évolution attribués dans l'organisme au cours de chaque année n'est pas plafonné ; qu'il doit être égal, au minimum, à 100 % de l'effectif au 1er janvier décompté en personnes physiques et réparti au moins sur 20 % de cette même population ; que ce montant minimum peut être réparti proportionnellement entre les salariés cadres et non cadres et sera attribué au 1er janvier de chaque année ; que la direction de chaque organisme communiquera aux instances représentatives du personnel les informations sur les modalités de la répartition de cette enveloppe de points d'évolution ; qu'au-delà de ses demandes relatives aux points d'évolution qui auraient dû lui être attribués, la salarié invoque au soutien de sa demande de rappel de salaires le manquement de l'employeur qui n'a pas suivi correctement la gestion individualisée de son parcours professionnel et ne s'est pas tenu informé des différentes évolutions dans ses fonctions afin de prendre sa décision de lui accorder ou non une promotion ; que l'article 62 de la convention collective applicable prévoit l'organisation par l'employeur d'un entretien annuel d'évaluation ; que seulement deux évaluations professionnelles de la salariée ont été effectuées par son employeur (la MSA) en 2005 et 2006, les autres bilans professionnels communiqués ayant été réalisés par le Conseil Général de l'Oise ; que la salariée établit avoir alerté son employeur sur sa situation professionnelle par des nombreux courriers et mails ; que la MSA, en sa qualité d'employeur, a manqué à l'engagement de tenir des entretiens annuels d'évaluation, entretiens à l'issue desquels la salariée aurait pu obtenir l'attribution de points d'évaluation et entretien qui doivent pourtant être également tenus alors que l'agent est en détachement dans une autre administration, en fonction des appréciations faites par les autorités extérieures ; que ce manquement a entraîné une perte de chance d'évolution professionnelle pour la salariée ; que ce préjudice ne peut être indemnisé par une reconstitution de carrière ou un rappel de salaire mais par l'octroi d'une somme dont le montant sera précisé au dispositif du présent arrêt » ;
1) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en condamnant l'employeur à verser à sa salariée des dommages-intérêts à titre de perte de chance d'évolution professionnelle quand elle n'était saisie à ce titre que de demandes de points d'évolution supplémentaires et de rappels de salaires, la cour a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut modifier l'objet du litige, tel qu'il est déterminé par les prétentions des parties, sans les avoir préalablement invitées à présenter des observations complémentaires ; qu'il s'ensuit que la cour d'appel ne pouvait, après avoir écarté les demandes de la salariée tendant à l'octroi de points d'évolution supplémentaires et à des rappels de salaires, lui allouer la somme de 30 000 euros à titre de perte de chance d'évolution professionnelle qui n'avait pas été sollicitée, sans avoir préalablement invité les parties à présenter des observations complémentaires, sauf à violer l'article 16 du code de procédure civile.