Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. François X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 12 novembre 2015, qui, pour infraction à la législation relative à la médecine vétérinaire et faux, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis, 35 000 euros d'amende, six mois d'interdiction professionnelle, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 4 janvier 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Harel-Dutirou, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle CÉLICE, SOLTNER, TEXIDOR et PÉRIER et de la société civile professionnelle ROUSSEAU et TAPIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAGAUCHE ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 122-2 du code pénal et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de faux et infraction aux règlements sur le commerce ou l'emploi de substances vénéneuses et, en répression, l'a condamné à la peine de six mois d'emprisonnement avec sursis, 35 000 euros d'amende et l'interdiction d'exercer la profession de pharmacien pendant une durée de six mois, puis l'a condamné à indemniser les parties civiles ;
" aux motifs que sur l'action publique, il est reproché à M. X... la délivrance de médicaments contenant des substances vénéneuses sans prescription vétérinaire et la falsification de son ordonnancier informatique par la mention de faux prescripteurs et de fausses dates de prescription ; que l'élément matériel de ces chefs de prévention, au demeurant non sérieusement contesté, ressort tout à la fois des contrôles effectués les 9 juillet et 10 septembre 2010 dans l'officine de M. X... par un pharmacien général de santé et un inspecteur de santé vétérinaire pour le compte de l'agence régionale de santé de Poitou-Charentes et des constatations effectuées par les gendarmes de la brigade des recherches de Rochefort, agissant sur commission rogatoire du juge d'instruction dont il résulte que du 2 janvier 2008 au 31 décembre 2010 l'officine du prévenu a réalisé 2204 ventes de médicaments vétérinaire portant au total sur 5 328 médicaments ; que ces 5 328 médicaments à usage vétérinaires étaient de 326 types différents dont seuls dix-neuf ne figuraient pas sur les listes I et II et dont quinze ne nécessitaient pas de prescription ; que deux médicaments faisaient l'objet d'une interdiction de délivrance au public (Polethal et Alizine) ; que pour ces 2204 ventes, les enquêteurs ont dénombré vingt-cinq prescripteurs différents ; que M. Y..., médecin, a été mentionné 1 364 fois comme prescripteur alors que ce vétérinaire a pris sa retraite en 2005, et le nom d'un médecin généraliste ou d'un spécialiste a été mentionné pour 599 autres ventes, alors que ces médecins ne sont pas habilités à délivrer des ordonnances pour des médicaments vétérinaires ; qu'au total, les noms des prescripteurs mentionnés sur le registre informatique étaient faux de même que la date de la prescription pour 89 % des 2201 ventes réalisées ; qu'ainsi que le tribunal correctionnel l'a relevé, il s'agissait donc pour M. X... d'une pratique courante, alors pourtant qu'il connaissait parfaitement la législation, laquelle lui avait été rappelée en 2000 lors d'un précédent contrôle ; que le prévenu a soutenu devant la cour qu'il avait dû agir ainsi devant l'attitude déloyale des vétérinaires qui refusaient de délivrer à leurs clients des ordonnances permettant l'achat de médicaments en pharmacie et qui de ce fait, portaient atteinte à la liberté du commerce ; qu'il a indiqué qu'il avait été contraint, pour des raisons de survie économique de délivrer ces médicaments sans prescription puisque son ordre professionnel bien qu'alerté de cette difficulté n'avait rien fait pour défendre la profession ; que l'article 122-2 du code pénal dispose que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister ; que cette contrainte ne peut résulter que d'un événement indépendant de la volonté humaine et que cette volonté n'a pu prévoir ni conjurer ; que la contrainte alléguée, essentiellement économique, n'est en réalité qu'un des mobiles qui ont animé, M. X... et elle ne peut être retenue comme fait justificatif de l'infraction au sens de l'article 122-2 du code pénal ;
" alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l'empire d'une force ou d'une contrainte à laquelle elle n'a pu résister ; qu'en affirmant, pour déclarer M. X... coupable des faits qui lui étaient reprochés, que la contrainte dont il se prévalait ne pouvait être retenue comme fait justificatif au sens de l'article 122-2 du code pénal dès lors qu'elle était essentiellement économique, sans rechercher si M. X... s'était effectivement vu contraint de procéder à la vente de médicaments vétérinaires sans ordonnance pour des raisons de survie économique de son officine, tenant, d'une part, au fait que les vétérinaires refusaient de délivrer des ordonnances à leurs clients leur permettant l'achat de médicaments en pharmacie et, d'autre part, à l'inertie des pouvoirs publics et du Conseil national de l'ordre des pharmaciens qui n'avaient pris aucune disposition afin qu'il soit mis un terme à une telle pratique, et si cette contrainte était de nature à l'exonérer de sa responsabilité pénale, la cour d'appel a exposé sa décision à la cassation " ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, notamment en démontrant que M. X... ne s'était pas trouvé dans l'impossibilité absolue de se conformer à la loi, et a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de délivrance de médicaments vétérinaires contenant des substances vénéneuses sans respecter les dispositions réglementaires applicables à la prescription et à la délivrance de ces produits et de faux dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail, 1382 du code civil, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé recevable la constitution de partie civile du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral et a condamné M. X... à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que sur l'action civile, M. X... conteste la recevabilité de la constitution de partie civile du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires devenu le conseil national de l'ordre des vétérinaires et du syndicat national des vétérinaires, au motif que la profession en cause est celle de pharmacien et non celle de vétérinaire ; qu'un ordre professionnel a pour mission de protéger une profession déterminée contre ses propres membres et aussi contre les attaques dont cette profession peut être l'objet puisqu'il a la charge de défendre les intérêts collectifs de tous les membres de la profession ; qu'un syndicat professionnel, s'il ne représente qu'une partie des membres de la profession a aussi pour mission de défendre les intérêts de la profession tant au plan matériel que moral ; que M. X... en falsifiant son ordonnancier informatique pour faire croire à des prescriptions vétérinaires en cas de contrôle, et en délivrant des médicaments contenant des substances vénéneuses sans prescription a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession de vétérinaire, en la discréditant aux yeux des clients laissant croire que le diagnostic obligatoire était inutile et en proposant un service qui limitait pour les éleveurs les consultations vétérinaires, entraînant pour ces praticiens des pertes financières ; que cet intérêt collectif ne peut se confondre ni avec l'intérêt général, notamment la défense de la santé publique, dont le ministère public assure la protection, ni avec l'intérêt individuel de certains vétérinaires qui ont été lésés personnellement, leur nom ayant été utilisé frauduleusement ; qu'ainsi il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré recevables les constitutions de partie civile du conseil national de l'ordre des vétérinaires, du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral et du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que le tribunal a, au vu des pièces versées aux débats, fait une exacte évaluation des dommages-intérêts devant être mis à la charge du prévenu pour réparer le dommage causé au conseil national de l'ordre des vétérinaires et au syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral ; que les dispositions civiles du jugement seront confirmées sur ce point ;
" 1°) alors que si les syndicats professionnels peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits reconnus à la partie civile, c'est à la condition que les faits déférés au juge puissent, par eux-mêmes, porter un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, distinct aussi bien de l'intérêt privé de la victime que des intérêts généraux de la société ; que l'intérêt privé de la victime atteinte individuellement par un acte intentionnel ne saurait se confondre avec l'intérêt collectif de la profession à laquelle elle appartient ; qu'en décidant, pour condamner M. X... à indemniser le syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, que les faits dont il a été reconnu coupable avaient engendré des pertes financières pour les vétérinaires qui n'avaient pu procéder à un diagnostic obligatoire préalablement à la vente des médicaments à usage vétérinaire, bien que les intérêts financiers qui auraient personnellement lésés les vétérinaires aient été distincts de l'intérêt collectif de la profession, de sorte que l'action civile du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral était irrecevable, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation ;
" 2°) alors que la partie civile ne peut obtenir réparation que d'un préjudice certain ; qu'il en résulte que le juge ne peut indemniser un préjudice hypothétique ; qu'en condamnant M. X... à indemniser le syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral, motif pris que les faits dont il a été reconnu coupable avaient engendré des pertes financières pour les vétérinaires qui auraient pu procéder à un diagnostic obligatoire préalablement à la vente des médicaments à usage vétérinaire s'ils avaient été sollicités à cette fin, la cour d'appel a indemnisé un préjudice hypothétique " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles R. 242-1 et R. 242-3 du code rural et de la pêche maritime, 1382 du code civil, 2 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé recevable la constitution de partie civile du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, devenu le conseil national de l'ordre des vétérinaires, et a condamné M. X... à lui payer la somme de 2 500 euros à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que sur l'action civile, M. X... conteste la recevabilité de la constitution de partie civile du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires devenu le conseil national de l'ordre des vétérinaires et du syndicat national des vétérinaires, au motif que la profession en cause est celle de pharmacien et non celle de vétérinaire ; qu'un ordre professionnel a pour mission de protéger une profession déterminée contre ses propres membres et aussi contre les attaques dont cette profession peut être l'objet puisqu'il a la charge de défendre les intérêts collectifs de tous les membres de la profession ; qu'un syndicat professionnel, s'il ne représente qu'une partie des membres de la profession a aussi pour mission de défendre les intérêts de la profession tant au plan matériel que moral ; que M. X... en falsifiant son ordonnancier informatique pour faire croire à des prescriptions vétérinaires en cas de contrôle, et en délivrant des médicaments contenant des substances vénéneuses sans prescription a causé un préjudice à l'intérêt collectif de la profession de vétérinaire, en la discréditant aux yeux des clients laissant croire que le diagnostic obligatoire était inutile et en proposant un service qui limitait pour les éleveurs les consultations vétérinaires, entraînant pour ces praticiens des pertes financières ; que cet intérêt collectif ne peut se confondre ni avec l'intérêt général, notamment, la défense de la santé publique, dont le ministère public assure la protection, ni avec l'intérêt individuel de certains vétérinaires qui ont été lésés personnellement, leur nom ayant été utilisé frauduleusement ; qu'ainsi il y a lieu de confirmer le jugement qui a déclaré recevables les constitutions de partie civile du conseil national de l'ordre des vétérinaires, du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral et du conseil national de l'ordre des pharmaciens ; que le tribunal a, au vu des pièces versées aux débats, fait une exacte évaluation des dommages-intérêts devant être mis à la charge du prévenu pour réparer le dommage causé au conseil national de l'ordre des vétérinaires et au syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral ; que les dispositions civiles du jugement seront confirmées sur ce point ;
" alors que l'action civile en réparation du dommage causé par un crime, un délit ou une contravention appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction ; que le conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires exerce sur le plan national les attributions reconnues aux conseils régionaux dans l'étendue de leur ressort ; que conjointement avec ces conseils, auxquels il donne des directives, il veille à l'observation par tous les membres de l'ordre des devoirs professionnels et des règles édictées par le code de déontologie de la profession ; qu'en déclarant recevable la constitution de partie civile du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, bien que les infractions retenues à l'encontre de M. X... aient concerné l'exercice de la profession de pharmacien, ce dont il résultait que le conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires ne pouvait exercer l'action civile relativement à la commission de ces infractions qui ne relevaient pas des devoirs professionnels et du code de la déontologie de la profession de vétérinaire, la cour d'appel a exposé sa décision à la censure de la Cour de cassation " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer recevables les constitutions de parties civiles du syndicat national des vétérinaires d'exercice libéral et du conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires, et leur allouer des dommages-intérêts, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs montrant que les faits pour lesquels M. X... a été déclaré coupable ont porté un préjudice aux intérêts collectifs représentés par ces instances, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer au conseil national de l'ordre des pharmaciens au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 1 000 euros pour chacun la somme que M. X... devra payer au conseil supérieur de l'ordre des vétérinaires et au syndicat national des vétérinaires d'ordre libéral au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt et un février deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.