LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :
Vu l'article 1700 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué et les productions, qu'une ordonnance du 21 février 1994 a fait injonction à Mme X... de payer à la société Cofica, aux droits de laquelle vient la société BNP Paribas Personal Finance (la société), une certaine somme en remboursement d'un crédit destiné à financer l'acquisition d'un véhicule automobile ; que cette ordonnance a été signifiée à Mme X... le 21 mars 1994 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile puis, en l'absence d'opposition de sa part, revêtue de la formule exécutoire le 22 avril 1994 ; que, le 28 février 2005, la société a, dans le cadre d'une cession globale, cédé la créance qu'elle détenait sur Mme X... au Fonds commun de titrisation Crédinvest (le FCT), représenté par la société Eurotitrisation ; que celle-ci, reprenant l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer, l'a signifiée à Mme X... le 28 juin 2011 par dépôt de l'acte en l'étude de l'huissier de justice et a fait, le même jour, pratiquer sur son compte bancaire une saisie attribution, qui lui a été dénoncée le 30 juin 2011 ; que Mme X... a formé opposition le 25 juillet 2011 à l'ordonnance d'injonction de payer et a exercé son droit de retrait litigieux ;
Attendu que, pour déclarer Mme X... recevable et bien fondée à exercer ce droit, l'arrêt, après avoir relevé que la société avait engagé, en 1994, une procédure en injonction de payer antérieurement à la cession de créance, intervenue en 2005, retient que c'est donc un droit litigieux qui a été cédé au FCT et qu'il ne peut être reproché à Mme X... de ne pas avoir contesté la créance avant la cession puisque l'ordonnance de 1994 ne lui avait pas, alors, été signifiée à personne et qu'elle n'a eu connaissance du procès engagé contre elle que le 28 juin 2011, date à laquelle l'ordonnance lui a, de nouveau, été signifiée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, le droit cédé n'avait fait l'objet d'aucune contestation sur le fond du droit antérieurement à la cession, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2015 entre les parties par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet en conséquence la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux février deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Eurotitrisation
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré Mme X... recevable et bien fondée à exercer son droit de retrait litigieux en application de l'article 1699 du Code civil ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame X... ne conteste nullement la réalité de la cession de créance intervenue, contrairement à ce qui est soutenu par le créancier ; que la critique de Madame X... concerne l'absence de prix dans l'acte recognitif du 27 septembre 2011, l'empêchant ainsi d'opter pour le retrait litigieux de l'article 1699 du Code civil ; qu'il résulte de cet article que celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ; que la société Credinvest conteste le caractère litigieux de la créance pour repousser l'exercice par Madame X... du retrait litigieux ; que selon elle, lorsqu'aucun procès, portant sur le bien fondé de la créance invoquée, n'est engagé avant la cession de créance, les droits cédés ne sont pas litigieux ; mais qu'en l'espèce, la société Cofica a été contrainte d'initier une procédure en injonction de payer devant le tribunal d'instance de Cagnes-sur-Mer ; que cette injonction est bien antérieure à la cession de créances qui se situe en 2005 ; que c'est donc bien un droit litigieux qui a été cédé à Credinvest ; qu'il ne peut être reproché à Madame X... de ne pas avoir contesté la créance de Credinvest avant la cession du droit litigieux puisqu'elle n'a eu connaissance du procès engagé contre elle que le 28 juin 2011, date de la signification à personne de l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994 ; que Madame X... n'a jamais reconnu le bien fondé de la créance Cofica/Cetelem puisqu'elle a immédiatement contesté dès qu'elle a reçu la signification de l'ordonnance d'injonction de payer ; que toutes les conditions étaient réunies pour permettre l'exercice de Madame X... du retrait litigieux » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « contrairement à ce que soutient le fonds Credinvest, le droit de retrait de Mademoiselle X... est bien litigieux puisqu'il y a la présente procédure en cours qui a débuté dès que cette dernière a eu connaissance des poursuites engagées contre elle mais après donc que cette procédure ait été initiée par la saisine de la présente juridiction en 1994 par le biais de la procédure non contradictoire d'injonction de payer, et qu'en outre, dans le cadre de la présente instance, celle-ci n'offre qu'un prix symbolique de rachat à hauteur de un euro de la créance cédée, offre qu'elle devait faire à titre principal comme elle l'a fait, et à défaut s'oppose à tout paiement en invoquant la forclusion de l'action et encore plus subsidiairement soulève la prescription quinquennale concernant les intérêts » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE celui contre lequel on a cédé un droit litigieux peut s'en faire tenir quitte par le cessionnaire, en lui remboursant le prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite ; que la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit ; que si l'engagement d'une procédure d'injonction de payer engendre un procès à l'encontre du débiteur, ce procès, initié par le seul créancier dans le but d'obtenir un titre exécutoire pour recouvrer sa créance, n'a pas, par nature, pour objet de contester le fond du droit cédé ; qu'en conséquence, la seule introduction d'une procédure d'injonction de payer avant la cession de créance ne suffit pas, à elle seule, à rendre le droit litigieux ; qu'en retenant cependant en l'espèce que l'introduction d'une procédure en injonction de payer par la société Cofica avant la cession de la créance détenue contre Mme X... rendait litigieux le droit cédé au fonds Credinvest, la Cour d'appel a violé les articles 1699 et 1700 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la chose est censée litigieuse dès qu'il y a procès et contestation sur le fond du droit, lesquels doivent par conséquent avoir lieu avant la date de la cession de créance ; que c'est seulement en cas de fraude avérée commise par le cédant et le cessionnaire qu'il peut être fait exception à ce principe d'antériorité du caractère litigieux du droit cédé par rapport à la date de la cession de créance ; qu'en retenant cependant en l'espèce que l'opposition à injonction de payer formée par Mme X... le 25 juillet 2011, soit plus de six ans après la date de la cession de créance intervenue le 28 février 2005, rendait son droit litigieux, au motif inopérant, en l'absence de toute fraude commise par le cédant et le cessionnaire, que Mme X... n'avait pas eu connaissance de la procédure en injonction de payer engagée contre elle avant le 28 juin 2011, la Cour d'appel a derechef violé les articles 1699 et 1700 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE, subsidiairement, par lettre du 25 juillet 2011, déposée au greffe du tribunal d'instance de Cagnes-sur-Mer le 27 juillet 2011, Mme X... s'est contentée de former opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 21 février 1994 sans indiquer les motifs de cette opposition et donc sans contester immédiatement le bien fondé de la créance cédée ; qu'en énonçant cependant que Mme X... « n'a jamais reconnu le bien fondé de la créance Cofica/Cetelem puisqu'elle a immédiatement contesté dès qu'elle a reçu la signification de l'ordonnance d'injonction de payer », la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir fixé à un euro symbolique le prix de cession de créance intervenue le 28 février 2005 et d'avoir condamné Madame X... à verser cette seule somme au fonds commun de titrisation Credinvest, outre celle de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « si l'acte du 27 septembre 2011 porte la mention du montant de la créance que la BNP a cédée à Credinvest (12.310 euros dont 8.206 euros en principal, 3.944 euros en intérêts et 160 euros en frais accessoires), cet acte ne porte en revanche pas la mention d'un prix de cession ; que ce procédé a, à l'évidence, empêché Madame X... d'opter pour le droit de retrait de l'article 1699 du Code civil ; qu'il importait peu que Madame X... ne conteste pas l'authenticité de l'acte recognitif dès lors que cet acte ne comportait pas le prix de cession de la créance mais le montant de la créance elle-même ; qu'il convient d'infirmer le jugement querellé et de fixer à la somme de un euro le prix de la cession de créance, faute par la société Credinvest de rapporter la preuve de son montant véritable » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la cession en bloc de plusieurs créances fait obstacle à l'exercice du droit de retrait litigieux à l'égard d'une créance qui y est incluse si le prix de celle-ci n'est pas déterminable ; qu'en cette hypothèse, le juge doit écarter la demande de retrait litigieux sans pouvoir fixer lui-même le prix de cession de la créance ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les mentions de l'acte de cession du 28 février 2005 ne permettaient pas de déterminer le prix de cession de la créance détenue contre Mme X..., la Cour d'appel a néanmoins fixé elle-même le prix de cession de la créance à la somme de un euro symbolique ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles 1134 et 1699 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE, l'exercice du droit de retrait litigieux oblige au remboursement du « prix réel de la cession avec les frais et loyaux coûts, et avec les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix de la cession à lui faite » ; qu'à supposer même que le juge puisse fixer lui-même le prix de cession de la créance lorsque celui-ci est indéterminable, il ne peut en aucun cas fixer un prix à titre symbolique et doit procéder à une évaluation de la valeur réelle de rachat de la créance cédée ; qu'en décidant en l'espèce de fixer à « un euro symbolique le prix de cession de créance intervenue le 28 février 2005 », la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1699 du Code civil, ensemble l'article 12 du Code de procédure civile.