LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Cofidis, venant aux droits de la société Groupe Sofemo à la suite d'une opération de fusion-absorption, de ce qu'elle reprend l'instance au lieu et place de celle-ci ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme [Z] et M. [R] ont, le 8 janvier 2009, signé un bon de commande de fourniture et d'installation de capteurs photovoltaïques en intégration de toiture par la société BSP et ont, suivant une offre préalable du même jour, souscrit auprès de la société Groupe Sofemo (le prêteur) un crédit destiné à en assurer le financement ; que, le 23 février 2009, la société BSP a émis sa facture et Mme [Z] a signé une attestation de livraison-demande de financement ; que les fonds ont été versés par le prêteur le 26 février 2009 ; que, par un arrêté du 12 mars 2009, le maire de la commune s'est opposé à la réalisation des travaux sur la déclaration qui en avait été faite le 23 février 2009 ; qu'ultérieurement, la société BSP, mise en redressement judiciaire, n'a pas procédé à la reprise du matériel et à la remise en état du toit ; que des échéances du prêt demeurant impayées, le prêteur a prononcé la déchéance du terme et assigné en paiement Mme [Z] et M. [R], qui ont recherché sa responsabilité lors du déblocage des fonds ;
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en ses trois premières branches, réunis :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
Attendu que pour dire que le prêteur n'avait pas commis de faute dans la mise à disposition des fonds et, après avoir annulé le prêt pour non-respect du délai de réflexion, condamner solidairement Mme [Z] et M. [R] à lui en restituer le capital restant dû, l'arrêt retient que les fonds ont été débloqués le 26 février 2009, soit postérieurement à la signature par Mme [Z] de l'attestation de livraison-demande de financement datée du 23 février 2009 qui comprend le cachet humide de la société BSP, ce qui a permis au prêteur de s'assurer que la demande émanait bien de cette société ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si cette attestation suffisait à permettre au prêteur de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal, comprenant, comme il était soutenu, non seulement la fourniture des panneaux photovoltaïques, mais également leur pose et raccordement dans le respect de la réglementation en vigueur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Groupe Sofemo n'a pas commis de faute dans la mise à disposition des fonds et condamne solidairement Mme [Z] et M. [R] à lui payer la somme de 26 227,37 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 28 août 2010 et en ce qu'il statue sur les frais et dépens, l'arrêt rendu le 4 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Cofidis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à Mme [Z] et à M. [R] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour Mme [Z] et M. [R]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Madame [I] [U] épouse [Z] était signataire de l'attestation de livraison demande de financement datée du 23 février 2009
Aux motifs que Madame [Z] dénie sa signature ; Sofemo a fait réaliser par Madame [E] [O], expert judiciaire en écritures près la cour d'appel de Colmar une expertise privée aux termes de laquelle elle conclut avoir « la certitude que l'attestation de livraison-demande de financement datée du 23 février 2009 est signée par Madame [Z] » ; bien que non contradictoire, cette expertise qui n'est pas autrement discutée permet d'emporter la conviction de la cour qui ne partage pas les conclusions du premier juge quant aux dissemblances avec les autres spécimens de signature servant de termes de comparaison, lesquelles ne sont en rien significatives d'une imitation ; la vérification d'écritures réalisée par la cour sur la base des mêmes documents examinés par le tribunal , confirmée par l'expertise privée permet de retenir que Madame [Z] est la signataire de l'attestation litigieuse ; citée est justement prononcée au regard de ces dispositions inapplicables à l'espèce ;
1 - Alors que lorsqu'une partie désavoue sa signature, le juge doit procéder à la vérification de l'écrit contesté avant de trancher la contestation ; qu'il doit faire cette vérification au vu des éléments dont ils disposent afin de procéder à une comparaison ; que la cour d'appel qui a affirmé qu'elle avait procédé à la vérification d'écriture sur la base des documents examinés par le tribunal, sans dire en quoi la comparaison de ces documents avec la signature figurant dans l'attestation litigieuse démontrait que la signature de Madame [Z] était bien la sienne, n'a pas justifié sa décision au regard des articles 1324 du code civil et 287 et 288 du code de procédure civile 2
2 - Alors que de plus les juges du fond doivent viser et analyser les documents sur lesquels ils se fondent ; qu'en se fondant sur « les documents examinés par le tribunal » dont elle a rejeté les conclusions et infirmé le jugement, sans les viser ni procéder elle-même à leur analyse, la cour d'appel n'a pas mis la cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a violé l'article 455 du code de procédure civile et l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
3 - Alors qu'en application du principe de l'égalité des armes les juges ne peuvent se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire ; que pour décider que la signature figurant sur l'attestation de livraison était bien celle de madame [Z], la cour d'appel s'est fondée après avoir fait une simple référence aux documents examinés par le premier juge, sur un rapport d'expertise non contradictoire emportant sa conviction ; qu'ainsi elle s'est fondée exclusivement sur le rapport d'expertise non contradictoire et a violé l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Sofemo n'avait pas commis de faute dans la mise à disposition des fonds et condamné en conséquence solidairement, Madame [I] [U] épouse [Z] et Monsieur [Y] [R] à payer à la SA Group Sofemo la somme, de 26.227,37€ avec intérêts au taux légal Aux motifs que les intimés soulèvent la faute de Sofemo dans l'exécution des stipulations contractuelles selon lesquelles les fonds seront mis à disposition sur instruction au prêteur de débloquer les fonds au profit du vendeur ou du prestataire de services par signature de l'emprunteur et du vendeur de l'attestation de livraison-demande de financement ; ils soulèvent plusieurs irrégularités de ce document en ce qu'il a été reçu par Sofemo le 27 février alors que les fonds ont été débloqués la veille, en ce qu'il n'est signé ni du vendeur ni du co-emprunteur, en ce que madame [Z] dénie sa signature ; si l'attestation porte un tampon dateur du 27 février 2009, elle n'en est pas moins datée du 23 février 2009 ; les fonds qui ont été versés le 26 février l'ont donc été postérieurement à l'établissement de l'attestation ; l'attestation ne porte pas la signature du vendeur ; cependant elle porte le timbre humide de la société BSP, ce qui permet au prêteur de s'assurer que la demande émane bien du prestataire vendeur ; seul l'emprunteur est prévu pour être signataire de l'attestation pas le co-emprunteur solidaire ; aucune faute de Sofemo n'est dès lors caractérisée au regard de ces premières irrégularités ; Madame [Z] dénie sa signature ; Sofemo a fait réaliser par Madame [E] [O], expert judiciaire en écritures près la cour d'appel de Colmar une expertise privée aux termes de laquelle elle conclut avoir « la certitude que l'attestation de livraison-demande de financement datée du 23 février 2009 est bien signée par Madame [Z] » ; bien que non contradictoire cette expertise qui n'est pas autrement discutée, permet d'emporter la conviction de la cour qui ne partage pas les conclusions du premier juge quant aux dissemblances avec les autres spécimens de signatures servant de comparaison, lesquelles ne sont en rien significatives d'une imitation ; la vérification d'écritures réalisée par la cour sur la base des mêmes documents examinés par le tribunal, confortée par l'expertise privée permet de retenir que Madame [Z] est la signataire de l'attestation litigieuse ; la décision sera en conséquence réformée, étant observé que les parties conviennent que les dispositions du code de la consommation relatives au crédit à la consommation, ne sont pas applicables à l'instance et que la jurisprudence citée ( civ 1ère n° 12-13022 du 16 janvier 2013) est justement prononcée au regard de ces dispositions inapplicables à l'espèce ;
1 - Alors que l'établissement de crédit qui délivre les fonds au vendeur, sans que l'attestation de livraison-demande de financement conditionnant le déblocage des fonds soit revêtue de la signature de l'emprunteur comme prévu au contrat de prêt, commet une faute dans l'exécution de la convention ; que la cassation qui interviendra sur le premier moyen de cassation qui critique l'arrêt en ce qu'il a dit que la signature figurant sur le bon de livraison était celle de Madame [Z], entraînera par voie de conséquence la cassation de l'arrêt qui a écarté la faute de la société Sofemo en application de l'article 625 du code de procédure civile
2 - Alors que l'établissement de crédit qui consent un prêt accessoire à une installation photovoltaïque ne peut débloquer les fonds de manière anticipée avant de s'être assuré que les conditions de déblocage des fonds sont remplies au vu de l'attestation de livraison, jointe à la demande de financement ; qu'il est constant qu'en l'espèce l'offre de prêt prévoyait que l'emprunteur donnerait instruction au prêteur de débloquer les fonds au profit du vendeur ou prestataire de service désigné, par la signature de l'emprunteur et du vendeur de l'attestation de livraison-demande de financement et que l'attestation de livraison portait le tampon « reçu le 27 février (2009) par la société Sofemo » ; que la cour d'appel qui a considéré que la banque n'avait commis aucun manquement sous prétexte que si l'attestation portait un tampon dateur du 27 février, elle avait été signée le 23 février 2009 donc antérieurement au déblocage des fonds le 26 février, alors qu'il résultait de ces constatations qu'elle n'avait pu recevoir instruction de débloquer les fonds faute d'avoir reçu l'attestation de livraison à cette date , a méconnu les obligations du prêteur et a violé les articles 1134 et 1147 du code civil
3 - Alors que de plus, l'organisme de crédit qui consent un prêt immobilier accessoire à une installation photovoltaïque ne peut débloquer les fonds que si toutes les conditions de déblocage prévues au contrat sont remplies ; que dans leurs conclusions d'appel les demandeurs au pourvoi ont fait valoir que dans l'offre de prêt acceptée par eux, il était stipulé que l'emprunteur donnerait instruction au profit du vendeur ou prestataire de service désigné par la signature de l'emprunteur et du vendeur de l'attestation de livraison demande de financement ; que la cour d'appel qui a considéré que la Sofemo n'avait pas commis de faute en libérant les fonds sans que la signature du vendeur ne figure sur l'attestation de livraison, le timbre humide de la société suffisant à s'assurer que la demande émanait du prestataire vendeur, a méconnu les obligations contractuelles de la société Sofemo et a violé les articles 1134 et 1184 du code civil
4 - Alors qu'en tout état de cause, dans le cas des contrats de crédit accessoires à une installation photovoltaïque, il appartient au prêteur qui a une obligation de prudence de vérifier avant de débloquer les fonds, que l'attestation de livraison-demande de financement, conditionnant ce déblocage, comporte toutes les informations nécessaires à l'identification de l'opération en cause et de se convaincre de l'exécution complète du contrat principal ; qu'à défaut il doit faire diligence pour s'assure d'une telle exécution ; que la cour d'appel qui a relevé d'une part que l'attestation de livraison-demande de financement qui portait un tampon dateur de réception par le prêteur du 27 février 2009, était datée du 23 février 2009 si bien que les fonds avaient été sans faute débloqués le 26 février, postérieurement à la date de l'établissement de l'attestation et d'autre part que si la signature du vendeur n'était pas apposée sur l'attestation, le timbre humide du vendeur y figurait si bien que le prêteur avait pu s'assurer qu'elle émanait de lui, et décidé que la société Sofemo n'avait commis aucune faute, sans avoir recherché comme cela lui était demandé si l'établissement de crédit s'était assuré que la prestation avait été complètement exécutée, n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 1147 du code civil.