LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2014), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 10 décembre 2013, pourvoi n° 12-23.890) que M. [E] a conclu avec la société Obi, devenue Auvence, un contrat de franchise pour l'exercice d'une activité de conseil en gestion de patrimoine sous l'enseigne Coff ; que la société ADL, créée par M. [E], s'est substituée à celui-ci ; que le 18 octobre 2007, un accord sur la résiliation du contrat de franchise a été conclu entre les parties et que le même jour, M. [E] a conclu avec la société Coff, filiale de la société Auvence, chargée de l'exploitation et du développement du réseau, un contrat de licence d'enseigne et de partenariat commercial ; que le 1er août 2008, M. [E] et la société ADL ont assigné les sociétés Auvence et Coff en annulation du contrat de franchise sur les fondements du dol et de l'absence de cause et subsidiairement en résiliation de ce contrat à leurs torts exclusifs, en annulation du contrat de licence de marque, en restitution des sommes versées par le franchisé et en paiement de dommages-intérêts ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. [E] et la société ADL font grief à l'arrêt du rejet de la demande de cette dernière en paiement de dommages-intérêts au titre de son préjudice économique alors, selon le moyen :
1°/ que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de réparation formée par la société ADL au titre de ses pertes opérationnelles, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; que ce préjudice englobe donc la perte de chance d'éviter les pertes que la victime du dol n'aurait pas subies si, correctement informée, elle avait décidé de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; que dès lors, si l'on considère qu'en retenant que « si l'appelante a subi un préjudice « économique direct », celui-ci est constitué (…) par les investissements nécessaires à la mise en place de l'exploitation de la franchise », la cour d'appel a entendu exclure, par principe, toute réparation du préjudice subi par la société ADL au titre de ses pertes opérationnelles, alors elle a, en statuant de la sorte, violé l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
3°/ que pour s'opposer à toute réparation du préjudice subi par la société ADL au titre des sommes investies en exécution du contrat de franchise, les sociétés Auvence et Coff prétendaient simplement que le droit d'entrée n'aurait pas à être restitué puisqu'il avait été versé en contrepartie de la transmission d'un savoir-faire insusceptible de restitution et que la société ADL serait infondée à obtenir une indemnisation au titre des investissements spécifiques à la franchise dès lors qu'elle n'établissait pas le « coût de l'enseigne » et qu'elle aurait commis une faute de nature à minorer son indemnisation ; que les sociétés Auvence et Coff ne soutenaient en revanche nullement que le droit d'entrée avait été conservé au titre du contrat de licence d'enseigne et que les investissements réalisés avaient permis à la société ADL de poursuivre son activité dans le cadre de ce contrat de licence d'enseigne ou d'autres activités ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant retenu que ne relevaient du préjudice économique direct que les investissements et le droit d'entrée, écartant, par là-même, les pertes opérationnelles, la cour d'appel a motivé sa décision ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de ses conclusions d‘appel que la société ADL se bornait à demander la réparation du préjudice résultant des pertes opérationnelles du fait de l'exécution du contrat de franchise, sans invoquer, à ce titre, une perte de chance ; que le grief de la deuxième branche est donc nouveau, et mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, enfin, que c'est sans méconnaître le principe de la contradiction que les juges du fond, statuant au vu des éléments de preuve qui étaient dans le débat, ont retenu, dans l'exercice de leur pouvoir souverain d'appréciation, que les investissements réalisés dans le cadre du contrat de franchise avaient permis à la société ADL de poursuivre son activité, une fois ce dernier résilié, dans le cadre du contrat de location d'enseigne et qu'une partie du droit d'entrée avait été conservée par le franchiseur au titre du contrat de licence ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que M. [E] et la société ADL font grief à l'arrêt du rejet des demandes de cette dernière en paiement de dommages-intérêts au titre de la perte de résultat et de la perte de valeur du fonds de commerce alors, selon le moyen :
1°/ que constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle certaine d'une éventualité favorable ; qu'après avoir constaté que les société Auvence et Coff avaient commis un dol entraînant l'annulation du contrat de franchise, la cour d'appel a rejeté la demande de réparation de la société ADL au titre de sa perte de chance de réaliser des gains en contractant dans de meilleures conditions avec un tiers, en retenant que cette dernière n'établissait pas qu'il existait pour elle une chance de contracter avec un tiers et qu'elle avait préféré renoncer à des solutions plus intéressantes qui lui auraient permis d'avoir un développement « normal » pour signer le contrat annulé ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations qui, si elles étaient de nature à exclure l'existence d'un dommage certain intégralement consommé, demeuraient impropres à écarter l'existence d'une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que pour établir les gains qu'elle aurait pu percevoir si elle n'avait pas perdu la chance d'exploiter son activité dans des conditions normales avec un autre partenaire commercial, la société ADL se fondait sur les données financières des sociétés du réseau FIP Patrimoine, qui exerçaient elles aussi une activité de conseil en gestion de patrimoine dans le cadre d'un contrat de franchise ; qu'en jugeant cependant que la société ADL ne justifierait pas son gain manqué dès lors qu'elle « prend[rait] pour hypothèse le chiffre d'affaires prévisionnel proposé par le franchiseur, qu'[elle] considère irréaliste, alors qu'[elle] a contesté toute rentabilité du concept Coff, en grevant ce chiffre des charges inhérentes à l'exploitation et en l'affectant d'une décote », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de M. [E] et de la société ADL, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que pour établir l'existence et le montant de sa perte de chance d'éviter une perte de valeur de son fonds de commerce, la société ADL s'appuyait sur un rapport établi par un expert-comptable ; que ce rapport était déterminant, puisqu'il procédait à une comparaison de la valeur du fonds de commerce de la société ADL au 31 mars 2013 avec celle que ce fonds de commerce aurait eue, à la même date, si la société ADL avait pu développer normalement sa clientèle ; qu'en retenant, pour débouter la société ADL de sa demande de réparation, que l'existence de ce préjudice ne serait pas établie, sans s'expliquer, même sommairement, sur le rapport d'expertise qu'elle produisait, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que la société ADL faisait valoir que son préjudice de perte de chance d'éviter une perte de valeur de son fonds de commerce résultait de ce qu'elle n'avait pas pu développer normalement sa clientèle au cours de ses premières années d'exercice en raison des carences du franchiseur et que la clientèle ainsi perdue lui avait ensuite fait défaut dans les années suivantes ; que dans la mesure où ce préjudice était la conséquence d'un retard pris au cours des premières années d'exercice, l'activité qu'a ensuite pu mener la société ADL était insusceptible de l'écarter ; que, pour refuser d'en ordonner la réparation, la cour d'appel s'est pourtant fondée sur le fait que la société ADL avait « continué son activité en cessant de proposer les produits Coff » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter l'existence du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce dont la société ADL sollicitait la réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt relève que la preuve d'une meilleure occasion de contracter avec un tiers, que la société ADL aurait manquée par la signature du contrat de franchise annulé, n'est pas rapportée ; qu'il relève encore que la perte de chance de réaliser des gains si le franchisé avait pu exploiter son activité dans des conditions normales se fonde sur une hypothèse proposée par le franchiseur que la société ADL qualifie d'irréaliste, et qu'en ce qui concerne la valeur que le fonds de commerce aurait pu avoir, notamment grâce au développement d'une clientèle, l'existence d'une perte de chance n'est pas établie ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la quatrième branche, la cour d'appel, qui n'a pas dénaturé les conclusions de la société ADL et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu écarter l'existence d'un préjudice de perte de chance ; que le moyen, pour partie inopérant, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. [E] et la société ADL font grief à l'arrêt du rejet de la demande de M. [E] en paiement de dommages-intérêts en réparation de l'absence de rémunération et au titre du remboursement de son compte courant d'associé alors, selon le moyen :
1°/ que le dirigeant d'une société franchisée victime d'un dol ayant entrainé l'annulation du contrat de franchise est fondé à obtenir la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son activité non rémunérée ; qu'un tel préjudice ne correspond en effet pas à un avantage que le dirigeant aurait pu tirer de l'exécution du contrat annulé, mais à la valeur de l'activité qu'il a dû déployer en vain ; qu'en l'espèce, M. [E] faisait valoir que l'échec de la franchise Coff l'avait privé de la possibilité de se prélever une quelconque rémunération pour l'activité qu'il avait déployée dans le cadre de l'exploitation de cette franchise et sollicitait en conséquence le versement d'une somme de 45 000 euros en indemnisation de ce préjudice ; que pour rejeter cette demande de réparation, la cour d'appel a retenu que M. [E] ne pouvait réclamer de dommages-intérêts en réparation du préjudice correspondant à « des rémunérations qu'il pouvait attendre de l'exploitation de la franchise » ; qu'en ne recherchant pas si M. [E] pouvait obtenir la réparation du préjudice correspondant à la valeur de l'activité qu'il a dû déployer en vain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que dans leurs conclusions d'appel, M. [E] et la société ADL faisaient valoir que leurs préjudices ne pouvaient être arrêtés à la date de la signature du contrat de licence d'enseigne, intervenue le 18 octobre 2007, dans la mesure où ce contrat n'était pas valable ; qu'ils précisaient que la nullité du contrat de franchise emportait de facto celle du contrat de licence ; que M. [E] sollicitait donc la condamnation du franchiseur à l'indemniser au titre des avances en compte courant consenties à la société ADL en vue de l'exécution des deux contrats, soit un montant total de 225 866 euros, arrêté à la date du 31 mars 2013 ; qu'en retenant, pour rejeter cette demande, que M. [E] ne justifiait pas avoir eu une créance sur la société ADL à la fin de l'exécution du contrat de franchise en octobre 2007, cependant que l'indemnisation sollicitée par ce dernier correspondait à l'ensemble des avances qu'il avait consenties à la société ADL, et non aux seules sommes prêtées pendant l'exécution du contrat de franchise, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions devant la cour d'appel, que M. [E], qui demandait la condamnation de la société Auvence à l'indemniser d'une perte de rémunération, ait invoqué une indemnisation au titre des efforts déployés ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Et attendu, d'autre part, qu'en retenant que M. [E] ne justifiait pas avoir détenu une créance au titre d'une avance en compte courant d'associé de la société ADL à la fin du contrat de franchise le 18 octobre 2007, la cour d'appel, qui était tenue d'apprécier les conséquences résultant de l'annulation de ce seul contrat, a, par ces seuls motifs, rendant inopérant le grief invoqué à la seconde branche, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [E] et la société ADL aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer aux sociétés Auvence et Coff la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. [E] et la société ADL.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ADL de sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Auvence et Coff à lui payer une somme de 270 151 euros au titre de son préjudice économique direct ;
AUX MOTIFS QUE « la société ADL demande l'allocation de dommages-intérêts pour le préjudice économique direct (270 151 euros) (…) ; que la victime de manoeuvres dolosives peut demander, outre l'annulation du contrat, réparation du préjudice subi en raison de la faute dolosive du franchiseur (…) ; que tout d'abord, si l'appelante a subi un préjudice "économique direct", celui-ci est constitué comme justement le font remarquer les intimées, par les investissements nécessaires à la mise en place de l'exploitation de la franchise ; qu'en l'espèce, le franchisé indique avoir payé un droit d'entrée, avoir réalisé des investissements, des frais d'agencement spécifiques des locaux ainsi que le lui imposaient les dispositions contractuelles, l'acquisition de matériel informatique, pour 40 770 euros ; que toutefois, la somme payée pour le droit d'entrée fait partie des restitutions consécutives à l'annulation du contrat, et il doit être ici observé que partie du droit d'entrée a été restitué et que le surplus a été conservé pour le droit d'entrée au titre du contrat de licence ; que les investissements réalisés ont permis à la société ADL de poursuivre son activité après la fin du contrat de franchise dans le cadre du contrat de location d'enseigne et d'autres activités ; que dès lors l'appelante ne justifie pas la réalité du préjudice invoqué » ;
1°/ ALORS QUE tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; qu'en rejetant la demande de réparation formée par la société ADL au titre de ses pertes opérationnelles, sans énoncer aucun motif à l'appui de sa décision, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le préjudice résultant du manquement à une obligation précontractuelle d'information est constitué par la perte de la chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; que ce préjudice englobe donc la perte de chance d'éviter les pertes que la victime du dol n'aurait pas subies si, correctement informée, elle avait décidé de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses ; que dès lors, si l'on considère qu'en retenant que « si l'appelante a subi un préjudice "économique direct", celui-ci est constitué (…) par les investissements nécessaires à la mise en place de l'exploitation de la franchise », la cour d'appel a entendu exclure, par principe, toute réparation du préjudice subi par la société ADL au titre de ses pertes opérationnelles, alors elle a, en statuant de la sorte, violé l'article 1382 du code civil et le principe de la réparation intégrale ;
3°/ ALORS QUE pour s'opposer à toute réparation du préjudice subi par la société ADL au titre des sommes investies en exécution du contrat de franchise, les sociétés Auvence et Coff prétendaient simplement que le droit d'entrée n'aurait pas à être restitué puisqu'il avait été versé en contrepartie de la transmission d'un savoir-faire insusceptible de restitution et que la société ADL serait infondée à obtenir une indemnisation au titre des investissements spécifiques à la franchise dès lors qu'elle n'établissait pas le « coût de l'enseigne » et qu'elle aurait commis une faute de nature à minorer son indemnisation ; que les sociétés Auvence et Coff ne soutenaient en revanche nullement que le droit d'entrée avait été conservé au titre du contrat de licence d'enseigne et que les investissements réalisés avaient permis à la société ADL de poursuivre son activité dans le cadre de ce contrat de licence d'enseigne ou d'autres activités ; qu'en relevant d'office ce moyen, sans avoir préalablement invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a méconnu le principe du contradictoire et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société ADL de ses demandes tendant à la condamnation solidaire des sociétés Auvence et Coff à lui payer une somme de 317 814,29 euros au titre de sa perte de résultat et une somme de 48 866 euros au titre de la perte de valeur de son fonds de commerce ;
AUX MOTIFS QUE « la société ADL demande l'allocation de dommages-intérêts (…) pour "une perte de chance de contracter avec un autre partenaire dans des conditions plus avantageuses" (perte de résultat, 317 814,29 euros) et [une] perte de valeur sur le fonds de commerce (45 866 euros) ; que la victime de manoeuvres dolosives peut demander, outre l'annulation du contrat, réparation du préjudice subi en raison de la faute dolosive du franchiseur (…) ; qu'il est fait état dans les écritures de la perte de chance de contracter à des conditions plus avantageuses avec un tiers ainsi que la perte de chance de réaliser des gains si le franchisé avait pu "exploiter son activité dans des conditions normales avec un autre partenaire" ; qu'il est fait également état de "gain manqué" ; que le franchisé ne justifie d'aucun élément rapportant la preuve qu'il existait pour lui une chance de contracter avec un tiers, que d'autres solutions plus intéressantes auxquelles il a préféré renoncer pour signer le contrat de franchise annulé lui auraient permis d'avoir un développement "normal" ; qu'il ne justifie pas non plus qu'il a manqué un gain de 258 000 euros, alors qu'il prend pour hypothèse le chiffre d'affaires prévisionnel proposé par le franchiseur, qu'il considère irréaliste, alors qu'il a contesté toute rentabilité du concept Coff, en grevant ce chiffre des charges inhérentes à l'exploitation et en l'affectant d'une décote ; qu'il sera débouté de sa demande ; qu'enfin pour ce qui concerne la perte de chance concernant la valeur que le fonds de commerce aurait pu avoir, notamment grâce au développement d'une clientèle, il apparait également que l'existence de ce préjudice n'est pas rapportée, étant observé que la société précise avoir continué son activité en cessant de proposer les produits Coff » ;
1°/ ALORS QUE constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle certaine d'une éventualité favorable ; qu'après avoir constaté que les société Auvence et Coff avaient commis un dol entraînant l'annulation du contrat de franchise, la cour d'appel a rejeté la demande de réparation de la société ADL au titre de sa perte de chance de réaliser des gains en contractant dans de meilleures conditions avec un tiers, en retenant que cette dernière n'établissait pas qu'il existait pour elle une chance de contracter avec un tiers et qu'elle avait préféré renoncer à des solutions plus intéressantes qui lui auraient permis d'avoir un développement « normal » pour signer le contrat annulé ; qu'en se fondant ainsi sur des considérations qui, si elles étaient de nature à exclure l'existence d'un dommage certain intégralement consommé, demeuraient impropres à écarter l'existence d'une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ ALORS QUE pour établir les gains qu'elle aurait pu percevoir si elle n'avait pas perdu la chance d'exploiter son activité dans des conditions normales avec un autre partenaire commercial, la société ADL se fondait sur les données financières des sociétés du réseau FIP Patrimoine, qui exerçaient elles aussi une activité de conseil en gestion de patrimoine dans le cadre d'un contrat de franchise (p. 38-40 de ses conclusions d'appel et p. 21 à 41 du rapport d'expertise auquel il était renvoyé pour le calcul de ce préjudice) ; qu'en jugeant cependant que la société ADL ne justifierait pas son gain manqué dès lors qu'elle « prend[rait] pour hypothèse le chiffre d'affaires prévisionnel proposé par le franchiseur, qu'[elle] considère irréaliste, alors qu'[elle] a contesté toute rentabilité du concept Coff, en grevant ce chiffre des charges inhérentes à l'exploitation et en l'affectant d'une décote », la cour d'appel a dénaturé les conclusions des exposants, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QUE pour établir l'existence et le montant de sa perte de chance d'éviter une perte de valeur de son fonds de commerce, la société ADL s'appuyait sur un rapport établi par un expert-comptable ; que ce rapport était déterminant, puisqu'il procédait à une comparaison de la valeur du fonds de commerce de la société ADL au 31 mars 2013 avec celle que ce fonds de commerce aurait eue, à la même date, si la société ADL avait pu développer normalement sa clientèle ; qu'en retenant, pour débouter la société ADL de sa demande de réparation, que l'existence de ce préjudice ne serait pas établie, sans s'expliquer, même sommairement, sur le rapport d'expertise qu'elle produisait, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QUE la société ADL faisait valoir que son préjudice de perte de chance d'éviter une perte de valeur de son fonds de commerce résultait de ce qu'elle n'avait pas pu développer normalement sa clientèle au cours de ses premières années d'exercice en raison des carences du franchiseur et que la clientèle ainsi perdue lui avait ensuite fait défaut dans les années suivantes ; que dans la mesure où ce préjudice était la conséquence d'un retard pris au cours des premières années d'exercice, l'activité qu'a ensuite pu mener la société ADL était insusceptible de l'écarter ; que, pour refuser d'en ordonner la réparation, la cour d'appel s'est pourtant fondée sur le fait que la société ADL avait « continué son activité en cessant de proposer les produits Coff » ; qu'en statuant ainsi par des motifs impropres à écarter l'existence du préjudice de perte de valeur du fonds de commerce dont la société ADL sollicitait la réparation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [E] de sa demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés Auvence et Coff à lui payer une somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de l'absence totale de rémunération pendant l'exécution du contrat de franchise et une somme de 226 000 euros au titre du remboursement de son compte courant d'associé ;
AUX MOTIFS QU' « Monsieur [E] explique avoir subi un préjudice en raison de l'absence de rémunération pendant la durée de l'exécution du contrat entre le mois de janvier 2007 et le mois de juillet 2008, et avoir avancé des fonds à la société ADL sous forme de crédit en compte courant (226 000 euros) ; que Monsieur [E] ne peut réclamer des dommages-intérêts en réparation d'un préjudice qui correspondrait à des rémunérations qu'il pouvait attendre de l'exploitation de la franchise ; que par ailleurs s'il a apporté à la société qu'il dirige des fonds en compte courant qui s'élèvent, selon les documents, comptables à la somme de 225 866 euros au 31 mars 2013, il ne justifie pas avoir eu une créance sur la société à la fin de l'exécution du contrat de franchise en octobre 2007 ; qu'il sera débouté de sa demande » ;
1°/ ALORS QUE le dirigeant d'une société franchisée victime d'un dol ayant entrainé l'annulation du contrat de franchise est fondé à obtenir la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son activité non rémunérée ; qu'un tel préjudice ne correspond en effet pas à un avantage que le dirigeant aurait pu tirer de l'exécution du contrat annulé, mais à la valeur de l'activité qu'il a dû déployer en vain ; qu'en l'espèce, M. [E] faisait valoir que l'échec de la franchise Coff l'avait privé de la possibilité de se prélever une quelconque rémunération pour l'activité qu'il avait déployée dans le cadre de l'exploitation de cette franchise et sollicitait en conséquence le versement d'une somme de 45 000 euros en indemnisation de ce préjudice ; que pour rejeter cette demande de réparation, la cour d'appel a retenu que M. [E] ne pouvait réclamer de dommages-intérêts en réparation du préjudice correspondant à « des rémunérations qu'il pouvait attendre de l'exploitation de la franchise » ; qu'en ne recherchant pas si M. [E] pouvait obtenir la réparation du préjudice correspondant à la valeur de l'activité qu'il a dû déployer en vain, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir que leurs préjudices ne pouvaient être arrêtés à la date de la signature du contrat de licence d'enseigne, intervenue le 18 octobre 2007, dans la mesure où ce contrat n'était pas valable (p. 37 § 7 de leurs conclusions d'appel) ; qu'ils précisaient que la nullité du contrat de franchise emportait de facto celle du contrat de licence (p. 32 § 9 et 10) ; que M. [E] sollicitait donc la condamnation du franchiseur à l'indemniser au titre des avances en compte courant consenties à la société ADL en vue de l'exécution des deux contrats, soit un montant total de 225 866 euros, arrêté à la date du 31 mars 2013 ; qu'en retenant, pour rejeter cette demande, que M. [E] ne justifiait pas avoir eu une créance sur la société ADL à la fin de l'exécution du contrat de franchise en octobre 2007, cependant que l'indemnisation sollicitée par ce dernier correspondait à l'ensemble des avances qu'il avait consenties à la société ADL, et non aux seules sommes prêtées pendant l'exécution du contrat de franchise, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, et ainsi privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil.