LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 808 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 1er octobre 2015), statuant en référé, que, par deux actes des 3 juin 2005 et 3 juillet 2007, la société Span a donné en location à Mme Z... divers locaux commerciaux ; que, le 19 décembre 2013, elle lui a délivré deux commandements de payer visant la clause résolutoire insérée dans chaque bail, puis a demandé l'acquisition du bénéfice de ces clauses et l'expulsion de Mme Z... à défaut de libération des locaux ; que celle-ci a invoqué l'existence d'une contestation sérieuse sur la validité des commandements ;
Attendu que, pour accueillir la demande de la société Span, l'arrêt retient que Mme Z..., qui prétend opposer une difficulté sérieuse sur la validité des commandements de payer, soulève en réalité une exception de nullité qui est soumise aux règles régissant les exceptions de procédure et en particulier à l'article 74 du code de procédure civile et que, n'ayant pas soulevé ce moyen devant le premier juge, la locataire est irrecevable en sa demande tendant à la nullité des commandements litigieux ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse ne constitue pas une exception de procédure, mais un moyen de nature à faire obstacle aux pouvoirs du juge des référés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er octobre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la SCI Span aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Span et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à Mme Z... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté l'exception de nullité qu'aurait soulevé Mme Z... à l'encontre des commandements de payer délivrés le 19 décembre 2013 et d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise ayant constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail conclu le 3 juin 2005 et dans le bail conclu le 3 juillet 2007 à la date du 19 janvier 2014 et ordonné à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de l'ordonnance, l'expulsion de Mme Z... et de tout occupant de son chef des lieux loués à la SCI Span ;
AUX MOTIFS QUE Mme Z... fait valoir qu'il existe une difficulté sérieuse quant à la validité des actes qui mentionnent deux délais différents, à savoir « immédiatement et sans délai » en gras et lettres capitales et dans le délai de un mois contenu dans l'article L 145-41 du code de commerce, que le bailleur lui a délivré les commandements de payer de mauvaise foi et que les montants réclamés sont « inintelligibles » ; que la Sci Span conclut à l'irrecevabilité des demandes nouvelles présentées par Mme Z... tendant à la nullité des commandements litigieux ou à leur privation d'effet ; qu'elle soutient que la locataire s'étant contentée devant le juge des référés de solliciter la suspension des effets de la clause résolutoire, son absence de contestations sur l'acquisition de la clause résolutoire et sur les décomptes visés dans les commandements vaut acquiescement à ses demandes ; que Mme Z..., qui prétend opposer aux demandes du bailleur une difficulté sérieuse sur la validité des commandements de payer délivrés le 19 décembre 2013, soulève en réalité une exception de nullité ; que s'agissant d'une exception de nullité, elle est soumise aux règles régissant les exceptions de procédure et en particulier à l'article 74 du code de procédure civile selon lequel les exceptions doivent être, à peine d'irrecevabilité, soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; que Mme Z... n'ayant pas soulevé ce moyen devant le premier juge, elle est irrecevable en sa demande tendant à la nullité des commandements litigieux ;
1°) ALORS QUE le moyen tendant à voir juger que la demande ne peut être tranchée par le juge des référés au motif qu'elle se heurte à une contestation sérieuse n'est pas une exception de procédure mais une fin de non-recevoir et n'a donc pas à être élevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ; qu'en l'espèce, Mme Z... faisait valoir que la saisine du juge des référés se heurtait à des contestations sérieuses, qui portaient sur la validité des commandements de payer ; qu'en jugeant irrecevable cette fin de non-recevoir pour n'avoir pas été élevée simultanément et avant toute défense au fond, quand elle pouvait être formulée en tout état de cause, la cour d'appel a violé les articles 74 et 808 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'à tout le moins, en retenant que Mme Z... aurait élevé une exception de nullité quand elle demandait à la cour d'appel à titre principal de « juger qu'il existe des contestations sérieuses quant à la validité des deux commandements de payer délivrés par la SCI Span », la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la locataire, violant ainsi l'article 1134 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir rejeté la demande de suspension des effets du commandement formée par Mme Z... et d'avoir ordonné son expulsion et celle de tout occupant de son chef des lieux loués à la SCI Span ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE Mme Z... sollicite des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire au visa des articles L. 145-41 du code de commerce et de l'article 1244-1 du code civil en alléguant des comptes à faire entre les parties ; mais qu'il est constant que Mme Z... ne s'acquitte pas de ses loyers à bonne date, qu'elle règle à la barre de la juridiction ; que les difficultés financières dont elle fait état en produisant un bilan simplifié sont insuffisamment caractérisées et que sa capacité à régler les sommes dues alors qu'elle reconnaît elle-même dans ses écritures être débitrices de loyers impayés aux termes des deux baux et que la SCI Span déclare que la locataire n'a payé aucun loyer depuis le mois de janvier 2014 ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU'il résulte des éléments examinés ci-dessus que le preneur ne rapporte pas la preuve de sa capacité à payer et qu'il en peut donc pas bénéficier de la suspension des effets dudit commandement formée sur le fondement des dispositions conjuguées de l'article L. 145-41 du code de commerce et de l'article 1244-1 du code civil ; qu'à l'inverse, le bailleur justifie des difficultés financières qu'il rencontre en raison du défaut d'alimentation de son compte, ce qui doit être mis en relation avec les défauts de paiement à bonne date des loyers commerciaux ; que, dans ces conditions, il y a lieu, en l'état, de rejeter la demande de suspension de la réalisation et des effets de la clause résolutoire insérée aux deux baux susvisés ;
1°) ALORS QU'en énonçant « que les difficultés financières dont elle fait état en produisant un bilan simplifié sont insuffisamment caractérisées et que sa capacité (de Mme Z...) à régler les sommes dues alors qu'elle reconnaît elle-même dans ses écritures être débitrice de loyers impayés aux termes des deux baux et que la SCI Span déclare que la locataire n'a payé aucun loyer depuis le mois de janvier 2014 », la cour d'appel a statué par un motif inintelligible, équivalant à une absence de motifs, et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE Mme Z... exposait dans ses conclusions (conclusions p. 20 à 23) qu'il résultait des constatations de l'ordonnance qu'elle s'était acquittée des causes des commandements de payer et démontrait s'être acquittée des loyers pour l'année 2014 et « avoir réglé les loyers de l'année 2015 entre les mains de Me B... suite à l'opposition sur loyers formée par le Crédit du Nord » ; qu'elle ajoutait « depuis le 7 avril 2015, Mme Z... est tenue de régler les loyers entre les mains du bâtonnier de Melun, en sa qualité de séquestre » et faisait ainsi valoir être « à jour de ses dettes de loyer arrêtées au 31 mai 2015 tant pour l'hôtel que pour le restaurant », produisant aux débats les pièces établissant ces différentes affirmations ; qu'en retenant à l'opposé de ce qui était soutenu que Mme Z... reconnaîtrait elle-même être débitrice de loyers impayés aux termes des deux baux, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ses écritures et violé l'article 1134 du code civil.