LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° R 16-83.154 F-P+B
N° 685
ND
25 AVRIL 2017
CASSATION
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par M. [F] [F], contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 mars 2016, qui a déclaré irrecevable sa demande de restitution d'objets saisis ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Talabardon, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire TALABARDON, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général référendaire CABY ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du Protocole additionnel à cette convention, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que la chambre de l'instruction a déclaré irrecevable la requête de M. [F] tendant à la restitution du solde de son compte bancaire ;
"aux motifs que la décision de fin de non recevoir du procureur de la République en réponse à la requête de M. [F] constatant que le solde (actuellement évalué à 90 341,45 euros) est devenu propriété de l'Etat ne peut que s'analyser en une décision d'irrecevabilité ; qu'au terme de l'article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale : "la décision de non-restitution prise pour l'un de ces motifs ou pour tout autre motif, même d'office, par le procureur de la République ou le procureur général peut être déférée par l'intéressé à la chambre de l'instruction dans le délai d'un mois suivant sa notification, par déclaration du greffe du tribunal ou de la cour ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception" ; qu'il en résulte que la saisine de la chambre de l'instruction n'est recevable que lorsqu'a été prise une décision de non-restitution ; qu'en l'espèce s'agissant d'une décision d'irrecevabilité, la requête est irrecevable ;
"1°) alors qu'aux termes de l'article 41-4 du code de procédure pénale, toute décision de non-restitution d'un bien rendue par le procureur de la République peut être contestée devant la chambre de l'instruction, et ce quels que soient ses motifs ; qu'en déclarant irrecevable la contestation par le demandeur d'une décision du procureur de la République refusant la restitution du solde de son compte bancaire, constatant que ce dernier était désormais la propriété de l'Etat au motif de l'écoulement d'un délai supérieur à six mois depuis l'ordonnance de non-lieu, la chambre de l'instruction a violé la loi et méconnu son office ;
"2°) alors que le mécanisme de prescription acquisitive de propriété au profit de l'Etat qui concerne les biens saisis à l'occasion de procédures pénales mais non restitués, qui repose sur le seul écoulement du temps, doit pouvoir faire l'objet d'un recours utile de la part du propriétaire du bien concerné ; qu'en refusant d'examiner le recours du demandeur contre une telle décision, la chambre de l'instruction a méconnu le droit au recours effectif et le droit de propriété du demandeur" ;
Vu l'article 41-4 du code de procédure pénale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que toute décision de non-restitution d'un objet placé sous main de justice, prise par le procureur de la République ou le procureur général dans les conditions prévues au premier alinéa, peut être déférée à la chambre de l'instruction par la personne intéressée, que le refus ou l'irrecevabilité opposée à la demande soit fondé sur l'un des motifs mentionnés au deuxième alinéa ou sur la circonstance que l'objet réclamé est devenu la propriété de l'Etat par suite de l'expiration du délai de six mois fixé au troisième alinéa ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure qu'à la suite d'une ordonnance de non-lieu ayant clôturé, le 4 novembre 2011, une information judiciaire dans laquelle il était mis en examen, M. [F] a demandé au procureur de la République, le 27 janvier 2015, la restitution du solde d'un compte bancaire ayant fait l'objet d'une saisie, sur le sort de laquelle le magistrat instructeur avait omis de statuer ; que le procureur de la République a dit n'y avoir lieu à restitution de ce solde, au motif qu'en l'absence de demande formée dans le délai de six mois à compter de la signification de l'ordonnance de clôture de l'information, les fonds étaient devenus la propriété de l'Etat ; que M. [F] a déféré cette décision à la chambre de l'instruction ;
Attendu que l'arrêt déclare la requête irrecevable au motif que l'acte entrepris ne peut s'analyser qu'en une décision d'irrecevabilité, tenant à la tardiveté de la demande, et non en une décision de non-restitution, au sens du deuxième alinéa de l'article 41-4 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la chambre de l'instruction a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles, en date du 17 mars 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq avril deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.