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15/06/2017 | FRANCE | N°16-10242

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 juin 2017, 16-10242


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 novembre 2015), que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complém

entaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le c...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 novembre 2015), que les représentants des employeurs et des organisations syndicales représentatives des salariés du secteur de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, soumis à la convention collective nationale étendue des entreprises artisanales relevant de ce secteur, ont conclu, le 24 avril 2006, un avenant n° 83 à cette convention collective par lequel ils ont décidé de mettre en oeuvre un régime de remboursement complémentaire obligatoire des frais de santé pour les salariés entrant dans le champ d'application de ce secteur ; qu'AG2R prévoyance, devenue AG2R Réunica prévoyance, a été désignée aux termes de l'article 13 de cet avenant pour gérer ce régime et l'article 14 a imposé à toutes les entreprises entrant dans le champ d'application de l'avenant n° 83 de souscrire les garanties qu'il prévoit à compter du 1er janvier 2007 ; que l'accord a été étendu au plan national, par arrêté ministériel du 16 octobre 2006, à toute la branche de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie ; qu'AG2R Réunica prévoyance a été désignée par les partenaires sociaux, pour une nouvelle durée de cinq ans, comme unique gestionnaire du régime, aux termes d'un avenant n° 100 du 27 mai 2011 étendu par arrêté du 23 décembre 2011 ; que la société Sanchez, non adhérente d'une organisation d'employeurs signataire de l'avenant, ayant refusé de s'affilier au régime géré par AG2R Réunica prévoyance, cette dernière a, par acte du 6 janvier 2012 saisi un tribunal de grande instance pour obtenir la régularisation de l'adhésion de la société et le paiement des cotisations dues pour l'ensemble de ses salariés depuis le 1er janvier 2007 ; que par décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 ;

Attendu que l'institution AG2R Réunica prévoyance fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que la date de prise d'effet d'une clause de migration prévue par un accord collectif contribuant à mettre en place un régime de complémentaire santé est celle fixée par l'accord collectif lui-même pour l'ensemble des entreprises concernées ; que la cour d'appel a relevé que l'article 14 de l'avenant numéro 83 à la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, prévoit l'adhésion des entreprises de boulangerie au régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, et l'affiliation de leurs salariés auprès d'AG2R Prévoyance et ce même si elles avaient souscrit un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; qu'après avoir relevé que la société Sanchez n'avait pas réglé ses cotisations afférentes à la période courant à compter du 1er janvier 2007, la cour d'appel a toutefois rejeté les demandes de rappel de cotisations formées par l'institution AG2R Prévoyance aux motifs que cette dernière ne justifiait pas de ce qu'elle aurait adressé à la société AG2R Prévoyance un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation, ce dont il résulterait que la clause de migration n'aurait pas pris effet en ce qui concerne la société Sanchez ; qu'en statuant ainsi, lors même qu'elle avait relevé que la date de prise d'effet de la clause de migration était fixée par l'avenant numéro 83 pour l'ensemble des entreprises de boulangerie et de boulangerie-pâtisserie au 1er janvier 2007, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 912-1 ancien du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie stipule que « l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime « remboursement complémentaire de frais de soins de santé » et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet précisée à l'article 16 du présent avenant », ce dernier article précisant qu'elle était fixée au 1er janvier 2007 ; qu'il ajoute que « ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant » ; que si ce même article précise qu'« à cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation », il ne subordonne pas la prise d'effet de la clause de migration à cette formalité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie et l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu, d'abord, que la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 17 décembre 2015 (C-25/14 et C-26/14) a dit pour droit que c'est l'arrêté d'extension de l'accord collectif confiant à un unique opérateur, choisi par les partenaires sociaux, la gestion d'un régime de prévoyance complémentaire obligatoire au profit des salariés, qui a un effet d'exclusion à l'égard des opérateurs établis dans d'autres États membres et qui seraient potentiellement intéressés par l'exercice de cette activité de gestion ; qu'il apparaît que dans un mécanisme tel que celui en cause, c'est l'intervention de l'autorité publique qui est à l'origine de la création d'un droit exclusif et qui doit ainsi avoir lieu dans le respect de l'obligation de transparence découlant de l'article 56 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que par une décision du 8 juillet 2016, le Conseil d'Etat, considérant qu'il n'avait pas été précédé d'une publicité adéquate permettant aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, a annulé l'article 6 de l'arrêté du 23 décembre 2011 en tant qu'il étend l'article 6 de l'avenant n° 100 du 27 mai 2011, à effet du 1er janvier 2017, sous réserve des actions contentieuses mettant en cause des actes pris sur son fondement engagées avant le 17 décembre 2015 ;

Attendu, ensuite, que s'agissant du droit de l'Union européenne, dont le respect constitue une obligation, tant en vertu du Traité sur l'Union européenne et du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne qu'en application de l'article 88-1 de la Constitution, il résulte du principe d'effectivité issu des dispositions de ces Traités, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que le juge national chargé d'appliquer les dispositions du droit de l'Union a l'obligation d'en assurer le plein effet en laissant au besoin inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire ; qu'à cet effet, il doit pouvoir, en cas de difficulté d'interprétation de ces normes, en saisir lui-même la Cour de justice à titre préjudiciel ou, lorsqu'il s'estime en état de le faire, appliquer le droit de l'Union, sans être tenu de saisir au préalable la juridiction administrative d'une question préjudicielle, dans le cas où serait en cause devant lui, à titre incident, la conformité d'un acte administratif au droit de l'Union européenne ; qu'il en résulte que l'arrêté du 16 octobre 2006 simplement précédé de la publicité prévue à l'article L. 133-14 du code du travail, alors applicable, qui ne peut être regardée comme ayant permis aux opérateurs intéressés de manifester leur intérêt pour la gestion des régimes de prévoyance concernés avant l'adoption de la décision d'extension, incompatible avec les règles issues du droit de l'Union tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, doit voir son application écartée en l'espèce ;

Que par ces motifs de pur droit substitués à ceux critiqués, après avis donné aux parties conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Institution AG2R Réunica prévoyance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'Institution AG2R Réunica prévoyance à payer à la société Sanchez la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour l'Institution AG2R Réunica prévoyance.

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR débouté l'institution AG2R Prévoyance de ses demandes tendant à voir dire que l'adhésion de la société Sanchez était obligatoire et à ses demandes subséquentes en paiement de cotisations,

AUX MOTIFS QUE « la clause de migration contenue dans l'article 14 de l'avenant numéro 83 est ainsi libellée : « l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime « remboursement complémentaire de frais de soins de santé » et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet précisée à l'article 16 du présent avenant ; à cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation ; ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant » ; le caractère obligatoire de la migration ne dispense pas les parties de se conformer aux modalités de mise en oeuvre prévues par l'article 14 de l'avenant numéro 83 ; en l'espèce, AG2R Prévoyance fait valoir qu'elle a adressé tous les éléments d'information y compris les bulletins d'adhésion aux boulangers dans le cadre d'un guide employeur et que ces documents sont disponibles sur le site internet AG2R. Toutefois, ces éléments sont tout à fait insuffisants pour justifier de l'envoi précisément à la société Sanchez d'un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation ; par lettre RAR du 21 juin 2011, l'institution AG2R a mis en demeure la SARL Sanchez de procéder à la régularisation de sa situation en retournant l'état nominatif joint, complété des coordonnées de chacun de ses salariés. L'état nominatif adressé par AG2R à la société Sanchez le 21 juin 2011 ne correspond pas au contrat d'adhésion et aux bulletins d'affiliation prévus par l'alinéa 2 de l'article 14 de l'avenant numéro 83 ; ainsi, la clause de migration n'a pas pris effet en ce qui concerna la société Sanchez ; l'institution AG2R Prévoyance sera donc déboutée en toutes ses demandes » ;

1°) ALORS QUE la date de prise d'effet d'une clause de migration prévue par un accord collectif contribuant à mettre en place un régime de complémentaire santé est celle fixée par l'accord collectif lui-même pour l'ensemble des entreprises concernées ; que la cour d'appel a relevé que l'article 14 de l'avenant numéro 83 à la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie, prévoit l'adhésion des entreprises de boulangerie au régime de remboursement complémentaire de frais de soins de santé, et l'affiliation de leurs salariés auprès d'AG2R Prévoyance et ce même si elles avaient souscrit un contrat de complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par l'avenant ; qu'après avoir relevé que la société Sanchez n'avait pas réglé ses cotisations afférentes à la période courant à compter du 1er janvier 2007, la cour d'appel a toutefois rejeté les demandes de rappel de cotisations formées par l'institution AG2R Prévoyance aux motifs que cette dernière ne justifiait pas de ce qu'elle aurait adressé à la société AG2R Prévoyance un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation, ce dont il résulterait que la clause de migration n'aurait pas pris effet en ce qui concerne la société Sanchez ; qu'en statuant ainsi, lors même qu'elle avait relevé que la date de prise d'effet de la clause de migration était fixée par l'avenant numéro 83 pour l'ensemble des entreprises de boulangerie et de boulangerie-pâtisserie au 1er janvier 2007, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L.912-1 ancien du code de la sécurité sociale ;

2) ALORS QUE, subsidiairement, l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie stipule que « l'adhésion de toutes les entreprises relevant du champ d'application de la convention collective nationale des entreprises artisanales de boulangerie et boulangerie-pâtisserie au régime « remboursement complémentaire de frais de soins de santé » et l'affiliation des salariés de ces entreprises auprès de l'organisme assureur désigné ont un caractère obligatoire à compter de la date d'effet précisée à l'article 16 du présent avenant », ce dernier article précisant qu'elle était fixée au 1er janvier 2007 ; qu'il ajoute que « ces dispositions s'appliquent y compris pour les entreprises ayant un contrat complémentaire santé auprès d'un autre organisme assureur avec des garanties identiques ou supérieures à celles définies par le présent avenant » ; que si ce même article précise qu'« à cette fin, les entreprises concernées recevront un contrat d'adhésion et des bulletins d'affiliation », il ne subordonne pas la prise d'effet de la clause de migration à cette formalité ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 14 de l'avenant numéro 83 de la Convention collective nationale de la boulangerie et de la boulangerie-pâtisserie et l'article 1134 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 16-10242
Date de la décision : 15/06/2017
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 novembre 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jui. 2017, pourvoi n°16-10242


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2017:16.10242
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