LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-neuf septembre deux mille dix-sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller BELLENGER, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER, Me WAQUET ayant eu la parole en dernier ;
Statuant sur le recours formé par :
M. Salah X... Mme Djemaa Y..., M. Riad X... Mme Ahlem X... Mme Radjia X... M. Kamel X... Mme Amel X... Mme Smahane X... M. Jassim Z...,
contre l'ordonnance du premier président de la cour d'appel de PARIS, en date du 21 septembre 2017, disant n'y avoir lieu de faire droit à la demande d'enregistrement des audiences dans l'affaire suivie contre MM. Abdelkader A... et Fettah B... dans le procès qui s'ouvrira le 2 octobre 2017 devant la cour d'assises de Paris ;
Vu les articles L. 221-1 et suivants du code du patrimoine, R. 221-1 et suivants du même code ;
Vu le mémoire produit ;
En cet état ;
Sur le premier moyen d'annulation, pris de la violation des articles L. 221-1, R. 222-1, R. 222-5 du code du patrimoine, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à requête ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté la « demande d'enregistrement audiovisuel » des débats ;
" 1°) alors que dans le cadre de l'article L. 222-1 du code du patrimoine, le premier président peut ordonner un enregistrement audiovisuel ou sonore des audiences publiques ; que le premier président n'a statué que sur la demande d'enregistrement audiovisuel, alors que la requête dont il était saisi sollicitait l'enregistrement audiovisuel et sonore ; qu'en s'abstenant de se prononcer sur cette partie de la requête, le premier président n'a pas vidé sa saisine et a privé sa décision de tout fondement légal ;
" 2°) alors qu'à supposer que la décision attaquée ait implicitement rejeté la demande d'enregistrement sonore, le premier président n'a pas motivé sa décision sur ce point " ;
Attendu qu'il se déduit des motifs et du dispositif de l'ordonnance attaquée que la requête aux fins d'enregistrement audiovisuel et sonore a été rejetée dans son intégralité ;
D'où il suit que le moyen manque en fait ;
Sur le deuxième moyen d'annulation, pris de la violation des articles L. 221-1, L. 221-3, R. 221-3 du code du patrimoine, violation des droits de la défense ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté la demande d'enregistrement audiovisuel des débats au visa des observations « du président de l'audience, de celles des parties civiles et des conseils des accusés qui en ont fait parvenir et du ministère public » ;
" alors qu'à supposer même que l'ordonnance ne revête pas le caractère d'un acte juridictionnel (Crim., 17 février 2009, n° Z 09-80. 558, B. n° 40), la décision prise doit l'être au contradictoire des parties ; que dès lors que la requête et les pièces annexées sont portées à la connaissance des personnes appelées à donner leur avis, ces avis et notamment celui du président chargé de présider l'audience et du ministère public doivent être communiqués à l'auteur de la requête ; que le premier président a violé les textes et principes susvisés " ;
Attendu que la décision de l'autorité compétente pour décider l'enregistrement audiovisuel ou sonore d'une audience en application des articles L. 221-1 et suivants du code du patrimoine ne revêt pas le caractère d'un acte juridictionnel devant être soumis au débat contradictoire ; qu'il suffit que, comme en l'espèce, aient été recueillies les observations des personnes énumérées à l'article L. 221-3 dudit code ; que par ailleurs, l'ordonnance ne prononçant ni sur une contestation de caractère civil, ni sur le bien fondé d'une accusation, les droits de la défense n'ont pas été méconnus ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen d'annulation, pris de la violation des articles L. 221-1, R. 221-5 du code du patrimoine, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif ;
" en ce que l'ordonnance attaquée a rejeté la demande d'enregistrement audiovisuel des débats aux motifs suivants ; qu'aux termes de l'article L. 221-1 du code du patrimoine, « les audiences publiques devant les juridictions judiciaires peuvent faire l'objet d'un enregistrement audiovisuel ou sonore [..] lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice ; que le procès qui se déroulera devant la cour d'assises de Paris spécialement composée, du 2 octobre au 3 novembre 2017, concerne des faits de complicité d'assassinats au préjudice de militaires français, de familles de confession juive et de tentative de meurtres à l'encontre de fonctionnaires de police, de trafic d'armes, en lien avec une entreprise terroriste, commis à Toulouse et à Montauban en mars 2012 ; qu'il est incontestable que les crimes commis par Mohammed A..., ont eu un retentissement international funeste, en raison de la qualité des victimes dont certaines étaient de jeunes enfants, des conditions dans lesquelles les actes ont été commis, et du contexte international dominé par l'actualité sur le terrorisme ; que l'auteur des faits étant décédé, il n'en demeure pas moins que le climat imposé par le terrorisme international s'est considérablement alourdi depuis les attentats commis ces dernières années sur le sol national et a profondément marqué nos concitoyens ; que, toutefois, l'extrême gravité des faits reprochés aux accusés et le contexte dans lequel se sont déroulés les crimes commis par Mohammed A..., ne présentent pas un intérêt qui justifierait que soit procédé à un enregistrement audiovisuel des débats de nature à enrichir les archives historiques de la justice au sens de l'article L. 221-1 du code du patrimoine ;
" alors que présente un intérêt pour la constitution d'archives historiques de la justice au sens de l'article L. 221-1 du code du patrimoine l'enregistrement d'un procès d'assises portant sur une association de malfaiteurs terroriste ayant abouti à la perpétration d'assassinats ou de tentatives d'assassinats multiples, commis sur des enfants, sur des militaires, sur des personnes à raison de leur confession juive, et sur des policiers, lesdits débats permettant aux accusés d'expliciter leurs actes éventuels, à la société d'en démêler les causes et les moyens d'y remédier, et à la justice d'en tirer des conséquences sur la manière de juger de tels actes ; qu'en rejetant la demande d'enregistrement, le premier président a violé les textes susvisés et à tout le moins entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation " ;
Attendu que, pour rejeter la requête, l'ordonnance énonce que l'extrême gravité des faits reprochés aux accusés et le contexte dans lequel se sont déroulés les crimes commis par Mohammed A... ne présentent pas un intérêt qui justifierait que soit procédé à un enregistrement des débats de nature à enrichir les archives historiques de la justice au sens de l'article L. 221-1 du code du patrimoine ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par des motifs exempts d'erreur manifeste d'appréciation, le premier président a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Par ces motifs :
REJETTE le recours ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.