LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés par le président d'un tribunal de grande instance, que par avis d'appel restreint à la concurrence, la Société d'exploitation du Palais Omnisport de Paris-Bercy (la société POPB) a fait connaître son intention de conclure un marché portant sur des prestations de gestion de billetterie, de relation-client et de services associés ; que les sociétés France Billet, FNAC, TicketLive et Skidata ont déposé une candidature en groupement, leur mandataire étant la société France Billet ; que la société POPB a recouru par la suite à une procédure de marché négocié ; que la société France Billet, informée que l'offre présentée au nom du groupement n'avait pas été retenue comme étant économiquement la plus avantageuse, a saisi le juge du référé précontractuel en lui demandant d'annuler la procédure de passation du marché ;
Sur la demande de non-lieu à statuer présentée en défense :
Attendu que la société POPB soutient que la signature du marché étant désormais intervenue, le pourvoi est sans objet ;
Mais attendu que, si cette circonstance met fin aux pouvoirs du juge des référés en matière précontractuelle, elle ne prive pas d'objet le pourvoi contestant la décision prise par celui-ci avant que cette signature n'intervienne ; qu'il y a lieu de statuer sur le pourvoi principal ;
Sur le premier moyen et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le second moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;
Attendu que pour rejeter la demande de la société France Billet, l'ordonnance retient que la société POPB ne justifie pas de la passation du marché négocié conformément aux dispositions de l'article 33 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ni ne rapporte la preuve que des offres non conformes lui ont été proposées, mais que, dès la première offre remise, la société France Billet n'a pas obtenu la meilleure notation et a toujours été notée en-deçà de l'entreprise concurrente, de sorte que les négociations ayant existé n'ont pas eu pour effet de remettre en cause le classement initial des offres et que la société France Billet ne rapporte pas la preuve que le manquement aux dispositions de l'article 33 précité est susceptible de l'avoir lésée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le choix de l'offre d'un candidat irrégulièrement retenu est susceptible d'avoir lésé le candidat qui invoque ce manquement, et qu'il n'était prétendu ni que la candidature du groupement dont la société France Billet était le mandataire devait elle-même être écartée, ou que l'offre qu'il présentait ne pouvait qu'être éliminée comme inappropriée, irrégulière ou inacceptable, ni, enfin, qu'il était établi que la société POPB aurait été à même de négocier les offres qui lui étaient soumises dans les mêmes conditions que si elle avait mis en oeuvre la procédure adéquate, le président du tribunal de grande instance, qui a relevé que des négociations avaient existé, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement délivré aux parties ;
Attendu que le contrat ayant été conclu le 5 décembre 2016, il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire devant le juge du référé précontractuel ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé rendue le 22 novembre 2016, entre les parties, par le président du tribunal de grande instance de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit qu'il n'y a plus lieu à référé précontractuel ;
Laisse à chaque partie la charge de ses dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit novembre deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Delamarre, avocat aux Conseils, pour la société France Billet
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société France Billet de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'
« Autorisée par ordonnance du 20 septembre 2016, la société France Billet, a fait assigner, d'heure à heure, par exploit en date du 12 octobre 2016 la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy, au visa notamment de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et des articles 1441-1 et suivants du code de procédure civile, aux fins de voir : - enjoindre à la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy de lui communiquer : - les motifs détaillés du rejet de son offre, - le nom de l'attributaire du marché, - les caractéristiques et avantages de l'offre retenue et notamment les notes obtenues par les candidats pour chaque critère de jugement des offres, ainsi que le montant du marché attribué, - les évaluations et notations des offres avant le recours à la procédure de négociation, - enjoindre à la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy de suspendre la signature de son marché portant sur l'exploitation des services de gestion de billets, de gestion de la relation client et des services associés, pour une durée de trois semaines à compter de la date à laquelle il sera procédé à cette communication, - condamner la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy à lui payer 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que la société France Billet fait valoir que la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy n'a pas respecté les termes des articles 46-1. 1° et 46-III du décret 2005-1742 du 30 décembre 2005 en se bornant à indiquer que celles-ci « n'a pas jugé comme étant l'offre économiquement la plus avantageuse » sans préciser le nom de l'attributaire du marché et les motifs ayant conduit à son choix et en ne lui fournissant pas les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue malgré sa demande en date du 14 septembre 2016, l'empêchant ainsi de contester utilement le rejet de son offre ; qu'elle soutient en outre que la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy ne pouvait procéder à une procédure négociée et n'a donc pas respecté la procédure et les dispositions de l'article 33 du décret 2005-1742 du 30 décembre 2005 » ;
ALORS QUE
Le juge saisi en la forme des référés statue sur la demande portée par voie d'assignation ; qu'en l'espèce, la société France Billet a, dans une première assignation en date du 19 septembre 2016, sollicité que lui soient communiqués les motifs détaillés de rejet de son offre et que la signature du marché soit suspendue ; qu'autorisée à réassigner le POB, la société France Billet, dans une seconde assignation en date du 12 octobre 2016, a saisi le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en la forme des référés, d'une demande visant à l'annulation de la procédure de passation du marché d'exploitation des services de gestion de billet, de gestion de la relation client et des services associés ; que le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance, après avoir constaté qu'il était saisi des demandes formulées dans la seconde assignation du 12 octobre 2016, a considéré que, par cette demande, la société France Billet aurait sollicité qu'il soit enjoint au POPB de lui communiquer les motifs détaillés du rejet de son offre et qu'il lui soit également enjoint de suspendre la signature de son marché (ordonnance, p. 2) ; qu'après avoir ainsi exactement constaté qu'il était saisi par l'assignation du 12 octobre 2016, le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance a donc statué sur les demandes portées par une précédente assignation en date du 19 septembre 2016, en violation des articles 485 et 1441-1 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société France Billet de ses demandes ;
AUX MOTIFS QU'
« il convient de constater que le courrier de la défenderesse en date du 9 septembre 2016 ne constitue pas un rejet de l'offre de la société requérante puisqu'il mentionne l'absence de finalisation de la signature du contrat, par ailleurs il apparait que la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy a fourni à la société France Billet, par courrier du 29 septembre 2016, l'ensemble des informations prescrites par l'article 46-I.1° et 46-III du décret 2005-1742 du 30 décembre 2005 ; que la demande formulée à ce titre est donc devenue sans objet ; qu'en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 : « En cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge avant la conclusion du contrat. La demande est portée devant la juridiction judiciaire » ; qu'en l'espèce, il apparait qu'à la suite d'une première consultation infructueuse lancée sous la forme d'un appel d'offre la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy a procédé à une deuxième consultation sous la forme d'une procédure négociée ; qu'or, en vertu des dispositions de l'article 33 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 : « Les pouvoirs adjudicateurs peuvent passer des marchés négociés dans les cas définis ci-dessous. I.- Peuvent être négociés après publicité préalable et mise en concurrence : 1° Les marchés pour lesquels, après appel d'offres ou dialogue compétitif, il n'a été proposé que des offres non conformes au sens du I de l'article 24. Les conditions initiales du marché ne doivent pas être substantiellement modifiées (…) » ; qu'en l'espèce, contrairement aux allégations de la société anonyme d'exploitation du palais omnisports de Paris-Bercy, il apparait que celle-ci ne justifie pas la passation du marché négocié conformément aux dispositions de l'article 33 précité et notamment ne rapporte pas la preuve qu'il lui avait été proposé des offres non conformes au sens de l'article 24 du présent décret ; qu'il convient cependant de constater que, dès la première offre remise le 14 décembre 2015, la société requérante n'a pas obtenu la meilleure notation et qu'elle a toujours été notée en deçà de l'entreprise Ticketnet de sorte que les négociations ayant existé n'ont pas eu pour effet de remettre en cause le classement initial des offres concernant la requérante et Ticketnet et que surtout la société France Billet ne rapporte pas la preuve que le manquement aux dispositions de l'article 33 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 est susceptible de l'avoir lésée au sens de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ; que dès lors, il y aura lieu de débouter la société France Billet de ses demandes » ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE
Les contrats de droit privé conclus par des pouvoirs adjudicataires ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation sont soumis au principe général de transparence des procédures de la commande publique ; qu'en l'espèce, la société France Billet soutenait dans son assignation qu'en se bornant à l'informer du refus de son offre le 9 septembre 2016, sans aucune autre indication, et en ne lui transmettant que le 29 septembre 2016 les motifs de son refus, les caractéristiques de l'offre retenue et le nom de l'attributaire du marché, le POPB l'avait volontairement privée des informations nécessaires pour pouvoir contester en temps utile l'attribution du marché et avait donc méconnu le principe de transparence de la commande publique (assignation, p. 6 et 7) ; qu'en se bornant à retenir que le courrier du 9 septembre 2016 du POPB ne constituait pas un rejet de l'offre et qu'il avait transmis les informations litigieuses le 29 septembre 2016 sans aucunement rechercher s'il ne résultait pas des circonstances qu'en retardant au maximum cette transmission, l'adjudicataire avait méconnu le principe de transparence des procédures de commande publique, le magistrat délégué par le président du tribunal de grande instance a privé de base légale sa décision au regard de ce principe, ensemble l'article 46 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2015 ;
ALORS, EN SECOND LIEU, QUE
Les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements ; que le candidat dont l'offre a été rejetée est susceptible d'être lésé par le manquement du pouvoir adjudicataire qui recourt irrégulièrement à une procédure négociée dès lors que l'adjudicataire a effectivement négocié les offres qui lui étaient soumises et qu'il n'établit pas qu'il aurait été à même de le faire dans les mêmes conditions s'il avait appliqué la procédure d'appel d'offres ; qu'en l'espèce, l'ordonnance attaquée a constaté que le POPB ne démontrait pas qu'étaient remplies les conditions du recours au marché négocié et, qu'après y avoir pourtant eu recours, des négociations avaient « existé » (ordonnance, p. 4, alinéas 6 et 7) ; qu'en retenant pourtant que la société France Billet ne démontrerait pas que le manquement commis par le pouvoir adjudicataire était susceptible de l'avoir lésée au prétexte qu'elle « n'a pas obtenu la meilleure notation et qu'elle a toujours été notée en-deçà de l'entreprise Ticketnet », le magistrat délégué par le président n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009.