LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Lust, qui a pour activité la restauration rapide, a, le 3 juin 2013, conclu avec la société GDF Suez, devenue la société Engie (la société Engie), un contrat de vente d‘électricité pour une puissance de 30 kVA, soit 50 ampères, le distributeur étant la société Electricité réseau distribution France ERDF, devenue la société Enedis (la société Enedis), pour le local commercial dont elle était locataire depuis le 15 avril 2013, initialement équipé de câbles compatibles avec une puissance de 30 ampères ; qu'à la suite de dysfonctionnements électriques, la société Enedis a diminué la puissance à 30 ampères entre le 19 août et le 9 septembre 2013 ; que la société Lust a assigné les sociétés Enedis et Engie en réparation du préjudice résultant de cette diminution de puissance ;
Attendu que, pour condamner la société Engie in solidum avec la société Enedis, à payer à la société Lust une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que la société Engie, qui est une professionnelle de la technique électrique, a, par la signature de la convention de fourniture d'électricité, contracté envers la société Lust une obligation de conseil consistant à l'informer, au besoin après avis demandé à la société Enedis, de l'incompatibilité entre les câbles électriques existants et la puissance convenue et que le manquement à cette obligation caractérise une faute dont elle doit réparation ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions par lesquelles la société Engie soutenait qu'elle était fondée à s'en remettre aux seules données techniques communiquées par la société Enedis et lui révélant que la puissance demandée par le client était parfaitement compatible avec la puissance maximale tolérée sur le raccordement, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société GDF Suez, devenue Engie, in solidum avec la société Electricité réseau distribution France, devenue Enedis, à payer à la société Lust la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, et une indemnité de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 30 juin 2016, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Lust aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Engie la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour la société Engie
Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société GDF SUEZ à payer à la société LUST des dommages et intérêts d'un montant de 5 000 €, in solidum avec la société ERDF ;
AUX MOTIFS QU'aucune certitude n'existe quant à l'identité du propriétaire de la colonne montante de l'immeuble où se trouve le local de la société LUST (la copropriété ou la société ERDF), mais seule cette dernière en qualité de distributrice de l'électricité est en mesure d'intervenir sur cet élément technique ; que la société GDF SUEZ qui est une professionnelle de la technique électrique, en souscrivant le 3 juin 2013 un contrat de fourniture d'électricité en faveur de la société LUST, avait une obligation de conseil consistant à informer celle-ci, au besoin après avis demandé à la société ERDF, de l'incompatibilité entre les câbles électriques existants (qui ne font pas partie de l'installation intérieure de la société LUST) plafonnés à 30 A, et la puissance convenue de 30 KVA et 50 A pour laquelle ils sont sous-dimensionnés ; que l'absence de notification de cette incompatibilité, laquelle ne pouvait être connue de la société LUST, caractérise une faute de la société GDF SUEZ qui est à l'origine du dysfonctionnement ayant conduit la société ERDF à réduire la puissance de 30 à 18 KVA ; qu'est donc exclue la vétusté de cette colonne comme cause de ce dysfonctionnement ; que la société ERDF n'a pas exigé de la société LUST l'attestation de conformité du CONSUEL nécessaire avant toute mise sous tension d'une installation électrique ; que la même, elle aussi professionnelle de la technique électrique et chargée de distribuer cette énergie en veillant à "la sécurité du réseau" conformément à
l'article L. 322-9 du Code de l'Energie, doit néanmoins aux termes de l'article 6-1 des clauses relatives au Réseau Public de Distribution respecter ses obligations "au titre de l'accès et de l'utilisation " dudit Réseau, ce qui inclut la vérification de l'incompatibilité précitée et l'information de celle-ci vis-à-vis de la société GDF SUEZ ; que le défaut de cette vérification et de cette l'information caractérise une violation des obligations de résultat pesant sur la société ERDF à l'égard de la société LUST ; que de plus la société ERDF a elle-même remplacé le compteur ancien par un de 30 KVA plus élevé, alors que ce dernier n'était pas compatible avec les câbles électriques existants ; qu'enfin, il n'est pas démontré par cette société que le mauvais fonctionnement de la hotte UV de la société LUST existait indépendamment de cette incompatibilité ; que c'est en conséquence à tort que le Tribunal a débouté la société LUST de ses demandes contre la société ERDF et la société GDF SUEZ, ce qui conduit la Cour à infirmer le jugement ; que, sur la base d'un résultat net de 30 371 € 00 pour le premier semestre 2013 la société LUST a perdu du bénéfice au cours des 3 semaines de réduction de la puissance de son compteur de 30 à 18 KVA soit presque la moitié, et a subi également la désaffection ultérieure d'une partie de la clientèle qui vu cette réduction a préféré acheter ailleurs de manière prolongée ; que le préjudice ainsi subi sera réparé par la somme totale et globale de 5 000 € 00.
1. ALORS QUE la séparation juridique entre l'entité assurant la gestion du réseau de distribution d'électricité et celles exerçant des activités de fourniture dispense le fournisseur de l'obligation d'avertir son client du sous-dimensionnement des câbles électriques de la colonne montante et de leur défaut de compatibilité, dès lors que le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité doit veiller, à tout instant, à l'équilibre des flux d'électricité, à l'efficacité, à la sécurité et à la sûreté du réseau qu'il exploite, compte tenu des contraintes techniques pesant sur ce dernier ; qu'en décidant que la conclusion d'un contrat de fourniture d'électricité imposait à la société GDF SUEZ, en tant que « professionnel de la technique électrique […] une obligation de conseil consistant à informer celle-ci, au besoin après avis demandé à la société ERDF, de l'incompatibilité entre les câbles électriques existants plafonnés à 30 A et la puissance convenue de 30 KVA et 50 A pour lesquels ils sont sous-dimensionnés », la cour d'appel a statué au mépris de la séparation entre l'entité assurant la gestion du réseau de distribution d'électricité de celles exerçant des activités de production ou de fourniture qui recouvrent des prestations distinctes, en violation des articles L. 111-59, L. 322-9, alinéa 1er et L 331-1 du code de l'énergie ;
2. ALORS QUE le fournisseur d'énergie électrique est tenu de vendre de l'électricité à la puissance demandée par le client et nécessaire au bon fonctionnement de ses installations ; qu'il s'ensuit que le seul objet de son obligation de vente le dispense d'avertir son client d'un défaut de capacité du réseau de distribution qui échappe à ses compétences techniques en tant qu'il relève de la responsabilité exclusive du gestionnaire du réseau de distribution d'électricité ; qu'en décidant que la société GDF SUEZ, en tant que professionnel de l'électricité, est tenue d'une obligation de conseil lui imposant d'avertir son client, au besoin après avis demandé à la société ERDF, gestionnaire du réseau de distribution d'électricité, de l'incompatibilité existant entre la puissance convenue du courant et les câbles électriques situés dans la colonne montante, après avoir constaté que la société ERDF pouvait seule y accéder, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 111-59, L. 322-9, alinéa 1er et L. 331-1 du code de l'énergie ;
3. ALORS QUE l'étendue de l'obligation de conseil du fournisseur d'énergie électrique dépend de l'étendue de ses compétences techniques ; qu'en posant, en principe, que l'incompatibilité des câbles électriques compris dans la colonne montante, et, en particulier, leur sous-dimensionnement caractérisait la faute de la société GDF SUEZ qui avait manqué à son obligation de conseil, sans rechercher si elle n'était pas fondée à s'en remettre au seul avis de la société ERDF qui, après son intervention sur la colonne montante à laquelle elle pouvait seule accéder et changement du compteur électrique, lui avait confirmé que « la puissance demandée par le client était parfaitement compatible avec la puissance maximale tolérée sur le raccordement » (conclusions, p. 7), ce qui était nécessairement exclusif de toute faute de la part de la société GDF SUEZ dont les compétences étaient limitées à la vente de courant électrique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, ensemble les articles L. 111-59, L. 322-9, alinéa 1er et L. 331-1 du code de l'énergie ;
4. ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles la société GDF SUEZ a soutenu qu'elle était fondée à s'en remettre aux seules données techniques communiquées par la société ERDF et lui révélant que la puissance demandée par le client était parfaitement compatible avec la puissance maximale tolérée sur le raccordement (conclusions, p. 7, 6ème alinéa), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
5. ALORS QUE l'existence d'un devoir de conseil et la détermination de son débiteur figurent au nombre des obligations accessoires au contrat de vente qu'il est au pouvoir des parties d'aménager ; qu'en l'espèce, la société GDF SUEZ a rappelé dans ses conclusions que les conditions générales du contrat de fourniture d'électricité distinguaient ainsi à l'article 9, la responsabilité liée à la fourniture d'électricité de celle liée à l'accès et à l'utilisation du réseau ; que tandis que l'article 9.1 stipulait que « le fournisseur est responsable de tout préjudice direct et certain dûment justifié causé au client du fait du non-respect de ses obligations de vente », il était convenu à l'article 9.2 que « le distributeur est responsable directement vis-à-vis du client de l'accès et de l'utilisation du réseau d'électricité, notamment de la qualité et de la continuité d'électricité » et que « le client dispose d'un droit direct à l'encontre du distributeur concernant les engagements de ce dernier contenus dans les dispositions relatives à l'utilisation du réseau d'électricité » ; qu'en faisant cependant peser sur le fournisseur d'électricité l'obligation de conseiller son client, afin de l'informer, au besoin après avis de la société ERDF, de l'incompatibilité entre les câbles existants plafonnés à 30 KVA et la puissance convenue pour laquelle ils sont sous-dimensionnés, quand il ressort ainsi des stipulations claires et précises des conditions générales de vente d'électricité qu'il appartenait au distributeur, c'est-à-dire à la société ERDF, de garantir la capacité du réseau, soit de veiller à son aptitude à recevoir la puissance convenue entre le client et la société GDF SUEZ, la cour d'appel a méconnu la loi des parties ; qu'ainsi, elle a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application ;
6. ALORS QU'en s'abstenant de répondre aux conclusions par lesquelles la société GDF SUEZ soutenait qu'il ressort ainsi des stipulations claires et précises des conditions générales de vente d'électricité précitées qu'il appartenait au distributeur et à lui-seul, c'est-à-dire à la société ERDF, de garantir la capacité du réseau, soit de veiller à son aptitude à recevoir la puissance convenue entre le client et la société GDF SUEZ (conclusions, p. 7), la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.