LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles L. 631-20-1 et L. 631-1 du code de commerce,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'après avoir été mis en redressement judiciaire le 9 mars 2012, M. X... a bénéficié d'un plan de redressement arrêté par une décision du 15 novembre 2013 ; que le 1er février 2016, le commissaire à l'exécution du plan a demandé au tribunal d'en prononcer la résolution et d'ouvrir une procédure de liquidation judiciaire ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. X... produit une attestation de la Banque Populaire de Rabat Kenitra selon laquelle son compte serait créditeur de la somme de 400 160,45 dirhams soit 36 718,20 euros mais que cette somme n'est pas transférée en France et n'est donc pas disponible de sorte qu'il n'est pas en mesure, avec son actif disponible de 56 505 euros, de faire face à son passif exigible composé de la deuxième échéance du plan pour 74 756,08 euros et de cotisations sociales impayées pour 13 601 euros ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser les circonstances qui interdisaient le transfert à très court terme en France des fonds détenus par le débiteur sur un compte ouvert au Maroc, qui seules permettaient d'exclure le solde créditeur de ce compte de l'actif disponible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Chambery ;
Condamne M. Y..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan et de liquidateur judiciaire de M. X..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept février deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'état de cessation des paiements de Monsieur Saïd X... et, en conséquence, prononcé la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire, ensemble ordonné la cessation de son activité ;
AUX MOTIFS, en grande partie contraires à ceux des premiers juges et donc substitués à ceux-ci, QUE Monsieur Saïd X... justifie disposer de la somme de 56.505 euros cependant que la deuxième échéance payable au 15 novembre 2015 est d'un montant de 74.756,08 euros, étant précisé que la créance du Crédit Agricole qui fait état d'un taux d'intérêt de 7 % est discutée au regard du taux du prêt et ne peut être prise en compte à défaut d'éléments justificatifs ; que l'appelant produit une attestation de la Banque Populaire de Rabat Kenitra selon laquelle son compte serait créditeur de la somme de 400.160,45 dirhams soit 36.718,20 euros ; que cependant, cette somme n'est pas transférée en France et n'est pas disponible pour le paiement de l'échéance ; qu'il fait état de 2 compromis de vente d'immeubles, le premier datant du 5 décembre 2015 et toujours en attente de l'obtention d'un crédit par les acquéreurs, le second au profit de son fils âgé de 19 ans et étudiant, dont il n'est pas justifié des ressources pour s'acquitter du prix de vente d'un montant de 40.000 euros cependant qu'il est précisé qu'il ne sera pas recouru à un prêt ; que pour les sommes à provenir d'Axa, il reconnaît qu'elles sont dues à une SCI en procédure collective, peu important qu'il ait avancé les fonds pour les réparations ce dont il ne justifie pas, pas plus que de sa déclaration de créance au passif de cette société ; qu'il ressort de ces éléments que Monsieur Saïd X... ne dispose pas des fonds nécessaires pour s'acquitter de la deuxième échéance due depuis le 15 novembre 2015 et le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a prononcé la résolution du plan de redressement par continuation ; que Maître Y... ès qualités produit un courrier de l'Urssaf et un décompte qui font état d'un impayé de 13.601 euros au titre des cotisations sociales dues à compter du 4ème trimestre 2014 ; que Monsieur Saïd X..., qui se prévaut d'une contestation mais ne produit aucun document à l'appui, ne peut l'acquitter avec son actif disponible alors qu'il est déjà démontré qu'il ne dispose pas des fonds nécessaires pour acquitter la deuxième échéance de son plan ; qu'il est ainsi justifié d'un nouvel état de cessation des paiements ; qu'en application de l'article L. 631-20-1 du code de commerce, seule une liquidation judiciaire peut être ouverte de sorte que le jugement déféré sera confirmé ;
ALORS QUE, d'une part, constitue un actif disponible le solde créditeur d'un compte bancaire, fût-il ouvert dans les livres d'une banque étrangère ; qu'il résulte des motifs de l'arrêt que, pour faire face à un passif exigible d'un montant total de (74.756,08 + 13.601 =) 88.357,08 euros, constitué de la deuxième échéance du plan de continuation et d'une dette à l'égard de l'Urssaf, Monsieur Saïd X... justifiait disposer immédiatement d'une somme de 56.505 euros, à laquelle devait s'ajouter le solde créditeur du compte qu'il détenait à la Banque Populaire de Rabat Kenitra à hauteur de la somme de 36.718,20 euros, soit un actif disponible total de (56.505 + 36718,20 =)93.223,20 euros, supérieur au passif exigible ; qu'en retenant néanmoins que l'état de cessation était caractérisé pour la raison que, faute d'avoir été transférée en France, la somme de 36.718,20 euros ne pouvait être considérée comme un actif disponible, la cour viole l'article L. 631-1 du code de commerce, ensemble l'article L. 631-20-1 du même code ;
ALORS QUE, d'autre part, l'état de cessation des paiements doit être apprécié, en cause d'appel, en faisant abstraction des effets s'attachant au jugement de liquidation judiciaire entrepris ; qu'en retenant que faute d'avoir été transféré en France, le solde créditeur que Monsieur Saïd X... justifiait détenir dans les livres de la Banque Populaire de Rabat Kenitra ne pouvait être pris en considération au titre de l'actif disponible, sans rechercher, comme elle y était invitée (cf. les dernières écritures de Monsieur Saïd X..., p.7, § 4 et s.), si cette circonstance ne résultait pas de ce que Monsieur Saïd X..., par l'effet du dessaisissement s'attachant au jugement entrepris, n'avait plus accès à ses comptes et qu'il n'avait pu récupérer cet accès nonobstant la décision de suspension de l'exécution provisoire qu'il avait obtenu, la cour prive son arrêt de base légale au regard des articles L. 631-1 et L. 631-20-1 du code de commerce, ensemble au regard de l'article 561 du code de procédure civile.