LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 novembre 2016), que la société Elphimmo (la société) a vendu à M. X... le lot n°10, consistant en un jardin privatif, et les 232/10000e de la propriété du sol et des parties communes générales; dépendant de la copropriété du [...] ; qu'après la découverte d'une canalisation d'évacuation des eaux usées dépendant d'un lot privatif voisin dans le sol de ce jardin, la société s'est engagée, aux termes d'une transaction du 17 juillet 2011, à faire dresser un acte notarié constatant l'existence d'une servitude de tréfonds ; qu'aucun acte n'ayant été régularisé, la société, représentée en cours d'instance par la SCP Y..., son mandataire-liquidateur, a assigné M. X... en annulation de cette transaction ;
Attendu que, pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 ne répute partie commune le sol d'un immeuble en copropriété que dans le silence ou la contradiction des titres, que l'article 2.1 du règlement de copropriété, qui énonce que sont parties privatives les jardins privatifs, l'article 3 du même règlement, qui définit les parties communes comme les choses qui ne sont pas affectées à l'usage particulier et exclusif de l'un des copropriétaires, et l'état descriptif de division constituant le lot n° 10 d'un jardin privatif, doivent être interprétés comme attribuant à M. X... la propriété du jardin, lequel comprend nécessairement, en application de l'article 552 du code civil, le sol et le sous-sol où poussent les plantes et que l'objet de la contestation à laquelle la transaction du 17 juillet 2011 met fin n'est pas affecté d'une erreur ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le règlement de copropriété prévoit en son article 3 que la totalité du sol est partie commune, la cour d'appel, qui a dénaturé les dispositions claires et précises de ce document, a violé le principe susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X..., et le condamne à payer à la société Elphimmo, représentée par son mandataire-liquidateur la SCP Y..., la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze avril deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Elphimmo et la SCP Y..., ès qualités.
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR débouté la SCP Y..., ès qualités de liquidateur de la société Elphimmo, de toutes ses demandes et D'AVOIR condamnée, la SCP Y..., ès qualités, à payer à M. Yoan X... la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.
AUX MOTIFS QUE « la division d'un immeuble en lots de copropriété n'est pas incompatible avec l'établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots appartenant à la même copropriété ; que si l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que « le sol, les cours parcs et jardins, les voies d'accès sont réputées parties communes' il précise que c'est ‘ dans le silence ou la contradiction des titres » ; que l'article 2.1 du chapitre deux du règlement de copropriété de l'immeuble sis à Saint Herblain énonce que sont parties privatives les jardins privatifs ; que l'article 3 du même chapitre dudit règlement de copropriété définit les parties communes comme « d'une façon générale, toutes les choses ou parties qui ne sont pas affectées à l'usage particulier et exclusif de l'un des copropriétaires de l'immeuble et qui sont communes suivant la loi et les usages » ; que si le sol d'une copropriété est en général commun, certaines parties du sol sont privatives en raison de l'usage exclusif reconnu à leur propriétaire ; que tel est le cas d'un jardin privatif défini comme tel par le règlement de copropriété et le titre d'acquisition de son propriétaire ; que, aussi, ce dernier, dès lors qu'il est propriétaire exclusif du sol, l'est aussi du dessous par application des dispositions de l'article 552 du code civil ; qu'en effet, un jardin étant un terrain où poussent des plantes, le sol et son sous-sol sont nécessairement compris dans le terme jardin qui constitue en totalité une partie privative bien que situé de la même manière que l'ensemble de l'immeuble sur le terrain constituant le sol commun ; qu'il s'ensuit que l'état descriptif de division repris dans l'acte authentique du 29 juillet 2005, qui décrit le lot n° 10 de la manière suivante : « jardin privatif au Nord et à l'Est du n° 2 accès par les circulations communes extérieures et les 232/10.000 de la propriété du sol et des parties communes générales » doit être interprété comme attribuant un usage exclusif du jardin à M. X... sur l'intégralité du sol et du sous-sol, sauf à priver à M. L'H. d'une partie de l'usage de son bien ; qu'aussi, alors qu'il a été constaté par l'expert qu'une canalisation d'évacuation des eaux usées du commerce, constituant le lot n° 7 privatif de la copropriété construit derrière le jardin privatif de M. X..., traverse en diagonale le sous-sol, il en résulte que lors de l'acquisition par M. X... de ce jardin, il aurait dû être fait mention de l'existence d'une servitude de tréfonds dont était grevée la partie privative par lui acquise ; qu'en conséquence, la transaction passée entre les parties à la présente instance le 17 juillet 2011 n'est pas affectée d'une erreur sur l'objet de la contestation et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la SCP Y..., ès qualité de liquidateur de la S.A.R.L. Elphimmo, de leurs demandes ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ; que, sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, il sera alloué à M. X..., contraint d'exposer à nouveau des frais pour faire valoir ses moyens de défense en raison de l'appel formé par la SCP Y..., la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; que la SCP Y... sera en outre condamnée aux dépens d'appel ».
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la société Elphimmo soutient que l'article 3 du règlement de copropriété répute partie commune la totalité du sol de sorte que le sous-sol du jardin privatif de M. X... est une partie commune insusceptible grevée par une servitude ; que l'article 2 du protocole serait ainsi sans objet et doit être annulé ; que l'article 2 du règlement de copropriété stipule que sont privatives les parties de l'immeuble qui sont réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé ; que les parties qui dont l'objet d'une propriété exclusive et particulière comprennent notamment pour chaque lot
« les jardins privatifs » ; que l'article 3 du règlement de copropriété stipule que forment la propriété indivise de tous les copropriétaires notamment « la totalité du sol et les clôtures privatives ou mitoyennes en limite de propriété »
« d'une façon générale, toutes les choses ou parties qui ne sont pas affectées à l'usage particulier et exclusif de l'un des copropriétaires
» ; que le lot n° 10 propriété de M. X... est constitué d'un jardin privatif et des 232/10000èmes de la propriété du sol et des parties communes générales ; que le jardin est en conséquence la seule partie privative du lot de copropriété, constitué nécessairement d'une partie privative et d'une quote-part des parties communes, en application de l'article 1er de la loi du 10 juillet 1965 ; qu'il n'est pas contestable que le sol sur lequel sont implantés les bâtiments et partant les parties privatives des lots situés immédiatement au-dessus du sol constitue une partie commune de sorte que les copropriétaires ne sauraient se l'approprier et l'affouiller ; qu'en l'absence de précision à l'article 3 du règlement de copropriété qui prévoit que sont partie communes d'une façon générale, toutes les choses qui ne sont pas affectées à l'usage particulier et exclusif de l'un des copropriétaires, il convient de constater que la partie privative du lot n° 10 n'est en conséquence pas une partie commune mais aussi que la notion de sol est insuffisamment définie par le règlement de copropriété ; qu'en effet, la propriété privative du jardin emporte nécessairement et à tout le moins la propriété du dessus du sol faute de quoi il ne saurait y être fait des plantations ; que cette imprécision du règlement de copropriété est confirmé par l'interprétation de la société Elphimmo qui a fait plaider que le droit privatif sur le jardin ne pouvait se comprendre qu'en un droit de jouissance exclusif d'une partie commune, en se fondant sur l'article 3 du règlement de copropriété ; que de surcroît, tout au long de la procédure en référé, la société Elphimmo n'a pas su expliciter la raison pour laquelle il lui apparaissait que l'obligation lui incombant en application du protocole ne pouvait être régularisée par le notaire, de sorte qu'il est patent que les termes du règlement de copropriété ne sont pas clairs et nécessitent une interprétation en application des articles 1156 et suivants du code civil ; que l'article 2 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que sont privatives les parties des bâtiments et des terrains réservées à l'usage exclusif d'un copropriétaire déterminé ; que l'article 9 de la même loi prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; qu'il en use et en jouit librement sous la condition de ne pas porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ; qu'en l'absence de précision au règlement de copropriété sur un usage limité de la partie privative du lot n° 10, le copropriétaire ne saurait se voir interdire la possibilité des plantations ou d'affouiller le sol de son jardin alors que l'article 552 du code civil dispose que la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ; que c'est cette interprétation du règlement de copropriété qu'en ont faite les parties laquelle a abouti à la signature par chacune d'entre elles du protocole transactionnel, étant rappelé que la société Elphimmo qui est à l'initiative du placement sous le statut de la copropriété de l'ensemble immobilier qu'elle a fait édifier ; qu'enfin, s'agissant d'un contrat d'adhésion, pour M. X..., il convient d'interpréter les articles 2 et 3 du règlement de copropriété en sa faveur, contre son rédacteur ; qu'il doit par ailleurs être observé que la cour de cassation a admis que le droit d'affouiller le sol d'un jardin privatif de propriété pouvait être reconnu même lorsque le règlement de copropriété prévoyait expressément que la totalité du sol y compris des jardins est une partie commune (Civ. 3ème, 13 novembre 2013, 12-24097) ; que par ailleurs la même juridiction a jugé depuis le 30 juin 2004 que la division en lots de copropriété n'est pas incompatible avec l'établissement de servitudes entre les parties privatives de deux lots en se fondant sur la propriété exclusive dont dispose le copropriétaire sur la partie privative de son lot, sans que soit faite une distinction entre les servitudes (de passage ou de tréfonds) susceptibles de grever le fonds ; qu'il résulte de ces énonciations que les articles 2 et 3 du règlement de copropriété doivent être interprétés, conformément à l'interprétation initiale des parties reprise dans le protocole transactionnel, en ce sens que la partie privative du lot n° 10 emporte la propriété du sol au sens de l'article 552 du code civil, c'est-à-dire la propriété du dessus et du dessous ; que dans ces conditions, l'établissement d'une servitude grevant la partie privative de M. X... au profit de la partie privative du copropriétaire du bâtiment commercial n'est pas prohibé de sorte que l'article 2 du protocole transactionnel n'est pas sans objet et n'a pas lieu d'être annulé ; que la société Elphimmo sera en cons ».
1°/ ALORS QU'il est interdit au juge de dénaturer les documents en la cause ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété stipulait, d'une part, que « la totalité du sol » était une partie commune (art. 3 du règlement de copropriété, prod. 10, p. 10) et, d'autre part, que le lot n° 10 comprenait un « jardin privatif » (art. 2.1 du règlement de copropriété, prod. 10, p. 9) ; que ces actes dissociaient le sol, qualifié de partie commune, et le jardin lui-même qui se voyait affecté à l'usage exclusif du titulaire du lot n° 10 ; qu'en jugeant cependant que l'expression « jardin privatif » devait « être interprétée comme attribuant un usage exclusif du jardin à M. X... sur l'intégralité du sol et du sous-sol », aux motifs que le « sol et le sous-sol sont nécessairement compris dans le terme jardin » (arrêt attaqué, p. 4, §6), la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis du règlement de copropriété et de l'état descriptif de division, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.
2°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, le sol est réputé partie commune en cas de contradiction des titres ; qu'en l'espèce, le règlement de copropriété stipulait, d'une part, que « la totalité du sol » était une partie commune (art. 3 du règlement de copropriété, prod. 9, p. 10) et, d'autre part, que le lot n° 10 comprenait un « jardin privatif » constituant une partie privative (art. 2.1 du règlement de copropriété, prod. 10, p. 9) ; qu'en jugeant que l'acte devait être interprété en ce sens que le « sol et le sous-sol (étaient) nécessairement compris dans le terme jardin » (arrêt attaqué, p. 4, §6), quand le rapprochement des titres révélait à tout le moins une contradiction impliquant la qualification de partie commune du sol et du sous-sol du jardin, la cour d'appel a violé l'article 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.
3°/ ALORS QUE, à titre subsidiaire, un droit de jouissance exclusif sur des parties communes n'est pas un droit de propriété et ne peut constituer la partie privative d'un lot ; qu'en l'espèce, l'acte stipulait que « la totalité du sol » était une partie commune (art. 3 du règlement de copropriété, prod. 10, p. 10) de sorte que la reconnaissance au profit du lot n° 10 d'un usage exclusif du sol et du sous-sol du jardin s'analysait nécessairement en un droit de jouissance privatif sur une partie commune, excluant qu'une servitude soit constituée sur cette partie commune ; qu'en se bornant à considérer que le sol et le sous-sol du jardin constituaient une partie privative, sans rechercher si M. X... n'était pas titulaire d'un droit de jouissance exclusif plutôt que d'un droit de propriété sur le jardin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pris ensemble l'article 544 du code civil.