LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 15 décembre 2016), que la société Drink international a été mise en liquidation judiciaire ; que la société de Bois-A..., désignée liquidateur, a assigné M. Y..., gérant de cette société à compter du 21 novembre 2002, et M. Z..., gérant de cette société à compter du 1er juin 2014, en responsabilité pour insuffisance d'actif ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à ce titre à payer à la société de Bois-A..., ès qualités, la somme de 120 000 euros alors, selon le moyen :
1°/ que la responsabilité encourue par le dirigeant, sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, du fait de l'absence de déclaration de la cessation des paiements, s'apprécie au regard de l'aggravation du passif qui est résultée de ce manquement entre la date à laquelle la déclaration aurait du avoir lieu et la date de l'ouverture de la procédure collective ; qu'en l'espèce, pour condamner M. Y..., gérant de la société du 21 novembre 2002 au 1er juin 2014, à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120 000 euros, la cour d'appel a relevé que l'abstention de l'exposant a particulièrement contribué à l'insuffisance d'actif dès lors que l'essentiel du passif a été créé sous sa gérance ; qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de déterminer non pas l'étendue du passif créé pendant la gérance de M. Y..., mais l'importance du passif créé entre la date de cessation des paiements et la date d'ouverture la procédure collective, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ qu'en énonçant, pour condamner M. Y..., gérant de la société du 21 novembre 2002 au 1er juin 2014, à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120 000 euros, que son abstention a particulièrement contribué à l'insuffisance d'actif, tout en relevant d'une part que la responsabilité de l'intéressé devait s'apprécier en tenant compte de l'aggravation du passif entre la date de cessation des paiements et l'ouverture de la procédure collective, d'autre part que si, entre ces deux dates, le passif s'est aggravé de cotisations AG2R à hauteur de 1 820 euros pour l'année 2014, de la cotisation foncière des entreprises d'un montant de 4 753 euros pour l'année 2013 et 4 442 euros pour l'année 2014 et des contributions dues au RSI pour l'année 2013, soit 1 351,37 euros, la part la plus importante du passif de l'entreprise provenait de dettes anciennes, et notamment d'une facture du 4 août 2007 de 107 335,12 euros, de loyers impayés depuis 2008 à hauteur de 29 702,15 euros, d'une facture du 31 juillet 2008 de 150 098 euros, d'une créance URSSAF de 18 812,97 euros au titre des années 2008 et 2009 et d'une créance des services fiscaux, au titre des exercices de 2008 à 2014, de 62 450,52 euros, de sorte que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours à compter du 18 août 2013, date de la cessation des paiements, n'avait en réalité aggravé que très faiblement le passif de l'entreprise, et en tout état de cause à hauteur d'une somme bien inférieure au montant de la condamnation mise à la charge de M. Y..., la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L. 651-2 du code de commerce ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant relevé que la faute de M. Y... avait contribué à l'insuffisance d'actif, dès lors que, entre la date de cessation des paiements fixée au 18 août 2013 et l'ouverture de la procédure collective, le passif de la société s'était aggravé de diverses dettes que l'arrêt énumère et chiffre, sans que l'actif ait été renforcé dans le même temps, la cour d'appel ne s'est pas déterminée au regard de l'étendue du passif créé pendant la gérance de M. Y... et a procédé à la recherche prétendument omise ;
Et attendu, en second lieu, que le dirigeant d'une personne morale peut être déclaré responsable sur le fondement de l'article L. 651-2 du code de commerce, même si la faute de gestion qu'il a commise n'est que l'une des causes de l'insuffisance d'actif, et qu'il peut être condamné à supporter en totalité ou partie les dettes sociales, même si sa faute n'est à l'origine que d'une partie d'entre elles ; qu'ayant retenu que le passif, essentiellement constitué sous la gérance de M. Y..., était important et ancien à la date de la cessation des paiements et que l'abstention du gérant avait conduit, entre cette date et celle de l'ouverture de la procédure collective, à une aggravation du passif par diverses dettes que l'arrêt indique, sans renforcement de l'actif, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a estimé, dans les limites de l'insuffisance d'actif, le montant de la contribution de M. Y... à cet égard ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. Y....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné M. Y... à payer à la SARL de Bois-A..., ès qualités de liquidateur de la société DRINK INTERNATIONAL, la somme de 120 000 € à titre de comblement de passif ;
AUX MOTIFS QUE sur les fautes de gestion, sont reprochés à MM. Y... et Z... les faits de ne pas avoir déclaré la cessation des paiements dans le délai légal, de ne pas avoir tenu de comptabilité en 2014, d'avoir détourné des actifs de la société DRINK INTERNATIONAL et de ne pas avoir collaboré avec le liquidateur judiciaire ; sur le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de jours, le jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société DRINK INTERNATIONAL n'a fait l'objet d'aucun recours et est passé en force de chose jugée de sorte que M. Y... ne peut le contester à l'occasion des poursuites en comblement de passif et prononcé d'une sanction personnelle diligentées à son encontre ; que l'absence de déclaration de la cessation des paiements dans le délai légal, susceptible de constituer une faute de gestion, s'apprécie au regard de la seule date de la cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou dans un jugement de report ; que le tribunal a ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la société DRINK INTERNATIONAL le 17 février 2015, sur assignation d'un créancier, et a fixé au 18 août 2013 la date de cessation des paiements de l'entreprise ; que cette date n'a pas fait l'objet d'une contestation ou d'une action en report ; qu'il convient en conséquence de constater que ni M. Y..., gérant de la société jusqu'au 1er juin 2014, ni M. Z..., gérant de la société entre le 1er juin et le 1er septembre 2014, n'ont déclaré la cessation des paiements dans le délai de 45 jours ; qu'en sa qualité de gérant, M. Z... se devait de prendre connaissance de la comptabilité de la société et de se mettre en mesure d'en apprécier la situation financière ; que le grief est imputable à MM. Y... et Z... ; qu'en définitive, seul est retenue à l'encontre de MM. Y... et Z... le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours ; que cette faute a contribué à l'insuffisance d'actif dès lors qu'entre la date de cessation des paiements fixée au 18 août 2013 et l'ouverture de la procédure collective le passif de la société s'est aggravé des cotisations de l'AG2R dues au titre de 2014 (1 820 €), de la cotisation foncière des entreprises due au titre de 2013 (4 753 €) et de 2014 (4 442 €) et des contributions dues au RSI au titre de 2013 (1 351,37 €) sans que l'actif ait été renforcé dans le même temps ; que le passif de la société était important et ancien à la date de cessation des paiements fixée par le tribunal puisque les sociétés Hasseni Mohamed C... , Franfinance et Ishida Europe ont déclaré des créances résultant respectivement d'une facture du 4 août 2007 (107 335,12 €), de loyers impayés depuis le 1er octobre 2008 (29 702,15 €) et d'une facture du 31 juillet 2008 (150 098 €) quand les créances déclarées par l'Urssaf (18 812,97 €) concernent les années 2008 et 2009 et que celles des services fiscaux portent également sur des sommes dues au titre des exercices 2008 à 2014 à hauteur de 62 450,52 € ; que l'abstention de M. Y..., gérant du 21 novembre 2002 au 1er juin 2014, a ainsi particulièrement contribué à l'insuffisance d'actif, l'essentiel du passif ayant été créé sous sa gérance ; que compte tenu de l'importance du délai s'étant écoulé entre la date de cessation des paiements retenue et l'ouverture de la procédure collective, de la durée de la gérance de M. Y... au cours de laquelle l'essentiel du passif a été créé, de l'ancienneté de ce passif et du montant de l'insuffisance d'actif, il convient de confirmer la condamnation de M. Y... à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120 000 € ; que M. Z... ne peut s'exonérer de ses responsabilités de gérant de la société DRINK INTERNATIONAL au motif qu'il n'a pas exercé ses fonctions ; qu'il sera toutefois retenu que désigné le 1er juin 2014, il a démissionné de la gérance de la société dès le 1er septembre 2014 ; que pendant ces trois mois de gérance, le passif de la société s'est très marginalement aggravé ; que jeune salarié d'une autre société, sans aucune expérience, il justifie par les attestations qu'il produit les circonstances dans lesquelles il a accepté la gérance d'une société dont le passif ne lui permettait pas de continuer son activité ; que la cour usera de sa faculté de ne pas prononcer de condamnation à contribuer à l'insuffisance d'actif à l'encontre de M. Z... ; que sur les sanctions personnelles, le défaut de déclaration de la cessation des paiements dans le délai de 45 jours n'est pas sanctionné par la faillite personnelle, mais par une interdiction de gérer ; que l'attitude fautive de M. Y... et la gravité de l'insuffisance d'actif qui s'en est suivie justifient le prononcé à son encontre d'une interdiction de gérer d'une durée de cinq ans ; que les circonstances dans lesquelles M. Z... a pris la gérance de la société DRINK INTERNATIONAL et sa décision de démissionner rapidement justifient de ne pas prononcer à son encontre une interdiction de gérer (arrêt, pages 4, 6 et 7) ;
1°/ Alors que la responsabilité encourue par le dirigeant, sur le fondement de l'article L 651-2 du code de commerce, du fait de l'absence de déclaration de la cessation des paiements, s'apprécie au regard de l'aggravation du passif qui est résultée de ce manquement entre la date à laquelle la déclaration aurait du avoir lieu et la date de l'ouverture de la procédure collective ;
Qu'en l'espèce, pour condamner M. Y..., gérant de la société du 21 novembre 2002 au 1er juin 2014, à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120 000 €, la cour d'appel a relevé que l'abstention de l'exposant a particulièrement contribué à l'insuffisance d'actif dès lors que l'essentiel du passif a été créé sous sa gérance ;
Qu'en statuant ainsi, quand il lui appartenait de déterminer non pas l'étendue du passif créé pendant la gérance de l'exposant, mais l'importance du passif créé entre la date de cessation des paiements et la date d'ouverture la procédure collective, la cour d'appel, qui s'est déterminée par un motif inopérant, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte susvisé ;
2°/ Alors qu' en énonçant, pour condamner M. Y..., gérant de la société du 21 novembre 2002 au 1er juin 2014, à contribuer à l'insuffisance d'actif à hauteur de 120 000 €, que l'abstention de l'exposant a particulièrement contribué à l'insuffisance d'actif, tout en relevant d'une part que la responsabilité de l'intéressé devait s'apprécier en tenant compte de l'aggravation du passif entre la date de cessation des paiements et l'ouverture de la procédure collective, d'autre part que si, entre ces deux dates, le passif s'est aggravé de cotisations AG2R à hauteur de 1 820 € pour l'année 2014, de la cotisation foncière des entreprises d'un montant de 4 753 € pour l'année 2013 et 4 442 € pour l'année 2014 et des contributions dues au RSI pour l'année 2013, soit 1 351,37 €, la part la plus importante du passif de l'entreprise provenait de dettes anciennes, et notamment d'une facture du 4 août 2007 de 107 335,12 €, de loyers impayés depuis 2008 à hauteur de 29 702,15 €, d'une facture du 31 juillet 2008 de 150 098 €, d'une créance URSSAF de 18 812,97 € au titre des années 2008 et 2009 et d'une créance des services fiscaux, au titre des exercices de 2008 à 2014, de 62 450,52 €, de sorte que l'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours à compter du 18 août 2013, date de la cessation des paiements, n'avait en réalité aggravé que très faiblement le passif de l'entreprise, et en tout état de cause à hauteur d'une somme bien inférieure au montant de la condamnation mise à la charge de M. Y..., la cour d'appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article L 651-2 du code de commerce.