LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y... a été engagée le 5 janvier 2004 par la société CLCT studio en qualité de collaborateur commercial ; que la salariée ayant accepté le 11 juin 2013 d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle, son employeur lui a notifié le 12 juin suivant la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que pour déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'à la lecture des bilans comptables, la cour relève que le résultat d'exploitation de la société est en constante augmentation entre 2010 et 2013, que la suppression de l'emploi de la salariée est en fait motivée par la volonté de l'employeur de faire disparaître la prospection sur un secteur peu rentable qui génère des frais de fonctionnement que l'entreprise juge inutiles, qu'ainsi la cour constate que la société n'était pas confrontée à des difficultés économiques sérieuses, que sa compétitivité n'était pas non plus menacée et que le licenciement procédait de la volonté d'améliorer sa rentabilité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que dans ses conclusions, reprises oralement à l'audience, la salariée invoquait seulement le non-respect de l'obligation de reclassement par l'employeur et l'absence de précision suffisante du motif économique énoncé, et ne contestait pas la réalité des difficultés économiques invoquées par la société pour justifier sa réorganisation, la cour d'appel a méconnu les termes du litige dont elle était saisie et a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société CLCT studio à payer à Mme Y... la somme de 35 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 30 novembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille dix-huit.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société CLCT studio.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Mme Y... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné en conséquence la société CLCT Studio à lui verser les sommes de 35 000 € à titre de dommages et intérêts et de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QU'en application de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ; que le juge doit rechercher la réalité et le sérieux des motifs économiques invoqués à l'appui du licenciement du salarié ; que la recherche d'une meilleure rentabilité de l'entreprise ne constitue pas une difficulté économique ; qu'enfin, le licenciement économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ; que les propositions de modifications du contrat de travail que le salarié avait refusé doivent lui être à nouveau proposées dans le cadre distinct de la recherche de reclassement ; qu'en l'espèce, la société CLCT Studio a proposé à Mme Y... deux modifications de son contrat de travail au motif que, confrontée à une conjoncture défavorable notamment sur son secteur, il était nécessaire de réorganiser son activité ; que Mme Y... a refusé ces deux propositions ; qu'après un entretien préalable à une mesure de licenciement économique, elle a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui a entraîné la rupture du contrat de travail ; que le courrier de convocation à l'entretien préalable du 6 mai 2013 énonce que : « du fait de l'évolution défavorable de la conjoncture, en particulier sur votre secteur, nous amenait à devoir réorganiser différemment notre activité et à envisager de devoir la modifier en recentrant toutes nos activités. En effet, compte tenu de la diminution générale de la rentabilité de l'entreprise qui va clore encore un exercice déficitaire cette année, il devient indispensable de réorganiser l'activité, et en particulier de cesser d'avoir un secteur géographique décentralisé comme le vôtre qui n'apporte aucune valeur ajoutée à l'ensemble, dans cette configuration, mais au contraire est la source de pertes devenues aujourd'hui structurelles » ; que la Cour considère que ce courrier du 6 mai 2013 énonce les motifs économiques qui ont présidé à la rupture du contrat de travail de Mme Y... suite à son refus de modification et que la société CLCT Studio a donc satisfait à son obligation de motivation ; qu'en revanche, à la lecture des bilans comptables, la cour relève que le résultat d'exploitation de la société est en constante augmentation entre 2010 et 2013 ; que la suppression de l'emploi de Mme Y... est en fait motivée par la volonté de l'employeur de faire disparaître la prospection sur un secteur peu rentable qui génère des frais de fonctionnement que l'entreprise juge inutiles ; qu'ainsi, la cour constate que la société CLCT Studio n'était pas confrontée à des difficultés économiques sérieuses, que sa compétitivité n'était pas non plus menacée et que le licenciement de Mme Y... procédait de la volonté d'améliorer sa rentabilité ; qu'en conséquence, et sans avoir à examiner les autres moyens, la cour juge que le licenciement de Mme Y... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QU'aux termes de l'article 4 du code de procédure civile, « l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense (
) » ; que le juge méconnaît en conséquence les termes du litige lorsqu'il déclare contesté un fait dont l'exactitude n'est pas discutée ou qu'il introduit dans le litige des moyens que les parties n'avaient pas invoqués ; qu'en affirmant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement de Mme Y..., que la société CLCT Studio n'était pas confrontée à des difficultés économiques sérieuses, que sa compétitivité n'était pas menacée et que le licenciement procédait d'une volonté d'améliorer la rentabilité de l'entreprise, quand la salariée n'avait pas contesté la réalité des difficultés économiques à l'origine de son licenciement, mais uniquement le respect de l'obligation de reclassement (conclusions p. 9 à 15) et le caractère suffisamment précis des motifs figurant dans la lettre de rupture, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
ET ALORS, D'AUTRE PART (et subsidiairement), QUE le résultat d'exploitation d'une entreprise est déficitaire lorsqu'il est précédé d'un signe négatif ou lorsque ce signe est remplacé par des parenthèses ; qu'en affirmant, pour conclure à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique de Mme Y..., qu'à la lecture des bilans comptables, les résultats d'exploitation de la société CLCT Studio entre 2010 et 2013 auraient été en constante augmentation, quand ces documents révélaient une diminution constante des résultats aboutissant en 2011 à un déficit de 20 145 euros, ainsi que l'indiquait sa mention entre parenthèses, déficit porté à 25 365 € en 2012 et 30 230 € en 2013, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces documents et violé encore une fois l'article 4 du code de procédure civile.