LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Y..., engagée en qualité de chargée de mission signalétique et accessibilité bâtiment à compter du 11 juin 2007 par la société Ceciaa, s'est vu proposer en juin 2013, un poste de chef de projet accessibilité, en raison de la restructuration du service accessibilité impliquant un nouvel employeur, la société Ascier ; que la salariée a refusé cette proposition en juillet 2013 ; qu'elle a été en congé maternité puis en arrêt maladie à compter de septembre 2013 ; que par lettre du 31 décembre 2013, la société Ceciaa a informé la salariée de la cession de son activité « accessibilité » à la société Ascier impliquant le transfert de son contrat de travail ; que sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail, la salariée a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu les articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail, dans leur rédaction alors applicable ;
Attendu que pour condamner la société Ascier à payer à la salariée une somme à titre indemnitaire pour le préjudice financier du fait du défaut d'organisation d'une visite médicale de reprise, l'arrêt retient que l'employeur n'a pas entrepris de diligences afin de mettre en place une visite médicale de reprise tout en délivrant des bulletins de salaire à la salariée visant des absences injustifiées sans rémunération ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans préciser si la salariée, à l'issue de son arrêt de travail, avait effectivement repris son travail ou manifesté sa volonté de le reprendre, ou sollicité l'organisation d'une visite de reprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et attendu que la cassation à intervenir sur le premier moyen emporte, par voie de conséquence, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des chefs de dispositif critiqués par les deuxième et troisième moyens, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute Mme Y... de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et au titre des congés payés, l'arrêt rendu le 16 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille dix-huit.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour les sociétés Ceciaa et Ascier.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société Ascier à verser à Mme Y... la somme de 15 962,46 euros à titre indemnitaire pour le préjudice financier du fait du défaut d'organisation d'une visite médicale de reprise, d'AVOIR dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteraient intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 et que les condamnation au paiement de créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR condamné la société Ascier aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la salariée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la relation de travail
L'irrecevabilité à agir de la salariée en résiliation judiciaire de son contrat de travail soulevée par les deux sociétés intimées nécessite au préalable d'identifier l'employeur de Mme Y..., celle-ci contestant pour sa part l'existence du transfert de son contrat de travail au profit de la société ASCIER et ayant introduit dans ce cadre une action devant le conseil de Prud'homme sans qu'il ne puisse en être déduit sa reconnaissance de la qualité d'employeur de la société ASCIER au contraire contestée.
Sur ce point, il ressort des pièces produites que MME Y... a été embauchée par la société CECIAA en qualité de chargée de mission 'signalétique et accessibilité bâtiment' à compter du 11 juin 2007, le contrat étant régi par les dispositions de la convention collective commerce de gros, sa rémunération mensuelle brute étant fixée au montant de 2135,98 euros par avenant du 4 avril 2008.
Les pièces communiquées justifient que par lettres du 5 juin puis du 13 juin 2013, la société CECIAA lui a proposé une modification de son contrat de travail en faisant état de ce que ses prestations étaient désormais gérées par la société ASCIER, 'son nouvel employeur', un poste de chef de projet accessibilité correspondant à la qualification cadre de niveau IV, échelon 4.5 et coefficient 510 de la convention collective négoce et prestations de services domaine médicaux techniques lui étant proposé, situé à [...] (77) moyennant une rémunération brute annuelle de 31 924,92 euros outre primes.
La lettre du 12 juillet 2013 de la salariée justifie de son refus de la modification de son contrat.
La société CECIAA et la société ASCIER lui opposent désormais la lettre du 31 décembre 2013 aux termes de laquelle la société CECIAA informe l'intéressée de ce qu'elle a procédé à la cession de son activité accessibilité à la société ASCIER en date du 31 décembre 2013 ce qui induit le transfert de son contrat de travail à cette dernière société.
Il est rappelé qu'en vertu de l'article L 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Cet article s'applique toutes les fois qu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise étant relevé qu'un tel transfert est effectif dans le cadre d'un transfert partiel d'activités dès lors que son objet a trait à une entité autonome bénéficiant d'une organisation et de personnels spécifiques.
Les extraits de registre du commerce et des sociétés produits justifient de l'activité de la société CECIAA, dont Jean B... est le président, à compter du 26 mai 1990, cette société exerçant une activité de commerce de gros et de détail de machines et de matériel informatique adaptés aux personnes handicapées visuelles, ainsi que de vente distribution marketing et réparation de produits électroniques destinés à l'usage des personnes ainsi handicapées, le siège de la société étant situé à Bagnolet depuis le 15 juin 2009.
Il est justifié par ailleurs de ce que la société ASCIER, dont B... est également le président, a commencé une activité le 1er avril 1998 de vente d'installation d'élévateurs et de tous matériels pour personnes à mobilité réduite et plus généralement d'installation de matériel destiné aux particuliers pour rendre les ERP accessibles.
Les intimées produisent aux débats un contrat de cession de fonds de commerce aux termes duquel La société CECIAA cède à La société ASCIER une partie de son fonds de commerce correspondant à son activité secondaire de vente et installation de matériel pour rendre les ERP accessibles comprenant notamment la marque et le catalogue ACCECIAA, l'intégralité des droits d'exploitation afférents outre un nom de domaine ce, moyennant un prix de 80 000 € correspondant à la valeur des éléments incorporels cédés.
Cette cession a été publiée à la Gazette du palais du 4 février 2014 et au BODACC le 21 février 2014.
Il est également produit aux débats un contrat de cession de la marque ACCECIAA en date du 31 décembre 2013 entre les deux intimées.
L'organigramme au 22 mai 2013 de la société CECIAA justifie de l'identification précise d'une entité 'accessibilité voirie et bâtiment' rattachée directement au Président, seule entité répondant à la définition du poste de MME Y..., comprenant deux salariés dont l'intéressée, dont la marque a été par ailleurs cédée dans les termes susvisés.
Etant observé que les pièces ainsi produites justifient du transfert d'une entité économique autonome constituée par une activité secondaire d'accessibilité voirie et bâtiments composée de deux personnes, comprenant des éléments incorporels propres ayant fait l'objet d'une cession, il s'en déduit l'application des dispositions de l'article L 1124-1 du code du travail au cas d'espèce à la date du 31 décembre 2013.
A cet égard, il est rappelé cependant que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer. Il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement.
En l'espèce, il convient d'observer que par lettre du 12 juillet 2013, MME Y... s'était opposé à la modification de son contrat de travail telle que proposée par la société CECIAA.
Il est ensuite justifié que faisant suite au courrier de cette dernière société du 31 décembre 2013 l'avisant du transfert de son contrat de travail, la salariée s'est opposée à ce dernier au regard, tout particulièrement, de l'augmentation induite de son temps de transport entre son domicile et son nouveau lieu de travail à [...].
En l'absence d'une clause de contractualisation du lieu de travail, le changement de lieu de travail peut induire une modification du contrat si le salarié est affecté dans un secteur géographique différent apprécié objectivement.
Il convient d'observer à cet égard qu'au début de la relation contractuelle en 2007, le lieu de travail de MME Y... qui habite à [...] (Essonne) était situé au siège social de la société CECIAA soit [...] , qu'elle a suivi cette entreprise à Bagnolet à partir de 2009, que la société ASCIER a son siège social établi à [...], [...].
Les deux sièges sociaux sont situés dans des départements différents.
Au regard des pièces produites, la localisation du lieu de travail à [...] induit un éloignement en distance de 37 km entre Bagnolet et le nouveau lieu de travail.
L'estimation justifiée par l'appelante du temps de transport en commun entre Bagnolet et [...] est d'1h22 avec la nécessité d'emprunter trois moyens de transport et de 33 minutes en voiture.
Le trajet en transport en commun 'aller' évalué depuis le domicile de MME Y... jusqu'à [...] est de 2h43 minutes tandis que le transport aller jusqu'à Bagnolet est d'1h54, la distance routière entre son domicile [...] passant de 32 km à 60 km jusqu'à [...].
Il s'en déduit une augmentation sensible des distances se caractérisant soit par une augmentation de plus d'une heure du temps total journalier en transport en commun soit par une distance supplémentaire de 60km à effectuer chaque jour (aller-retour) en voiture.
Étant par ailleurs observé que l'augmentation des distances ainsi justifiée aurait eu des répercussions sensibles sur les conditions de vie personnelle et familiale de MME Y... laquelle avait des enfants en bas âge, il doit être retenu que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraînait au cas d'espèce une modification du contrat de travail à laquelle la salariée était en droit de s'opposer.
Sur la rupture
La société ASCIER n'a pas procédé en l'espèce au licenciement de MME Y... et lui a délivré des bulletins de salaire jusqu'au 30 août 2016 au regard des pièces produites.
Les intimées, dont la société ASCIER, soulèvent l'irrecevabilité de MME Y... à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail alors que la salariée, malgré des mises en demeure des 26 octobre et 20 novembre 2015, n'aurait pas repris son travail après un arrêt maladie, manifestant de ce fait sa volonté claire et non équivoque de démissionner; qu'ayant été par ailleurs embauchée par une autre société à compter du 4 avril 2016, son contrat de travail s'avère incontestablement rompu à son initiative.
Cependant, la cour observe que si la salariée ne justifie plus d'arrêt maladie à compter du 1er octobre 2015, il n'est pas justifié de la part de la société ASCIER de l'effectivité d'une visite médicale de reprise à son initiative, qu'en conséquence, le contrat de travail de MME Y... est alors resté suspendu.
Par ailleurs, la nouvelle embauche à compter du 4 avril 2016 s'est effectuée alors que MME Y... était considérée de manière infondée en absence injustifiée par la société ASCIER bien que son contrat de travail soit toujours suspendu et tandis qu'elle avait saisi le conseil de Prud'homme d'une demande de résiliation judiciaire de ce contrat depuis le 20 juin 2014.
Ces éléments ne justifient pas d'une démission de la salariée.
Etant donné qu'il se déduit de ce qui précède que la société ASCIER n'a pas tiré les conséquences de l'opposition de MME Y... au transfert de son contrat de travail malgré son caractère bien fondé, qu'elle ne justifie pas d'initiatives visant l'organisation d'une visite de reprise de la salariée, la résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée au regard des fautes d'une gravité suffisante ainsi constatées, ce à la date du 4 avril 2016, date à laquelle MME Y... bénéficiait d'un nouveau contrat de travail auprès d'un autre employeur et n'était plus à la disposition de la société ASCIER.
Sur les demandes en paiement
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (2660,41 euros dans les termes des bulletins de salaire délivrés par la société ASCIER), de son âge, de son ancienneté depuis le 9 octobre 2006, de son retour à l'emploi le 4 avril 2016 et des conséquences de la rupture à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, la société ASCIER sera condamnée à lui allouer une somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts.
L'indemnité conventionnelle s'établit à la somme de 6384,98 euros sur la base de la convention collective du commerce de gros.
L'indemnité de congés payés sollicitée n'est pas détaillée ni justifiée au regard des arrêts maladie. Elle fera ici l'objet d'un rejet en l'absence d'un décompte justificatif.
L'indemnité compensatrice de préavis s'établit au montant de 7981,23 euros outre 798,12 euros au titre des congés payés afférents.
La demande principale de MME Y... ayant été écartée, la cour examinera sa demande indemnitaire fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail sur la base des moyens par elle développés à l'encontre de la société ASCIER soit en ce qu'il ne pouvait lui être imposé une modification unilatérale de son contrat et en que la société n'a pas répondu à ses sollicitations concernant le transfert.
Étant observé à cet égard que la société ASCIER a informé à plusieurs reprises Madame MME Y... du transfert de son contrat de travail, que la salariée, en arrêt maladie, ne justifie pas dans ce cadre d'une exécution matériellement déloyale du contrat de travail par l'employeur, la demande doit être écartée.
S'agissant de la demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à organiser la visite de reprise, il se déduit des pièces produites aux débats que par lettre du 20 novembre 2015, La société ASCIER a uniquement demandé à MME Y... de se positionner sur sa situation de reprise ou de non reprise compte tenu de son absence depuis le 1er octobre 2015, que l'employeur n'a effectivement pas entrepris de diligences afin de mettre en place une visite médicale de reprise tout en délivrant des bulletins de sala ire à MME Y... visant des absences injustifiées sans rémunération.
Le préjudice financier s'en déduisant conduira à condamner la société ASCIER à payer à MME Y... la somme de 15 962,46 euros.
Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit en l'espèce 26 juin 2014 et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant » ;
ALORS QUE l'employeur n'est tenu d'organiser l'examen de reprise du travail d'un salarié après absences pour raisons médicales, que lors de la reprise effective du travail par le salarié et au plus tard dans un délai de huit jours, ou avant toute reprise effective, lorsque le salarié en a fait la demande et s'est tenu à la disposition de son employeur pour qu'il y soit procédé ; qu'en l'espèce, la société Ascier faisait valoir qu'aucun manquement ne pouvait lui être reproché concernant l'organisation d'une visite médicale de reprise de la salariée dès lors que cette dernière n'avait plus fourni le moindre justificatif d'absence à compter du 1er octobre 2015 et qu'elle n'avait jamais répondu aux mises en demeure qui lui avaient été adressées lui demandant de justifier de son absence et de se positionner sur sa situation de reprise ou de non reprise ; que la cour d'appel a expressément relevé que par courrier du 20 novembre 2015 la société Ascier avait demandé à la salariée de se positionner sur sa situation de reprise ou de non reprise compte tenu de son absence injustifiée depuis le 1er octobre 2015, que la salariée n'avait effectivement plus justifié de ses absences à compter de cette date ; qu'il était par ailleurs constant que la salariée n'avait jamais repris le travail à l'issue de son dernier arrêt maladie ; que néanmoins, pour considérer que l'employeur avait manqué à son obligation d'organisation d'une visite médicale de reprise, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'il n'avait entrepris aucune diligence afin de mettre en place une telle visite de sorte que le contrat de travail de la salariée demeurait suspendu ; qu'en statuant de la sorte, sans constater que la salariée, qui n'avait jamais repris le travail, avait demandé l'organisation d'une visite médicale de reprise et s'était tenue à la disposition de son employeur pour qu'il y soit procédé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 4624-22 et suivants du code du travail dans leur version alors applicable ;
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la société Ascier à la date du 4 avril 2016, d'AVOIR condamné la société Ascier à verser à Mme Y... les sommes de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la rupture produisant les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, 7 981,23 euros à titre d'indemnité compensatrice de prévis et 798,12 euros au titre des congés payés afférents, 6 384,98 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, d'AVOIR dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteraient intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 et que les condamnation au paiement de créances indemnitaires porteraient intérêts au taux légal à compter de l'arrêt, d'AVOIR condamné la société Ascier aux entiers dépens ainsi qu'à verser à la salariée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la relation de travail
L'irrecevabilité à agir de la salariée en résiliation judiciaire de son contrat de travail soulevée par les deux sociétés intimées nécessite au préalable d'identifier l'employeur de Mme Y..., celle-ci contestant pour sa part l'existence du transfert de son contrat de travail au profit de la société ASCIER et ayant introduit dans ce cadre une action devant le conseil de Prud'homme sans qu'il ne puisse en être déduit sa reconnaissance de la qualité d'employeur de la société ASCIER au contraire contestée.
Sur ce point, il ressort des pièces produites que MME Y... a été embauchée par la société CECIAA en qualité de chargée de mission 'signalétique et accessibilité bâtiment' à compter du 11 juin 2007, le contrat étant régi par les dispositions de la convention collective commerce de gros, sa rémunération mensuelle brute étant fixée au montant de 2135,98 euros par avenant du 4 avril 2008.
Les pièces communiquées justifient que par lettres du 5 juin puis du 13 juin 2013, la société CECIAA lui a proposé une modification de son contrat de travail en faisant état de ce que ses prestations étaient désormais gérées par la société ASCIER, 'son nouvel employeur', un poste de chef de projet accessibilité correspondant à la qualification cadre de niveau IV, échelon 4.5 et coefficient 510 de la convention collective négoce et prestations de services domaine médicaux techniques lui étant proposé, situé à [...] (77) moyennant une rémunération brute annuelle de 31 924,92 euros outre primes.
La lettre du 12 juillet 2013 de la salariée justifie de son refus de la modification de son contrat.
La société CECIAA et la société ASCIER lui opposent désormais la lettre du 31 décembre 2013 aux termes de laquelle la société CECIAA informe l'intéressée de ce qu'elle a procédé à la cession de son activité accessibilité à la société ASCIER en date du 31 décembre 2013 ce qui induit le transfert de son contrat de travail à cette dernière société.
Il est rappelé qu'en vertu de l'article L 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Cet article s'applique toutes les fois qu'il y a transfert d'une entité économique autonome conservant son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise étant relevé qu'un tel transfert est effectif dans le cadre d'un transfert partiel d'activités dès lors que son objet a trait à une entité autonome bénéficiant d'une organisation et de personnels spécifiques.
Les extraits de registre du commerce et des sociétés produits justifient de l'activité de la société CECIAA, dont Jean B... est le président, à compter du 26 mai 1990, cette société exerçant une activité de commerce de gros et de détail de machines et de matériel informatique adaptés aux personnes handicapées visuelles, ainsi que de vente distribution marketing et réparation de produits électroniques destinés à l'usage des personnes ainsi handicapées, le siège de la société étant situé à Bagnolet depuis le 15 juin 2009.
Il est justifié par ailleurs de ce que la société ASCIER, dont B... est également le président, a commencé une activité le 1er avril 1998 de vente d'installation d'élévateurs et de tous matériels pour personnes à mobilité réduite et plus généralement d'installation de matériel destiné aux particuliers pour rendre les ERP accessibles.
Les intimées produisent aux débats un contrat de cession de fonds de commerce aux termes duquel La société CECIAA cède à La société ASCIER une partie de son fonds de commerce correspondant à son activité secondaire de vente et installation de matériel pour rendre les ERP accessibles comprenant notamment la marque et le catalogue ACCECIAA, l'intégralité des droits d'exploitation afférents outre un nom de domaine ce, moyennant un prix de 80 000 € correspondant à la valeur des éléments incorporels cédés.
Cette cession a été publiée à la Gazette du palais du 4 février 2014 et au BODACC le 21 février 2014.
Il est également produit aux débats un contrat de cession de la marque ACCECIAA en date du 31 décembre 2013 entre les deux intimées.
L'organigramme au 22 mai 2013 de la société CECIAA justifie de l'identification précise d'une entité 'accessibilité voirie et bâtiment' rattachée directement au Président, seule entité répondant à la définition du poste de MME Y..., comprenant deux salariés dont l'intéressée, dont la marque a été par ailleurs cédée dans les termes susvisés.
Etant observé que les pièces ainsi produites justifient du transfert d'une entité économique autonome constituée par une activité secondaire d'accessibilité voirie et bâtiments composée de deux personnes, comprenant des éléments incorporels propres ayant fait l'objet d'une cession, il s'en déduit l'application des dispositions de l'article L 1124-1 du code du travail au cas d'espèce à la date du 31 décembre 2013.
A cet égard, il est rappelé cependant que lorsque l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraîne une modification du contrat de travail autre que le changement d'employeur, le salarié est en droit de s'y opposer. Il appartient alors au cessionnaire, s'il n'est pas en mesure de maintenir les conditions antérieures, soit de formuler de nouvelles propositions, soit de tirer les conséquences de ce refus en engageant une procédure de licenciement.
En l'espèce, il convient d'observer que par lettre du 12 juillet 2013, MME Y... s'était opposé à la modification de son contrat de travail telle que proposée par la société CECIAA.
Il est ensuite justifié que faisant suite au courrier de cette dernière société du 31 décembre 2013 l'avisant du transfert de son contrat de travail, la salariée s'est opposée à ce dernier au regard, tout particulièrement, de l'augmentation induite de son temps de transport entre son domicile et son nouveau lieu de travail à [...].
En l'absence d'une clause de contractualisation du lieu de travail, le changement de lieu de travail peut induire une modification du contrat si le salarié est affecté dans un secteur géographique différent apprécié objectivement.
Il convient d'observer à cet égard qu'au début de la relation contractuelle en 2007, le lieu de travail de MME Y... qui habite à Gomets la Ville (Essonne) était situé au siège social de la société CECIAA soit [...] , qu'elle a suivi cette entreprise à Bagnolet à partir de 2009, que la société ASCIER a son siège social établi à [...], Marne-la -Vallée.
Les deux sièges sociaux sont situés dans des départements différents.
Au regard des pièces produites, la localisation du lieu de travail à [...] induit un éloignement en distance de 37 km entre Bagnolet et le nouveau lieu de travail.
L'estimation justifiée par l'appelante du temps de transport en commun entre Bagnolet et [...] est d'1h22 avec la nécessité d'emprunter trois moyens de transport et de 33 minutes en voiture.
Le trajet en transport en commun 'aller' évalué depuis le domicile de MME Y... jusqu'à [...] est de 2h43 minutes tandis que le transport aller jusqu'à Bagnolet est d'1h54, la distance routière entre son domicile [...] passant de 32 km à 60 km jusqu'à [...].
Il s'en déduit une augmentation sensible des distances se caractérisant soit par une augmentation de plus d'une heure du temps total journalier en transport en commun soit par une distance supplémentaire de 60km à effectuer chaque jour (aller-retour) en voiture.
Étant par ailleurs observé que l'augmentation des distances ainsi justifiée aurait eu des répercussions sensibles sur les conditions de vie personnelle et familiale de MME Y... laquelle avait des enfants en bas âge, il doit être retenu que l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail entraînait au cas d'espèce une modification du contrat de travail à laquelle la salariée était en droit de s'opposer.
Sur la rupture
La société ASCIER n'a pas procédé en l'espèce au licenciement de MME Y... et lui a délivré des bulletins de salaire jusqu'au 30 août 2016 au regard des pièces produites.
Les intimées, dont la société ASCIER, soulèvent l'irrecevabilité de MME Y... à solliciter la résiliation judiciaire du contrat de travail alors que la salariée, malgré des mises en demeure des 26 octobre et 20 novembre 2015, n'aurait pas repris son travail après un arrêt maladie, manifestant de ce fait sa volonté claire et non équivoque de démissionner; qu'ayant été par ailleurs embauchée par une autre société à compter du 4 avril 2016, son contrat de travail s'avère incontestablement rompu à son initiative.
Cependant, la cour observe que si la salariée ne justifie plus d'arrêt maladie à compter du 1er octobre 2015, il n'est pas justifié de la part de la société ASCIER de l'effectivité d'une visite médicale de reprise à son initiative, qu'en conséquence, le contrat de travail de MME Y... est alors resté suspendu.
Par ailleurs, la nouvelle embauche à compter du 4 avril 2016 s'est effectuée alors que MME Y... était considérée de manière infondée en absence injustifiée par la société ASCIER bien que son contrat de travail soit toujours suspendu et tandis qu'elle avait saisi le conseil de Prud'homme d'une demande de résiliation judiciaire de ce contrat depuis le 20 juin 2014.
Ces éléments ne justifient pas d'une démission de la salariée.
Etant donné qu'il se déduit de ce qui précède que la société ASCIER n'a pas tiré les conséquences de l'opposition de MME Y... au transfert de son contrat de travail malgré son caractère bien fondé, qu'elle ne justifie pas d'initiatives visant l'organisation d'une visite de reprise de la salariée, la résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée au regard des fautes d'une gravité suffisante ainsi constatées, ce à la date du 4 avril 2016, date à laquelle MME Y... bénéficiait d'un nouveau contrat de travail auprès d'un autre employeur et n'était plus à la disposition de la société ASCIER.
Sur les demandes en paiement
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée (2660,41 euros dans les termes des bulletins de salaire délivrés par la société ASCIER), de son âge, de son ancienneté depuis le 9 octobre 2006, de son retour à l'emploi le 4 avril 2016 et des conséquences de la rupture à son égard, telles qu'elles résultent des pièces et des explications fournies, la société ASCIER sera condamnée à lui allouer une somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts.
L'indemnité conventionnelle s'établit à la somme de 6384,98 euros sur la base de la convention collective du commerce de gros.
L'indemnité de congés payés sollicitée n'est pas détaillée ni justifiée au regard des arrêts maladie. Elle fera ici l'objet d'un rejet en l'absence d'un décompte justificatif.
L'indemnité compensatrice de préavis s'établit au montant de 7981,23 euros outre 798,12 euros au titre des congés payés afférents.
La demande principale de MME Y... ayant été écartée, la cour examinera sa demande indemnitaire fondée sur l'exécution déloyale du contrat de travail sur la base des moyens par elle développés à l'encontre de la société ASCIER soit en ce qu'il ne pouvait lui être imposé une modification unilatérale de son contrat et en que la société n'a pas répondu à ses sollicitations concernant le transfert.
Étant observé à cet égard que la société ASCIER a informé à plusieurs reprises Madame MME Y... du transfert de son contrat de travail, que la salariée, en arrêt maladie, ne justifie pas dans ce cadre d'une exécution matériellement déloyale du contrat de travail par l'employeur, la demande doit être écartée.
S'agissant de la demande indemnitaire pour manquement de l'employeur à organiser la visite de reprise, il se déduit des pièces produites aux débats que par lettre du 20 novembre 2015, La société ASCIER a uniquement demandé à MME Y... de se positionner sur sa situation de reprise ou de non reprise compte tenu de son absence depuis le 1er octobre 2015, que l'employeur n'a effectivement pas entrepris de diligences afin de mettre en place une visite médicale de reprise tout en délivrant des bulletins de salaire à MME Y... visant des absences injustifiées sans rémunération.
Le préjudice financier s'en déduisant conduira à condamner la société ASCIER à payer à MME Y... la somme de 15 962,46 euros.
Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit en l'espèce 26 juin 2014 et que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant » ;
1°) ALORS QUE la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à l'absence de visite médical de reprise, entrainera, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif ayant prononcé la résiliation judicaire de contrat de travail de la salariée aux torts de l'employeur, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE le changement de lieu de travail intervenant dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'il appartient aux juges du fond de caractériser de manière objective, en quoi le nouveau lieu de travail du salarié est situé dans un secteur géographique différent du précédent ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt que l'ancien et le nouveau lieu de travail de la salariée se situaient en région parisienne, l'un à Bagnolet l'autre à [...], Marne-la-Vallée ; que la cour d'appel a en outre expressément relevé que les deux lieux de travail étaient distants de 37 kms pouvant être parcourus en 30 minutes en voiture ; que néanmoins, pour dire que l'ancien et le nouveau lieu de travail de la salariée ne se trouvaient pas dans le même secteur géographique, la cour d'appel a relevé que les deux sièges sociaux se situaient dans des départements différents, que le temps de parcours en transports en commun entre les deux lieux de travail était de 1h22, que le temps de trajet et la distance entre le domicile de la salariée et son nouveau lieu de travail passaient de 1h54 à 2h43 et de 32 kms à 60 kms ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à caractériser que le nouveau et l'ancien lieu de travail, tous deux situés en région parisienne et distants seulement de 37 kms pouvant être parcourus en 30 minutes, ne se trouvaient pas dans le même secteur géographique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 dans sa rédaction alors applicable ;
3°) ALORS QUE les juges ne peuvent statuer par voie d'affirmations péremptoires ; qu'en l'espèce, dans ses écritures auxquelles la cour d'appel s'est expressément référée (v. arrêt p. 2 in fine), la salariée n'invoquait pas que l'augmentation des distances aurait eu des répercussions sensibles sur ses conditions de vie personnelle et familiale ; qu'en retenant péremptoirement l'existence de telles répercussions, sans préciser d'où elles résultaient ni en quoi elles consistaient, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à la cour d'appel d'AVOIR dit que les condamnations au paiement de créances de nature salariale portent intérêts au taux légal à compter du 26 juin 2014 ;
AUX MOTIFS QUE « les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par la défenderesse de sa convocation devant le bureau de conciliation du Conseil de prudhommes, soit en l'espèce le 26 juin 2014 » ;
1°) ALORS QUE la créance d'une somme d'argent dont le principe résulte non pas de la loi ou du contrat mais de l'appréciation du juge, porte intérêt à compter de la date à laquelle il fixe le fait générateur de cette créance ; que l'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférentes et l'indemnité de licenciement, lorsqu'elles résultent de la décision du juge de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail, portent intérêts à compter de la date à laquelle le juge a fixé la rupture dudit contrat ; qu'en l'espèce, après avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat à la date du 4 avril 2016, la cour d'appel a dit que les créances de nature salariale, i.e. l'indemnité de préavis et congés payés afférents, et l'indemnité conventionnelle de licenciement portaient intérêts à compter du 26 juin 2014 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1153 et 1153-1 du Code civil ; Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour Mme A....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté Mme Y... de sa demande de paiement d'une indemnité de congés payés,
AUX MOTIFS QUE l'indemnité de congés payés sollicitée n'est pas détaillée ni justifiée au regard des arrêts maladie ; qu'elle fera ici l'objet d'un rejet en l'absence d'un décompte justificatif
ALORS QU'il appartient au juge de fixer le montant des sommes dues au salarié en exécution du contrat de travail, au besoin en ordonnant une mesure d'instruction ; qu'en déboutant Mme Y... de sa demande relative à l'indemnité de congés payés, « en l'absence d'un décompte justificatif » et sans constater que l'employeur justifiait avoir satisfait à ses obligations, la cour d'appel a violé les articles L. 3141-3, L. 3141-22 et L. 3141-26 du code du travail.