LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. Y... de sa reprise d'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Alter Ego ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 janvier 2017), que M. X... a été engagé le 3 novembre 2003 par la société Alter Ego en qualité de responsable commercial de secteur ; qu'ayant été licencié pour faute grave le 10 mai 2011, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture et de l'exécution de son contrat de travail ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'une certaine somme à titre de rappel de salaire sur prime d'objectifs 2011 au prorata temporis, outre les congés payés afférents, et de le condamner au remboursement des «avances sur prime d'objectifs », alors, selon le moyen, que la prime annuelle d'objectifs contractuellement prévue constitue un complément de rémunération qui fait partie intégrante du salaire de base et qui est de plein droit acquis prorata temporis par le salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la cour d'appel que « le contrat indique que les objectifs sont directement liés à l'activité commerciale du salarié » ; qu'en retenant cependant, pour débouter M. X... de cette demande et le condamner au remboursement des « avances » perçues, que l'usage d'une acquisition prorata temporis de cette prime n'était ni allégué ni établi, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 devenu 1103 et 1104 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat de travail subordonnait le versement de la prime annuelle d'objectifs à la condition qu'à la date fixée en accord avec les deux parties au 31 décembre de l'année, le salarié ait atteint les objectifs fixés, et que le droit à perception de la prime n'était définitivement acquis qu'à la fin de l'année, la cour d'appel en a exactement déduit que le salarié, qui avait quitté la société en cours d'année, ne pouvait, faute d'usage ou de stipulation contractuelle en ce sens, prétendre à un versement au prorata temporis et qu'il était tenu de rembourser les sommes versées à titre d'avance sur prime par l'employeur ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur Thierry X... de sa demande en condamnation de son employeur, la SARL Alter Ego, au paiement d'une somme de 2 317, 70 € à titre de rappel de salaires sur prime d'objectifs, outre les congés payés y afférents, et de l'AVOIR condamné à rembourser à la SARL Alter Ego la somme de 1 500 € à titre de remboursement des "avances sur prime d'objectifs" ;
AUX MOTIFS QUE "L'article 5 du contrat de travail prévoit que la rémunération brute mensuelle de Monsieur X... se compose d'une rémunération fixe à laquelle s'ajoute une ''avance sur prime annuelle d'objectifs'' ; qu'il est précisé que la ''prime annuelle dont le montant est variable sera définitivement acquise à Monsieur X... s'il remplit les objectifs fixés chaque année, à la date fixée en accord avec les deux parties au 31/12/2004" ; que le contrat indique que les objectifs sont directement liés à l'activité commerciale du salarié, que l'objectif est défini annuellement notamment au regard de la situation économique du marché et de l'évolution du chiffre d'affaires réalisable par la société ; qu'''en cas de non-réalisation des objectifs et dans la mesure où la prime aura été avancée mensuellement, une régularisation sera opérée à chaque fin de trimestre'' ;
QUE les lettres annuelles d'objectifs adressées au salarié mentionnent toutes que la prime sera versée mensuellement par avances dont le montant est précisé et que le reliquat, s'il y a lieu, sera versé annuellement au mois de février de l'année suivante ;
QUE Monsieur X... reproche à l'employeur de ne pas lui avoir versé la prime d'objectifs au titre de l'année 2011 au prorata de la durée de sa présence dans l'entreprise en faisant valoir qu'il a perçu l'avance mensuelle de 500,00 euros au cours des mois de janvier à mars 2011 ; que cependant, il ressort expressément du contrat de travail que la prime d'objectifs a un caractère annuel et qu'elle n'est due qu'en fonction de la réalisation des objectifs fixés chaque année ; que le contrat de travail ne précise pas qu'en cas de départ du salarié au cours de l'année, la prime pourrait être versée prorata temporis et qu'il n'est ni soutenu ni, en tout état de cause, justifié qu'un tel usage aurait existé au sein de l'entreprise ;
QU'il s'ensuit, en l'espèce, que le salarié, dont le contrat de travail a pris fin en mai 2011, ne peut prétendre au paiement prorata temporis de la prime annuelle puisque le droit à la perception de cette dernière ne devait être déterminé qu'à la fin de l'année 2011 et que le versement n'était prévu qu'en février de l'année suivante ; que même si une somme au titre de la prime était versée mensuellement, elle l'était à titre d'avance avec une régularisation en fin d'année de sorte que de telles modalités de paiement ne modifiaient pas la nature annuelle de la prime ;
QUE compte tenu des termes du contrat de travail et des mentions figurant sur les bulletins de salaire qui qualifient expressément les sommes versées au titre de la prime d'objectifs "d'avances'', Monsieur X... ne pouvait se méprendre sur la nature des sommes versées chaque mois et ignorer que leur versement était effectué sous réserve d'une régularisation, dans l'attente de la détermination de la prime annuelle effectivement due ; que Monsieur X..., dont le contrat de travail a pris fin le 10 mai 2011, doit être débouté de sa demande en paiement de la prime au titre de la période du 1er janvier 2011 au 10 mai 2011 qu'en outre, dans la mesure où le salarié ne peut prétendre au paiement prorata temporis de la prime annuelle, l'employeur est en droit de solliciter le remboursement des avances mensuelles versées, soit la somme de 1 500,00 euros ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes du salarié sur ce point et débouté l'employeur" ;
ALORS QUE la prime annuelle d'objectifs contractuellement prévue constitue un complément de rémunération qui fait partie intégrante du salaire de base et qui est de plein droit acquis prorata temporis par le salarié ; qu'en l'espèce, il ressort des propres constatations de la Cour d'appel que " le contrat indique que les objectifs sont directement liés à l'activité commerciale du salarié" ; qu'en retenant cependant, pour débouter Monsieur X... de cette demande et le condamner au remboursement des "avances" perçues, que l'usage d'une acquisition prorata temporis de cette prime n'était ni allégué ni établi, la cour d'appel, qui n'a pas déduit les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 devenu 1103 et 1104 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR décidé que le licenciement de Monsieur Thierry X... reposait sur une faute grave et de l'AVOIR débouté de sa demande tendant à la condamnation de la SARL Alter Ego au paiement d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts et condamné à rembourser à la SARL Alter Ego une somme de 48 € ;
AUX MOTIFS QUE "il ressort de la lettre de licenciement que le licenciement pour faute grave est motivé par quatre séries de griefs :
- falsification de notes de frais,
- règlement de dépenses personnelles avec le compte bancaire de la société,
- négligence et manque d'implication dans le travail,
- mauvais entretien du véhicule de fonction ;
QUE sur les deux premiers griefs, la lettre de licenciement indique : "(...) Nous nous sommes récemment aperçus en contrôlant les notes de frais que vous nous avez communiquées, que vous avez à plusieurs reprises, falsifié vos notes.
Ainsi, vous avez réglé une note de restaurant le 9 décembre 2010, pour un montant de 82,80 euros TTC en indiquant que Monsieur Jean-Louis B... et Monsieur Serge C... étaient présents à ce repas.
Or, après vérification, aucune de ces deux personnes n'a participé à ce repas.
Lors de l'entretien préalable, vous avez indiqué que le restaurateur avait dû commettre une erreur sur la date.
Nous avons vérifié le relevé de compte de la société et avons pu constater que le débit de la somme de 82,80 euros a bien été effectué le 9 décembre 2010. Aucune erreur n'a été commise par le restaurateur.
Vous avez également réglé avec le compte bancaire de la société, différentes sommes à un établissement dénommé "[...], sis à [...].
Vous avez vous-même rédigé sept notes de frais sur un document sur lequel figure uniquement le tampon de cet établissement, pour un montant total de 303 euros sur la période de décembre 2010 à mars 2011.
Après vérifications, cet établissement est un club libertin et non un restaurant.
Sur certaines notes que vous avez réalisées, vous avez mentionné le nom de clients qui vous auraient accompagné dans cet établissement, ce qui, bien entendu, est mensonger.
Les tarifs indiqués sur vos notes semblent d'ailleurs correspondre à des entrées dans cet établissement pour un homme seul avec une ou deux boissons alcoolisées.
Ces faits sont inacceptables, susceptibles de porter atteinte à l'image de la société et peuvent entraîner des sanctions fiscales à l'encontre de la société.
Vous avez admis ces faits lors de l'entretien préalable sans pouvoir apporter d'explications (...)" ;
QUE "Sont versées aux débats :
- la note de frais du 9 décembre 2010 portant sur 5 repas pour un total de 82,80 euros TTC sur laquelle figure, de manière manuscrite, les initiales de quatre personnes [
],
- sept notes de frais remises par Monsieur X... portant le cachet de l'établissement [...] sur lesquelles, pour certaines d'entre elles, le salarié ne conteste pas avoir porté le nom du client qui, selon lui, l'accompagnait :
- 14 décembre 2010 : 2 repas pour 60,00 euros,
- 21 décembre 2010 : 2 repas pour 60,00 euros,
- 28 décembre 2010 : 2 repas pour 50,00 euros,
- 25 janvier 2011 : 1 repas pour 25,00 euros,
- 15 février 2011 : 2 repas pour 60,00 euros,
- 1er mars 2011 : 1 repas pour 25,00 euros,
- 22 mars 2011 : 1 repas pour 23,00 euros ;
QUE s'agissant de la note du 9 décembre 2010 [
]compte tenu que les témoignages produits de part et d'autre sont contraires en fait, que le message adressé à l'employeur par Monsieur D... qui n'a délivré son témoignage qu'en se référant à la vérification d'une note de frais sans évoquer de souvenirs particuliers de cette journée, est particulièrement laconique et imprécis, voire incertain et qu'en tout état de cause, rien ne permet d'attribuer un caractère probant à certaines attestations plutôt qu'à d'autres, il existe un doute qui doit profiter au salarié et qui exclut qu'une faute puisse lui être reprochée à ce titre [
] ;
QUE s'agissant des notes de frais concernant l'établissement [...], dont l'employeur justifie qu'il s'agit d'un club libertin, la Société Alter Ego fait valoir, en se référant au tarif de cet établissement figurant sur son site Internet, que la somme de 60,00 euros mentionnée sur certaines d'entre elles ne correspond pas à deux repas mais au tarif d'une entrée en soirée pour un homme seul avec deux consommations alcoolisées et ''open bar'' sur les boissons non alcoolisées et que le tarif de 25,00 euros correspond à une entrée pour un homme seul avec une boisson alcoolisée, en semaine de 14h à 18h, ce qui, selon lui, démontre que le salarié se rendait dans cet établissement pendant son temps de travail sans être accompagné de clients ;
QUE s'il reconnaît s'être rendu dans cet établissement, Monsieur X... soutient qu'il s'agit également d'un restaurant et qu'il s'y est rendu uniquement en présence de clients ;
QU'il produit l'attestation de Monsieur E..., agent commercial et client de la société, qui atteste avoir sympathisé avec lui et avoir fait avec lui des sorties nocturnes sans jamais l'avoir vu demander de fausses notes de frais ; qu'il verse également l'attestation de Monsieur F... qui était en charge de la comptabilité de la société et selon lequel la Société Alter Ego avait pour politique d'encourager ses employés à se rendre dans ce type d'établissements en présence de clients ;
QUE cependant, dans une seconde attestation, Monsieur E... précise qu'il est sorti avec Monsieur X... au [...] G... ''à titre entièrement privé'', que celui-ci ne l'a jamais invité dans ce lieu et qu'il payait lui-même son entrée de 60 euros ;
QUE Monsieur X... ne saurait soutenir s'être rendu dans ce lieu ''uniquement en présence de clients'' puisque certaines notes de frais, notamment les plus récentes, établies pour une unique personne, démontrent qu'il s'y rendait parfois seul et que de tels frais étaient exposés sans relation avec une quelconque démarche commerciale auprès de clients ;
QU'en outre, alors que les pièces produites par l'employeur tendent à démontrer que le montant des frais exposés pour une personne seule correspond à des entrées en semaine de 14h à 18h, soit pendant les heures de travail, Monsieur X... n'apporte aucun élément de preuve contraire à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il s'y rendait le soir ;
QU'il apparaît, en conséquence, que Monsieur X... a remis à l'employeur des notes de frais qui ne correspondaient pas à des frais exposés à titre professionnel ;
QUE même si le salarié invoque les pratiques de l'employeur, il ne soutient pas que celui-ci aurait accepté la prise en charge de tels frais ni même qu'il en avait connaissance ; que le salarié ne saurait se prévaloir de la prescription de deux mois prévue par l'article L. 1332-4 du code du travail, deux des notes de frais irrégulières ayant été établies moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire (26 avril 2011) ;
QU'un tel comportement, réitéré, qui consiste à faire prendre en charge des frais de nature privée par l'employeur à l'insu de celui-ci, est constitutif d'une faute grave et rend impossible la poursuite du contrat de travail sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes de Monsieur X... au titre de la rupture du contrat de travail, celui-ci devant en être débouté ;
QUE la demande en remboursement des frais indûment pris en charge par l'entreprise doit être accueillie mais, compte tenu de l'écoulement du délai de prescription, cette demande ne peut être retenue que pour les deux dernières notes litigieuses, soit pour la somme de 48,00 euros".
1°) ALORS QUE la charge de la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer ; qu'il appartient en conséquence à l'employeur qui lui reproche de s'être fait rembourser des dépenses non exposées pour les besoins de son activité professionnelle de démontrer que ces dépenses étaient de nature exclusivement privée ; qu'en retenant à l'appui de sa décision "
que les pièces produites par l'employeur tendent à démontrer que le montant des frais exposés pour une personne seule correspond à des entrées en semaine de 14h à 18h, soit pendant les heures de travail" et que " Monsieur X... n'apporte aucun élément de preuve contraire à l'appui de ses affirmations selon lesquelles il s'y rendait le soir" la Cour d'appel, qui a renversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 devenu 1353 du Code civil ;
2°) ALORS en outre QUE la charge de la preuve de la faute grave incombant exclusivement à l'employeur, le salarié n'a rien à démontrer ; qu'il appartient en conséquence à l'employeur qui lui reproche d'avoir falsifié ses notes de frais de démontrer qu'il n'était pas accompagné des personnes mentionnées sur les notes remises au remboursement ; qu'en se déterminant aux termes de motifs dont ne résulte pas le caractère mensonger de la mention "deux repas" portée sur les notes des 14, 21, 28 décembre 2010 et 15 février 2011, la Cour d'appel a violé derechef l'article 1315 devenu 1353 du Code civil ;