LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 avril 2017), que M. Y..., exerçant en son nom personnel une activité de transporteur routier, a été mis en redressement judiciaire le 24 janvier 2012 ; que le 30 janvier 2013, un notaire a reçu une déclaration d'insaisissabilité portant sur la maison constituant l'habitation principale du débiteur, déclaration publiée au fichier immobilier de Draguignan le 4 février 2013 ; que le plan de redressement de M. Y... a été arrêté par un jugement du 26 mars 2013 ; qu'un jugement du 10 septembre 2013 a résolu ce plan et prononcé la liquidation judiciaire de M. Y... ; que le 6 novembre 2014, M. Z..., en qualité de liquidateur de M. Y..., a assigné le débiteur en nullité de la déclaration d'insaisissabilité, en raison de son défaut de mention au registre du commerce et des sociétés ;
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de prononcer l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité et de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :
1°/ que la mise en oeuvre d'une jurisprudence nouvelle pouvant affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, il appartient au juge de procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; qu'en ne recherchant pas si l'application à la cause du revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt du "25 " (en réalité 15) novembre 2016, que M. Y... lui demandait de ne pas appliquer, n'était pas manifestement disproportionnée, la cour d'appel a méconnu son office en violation du principe de proportionnalité susvisé et de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ que le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'application immédiate d'un revirement de jurisprudence ne reposant pas sur des motifs impérieux d'intérêt général ; que sous l'empire de la jurisprudence prévalant depuis l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 mars 2012, la fin de non-recevoir soulevée par M. Y... à l'encontre de l'action en inopposabilité engagée par M. Z..., ès qualités, aurait été accueillie et l'action du liquidateur déclarée irrecevable ; qu'en appliquant à la cause le revirement de jurisprudence intervenue le 15 novembre 2016 déclarant désormais le liquidateur recevable à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, privant ainsi M. Y... en cours d'instance d'une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
3°/ que le respect des stipulations de l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose au juge de ne pas appliquer immédiatement un revirement de jurisprudence qui intervient en cours d'instance et qui a pour effet de priver l'une des parties de son droit au respect des biens ; que l'application à la cause du revirement de jurisprudence décidé le 15 novembre 2016 par la Cour de cassation porte atteinte au droit au respect des biens de M. Y... en ce qu'il permet désormais au mandataire liquidateur de rendre inopposable la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale du débiteur et de réintégrer cet immeuble dans le gage commun des créanciers professionnels ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, au lieu d'appliquer la règle jurisprudentielle en vigueur au moment où M. Z..., ès qualités, a engagé son action en inopposabilité et dont il résultait que cette action était irrecevable, de telle sorte que son bien échappait au gage commun des créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé les stipulations précitées, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que l'appréciation faite par la cour d'appel de la qualité pour agir du liquidateur, conforme aux principes énoncés par l'arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation du 15 novembre 2016 (pourvoi n° 14-26.287, Bull. 2016, IV, n° 142), n'a pas eu pour effet d'affecter irrémédiablement la situation de M. Y..., en ce qu'il aurait agi de bonne foi en se conformant à l'état du droit applicable à la date de sa déclaration, mais seulement d'ouvrir au liquidateur une action, exercée au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, pour contester la régularité d'une déclaration notariée d'insaisissabilité, qui, en violation des articles L. 526-2 et R. 123-46, 2° du code de commerce dans leur rédaction alors applicable, n'a pas été mentionnée au registre du commerce et des sociétés, de sorte que la cour d'appel n'avait pas à effectuer la recherche visée par la première branche ;
Attendu, d'autre part, que M. Y... ne peut se prévaloir d'un droit au maintien d'une jurisprudence figée ayant pour conséquence de l'exonérer de l'obligation résultant des articles L. 526-2 et R. 123-46, 2° du code de commerce, dans leur rédaction applicable au jour de la déclaration d'insaisissabilité, de faire mentionner cette déclaration au registre du commerce et des sociétés auquel il était immatriculé ; qu'en conséquence, en rejetant la fin de non-recevoir opposée à l'action du liquidateur, la cour d'appel n'a pas méconnu le droit du débiteur à un procès équitable, ni aucun des textes visés par la deuxième branche ;
Attendu, enfin, qu'en déclarant recevable l'action exercée par le liquidateur dans l'intérêt collectif des créanciers de la liquidation judiciaire, afin de reconstituer leur gage commun et de leur voir déclarer inopposable la déclaration d'insaisissabilité, faute d'une publicité complète et régulière de celle-ci, l'arrêt ne porte aucune atteinte disproportionnée au droit au respect des biens de M. Y... qui ne peut légitimement invoquer à son soutien la persistance de l'absence de sanction des manquements aux textes régissant la publicité de la déclaration ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen, pris en ses quatrième et cinquième branches, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat aux Conseils, pour M. Y...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué de prononcer l'inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité sur le bien cadastrée [...] lieudit les cantons lot n° 12 du lotissement nommé « [...] », et les lots n° 3 et 4 à l'EDD reçu le 30 janvier 2013, sur la commune de [...] et de débouter M. Y... de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE M. André Y... fait valoir que la déclaration d'insaisissabilité a été enregistrée le 30 janvier 2013 et publiée au bureau des hypothèques de Draguignan le 4 févier 2013, par l'intermédiaire du notaire, lequel n'a cependant pas procédé à la publicité de l'acte au registre du commerce et des sociétés, alors même que la déclaration le prévoyait expressément ; qu'il n'a pas à répondre de la faute du notaire ; qu'en toute hypothèse, l'absence de publicité de la déclaration d'insaisissabilité au registre du Commerce et des sociétés n'affecte pas son efficacité ni son opposabilité laquelle est assurée par la publication au service de la publicité foncière ; que, d'autre part, le liquidateur ne peut légalement agir que dans l'intérêt de tous les créanciers et non dans l'intérêt personnel d'un seul créancier ou d'un groupe de créanciers ; que la Cour de cassation a jugé qu'en présence de créanciers antérieurs à la déclaration d'insaisissabilité, le liquidateur judiciaire du débiteur, qui ne représente pas dans ce cas l'intérêt collectif des créanciers, est irrecevable à exercer l'action (Cass. com. 23 avril 2013, n° 12-16.035 ; voir encore Cass. com. 24 mars 2015, n° 14-10.175 et Cass. com. 13 mars 2012, n° 11-15.738) et qu'il n'est pas en droit de faire réaliser l'immeuble objet de la déclaration d'insaisissabilité (Cass. Com. 18 juin 2013, n° 11-23.716), ni d'agir en inopposabilité (Cass.
Com. 13 mars 2012, n° 11-15.438), ni d'exercer l'action paulienne (Cass. Com. 23 avril 2013, n° 12-16.035) ; qu'un arrêt important et publié au Bulletin de la Cour de Cassation doit être relevé (Cass. Com. 13 mars 2012 n° 11-15.438) qui a clairement affirmé dans une situation similaire que « Le liquidateur judiciaire n'a pas qualité pour agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité même irrégulièrement publiée. Le liquidateur judiciaire n'a pas qualité pour agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, dans l'intérêt des seuls créanciers dont les droits naissent, postérieurement à sa publication, à l'occasion de l'activé professionnelle du déclarant l'intérêt collectif des créanciers ne résulte pas de l'irrégularité de la publicité de cet acte » ; mais que la jurisprudence de la Cour de Cassation a évolué ; qu'ainsi, dans un arrêt en date du 15 novembre 2016, la chambre commerciale a-t-elle jugé (n° 14.26287) : « Attendu que pour déclarer irrecevable la demande en inopposabilité et rejeter la demande de licitation de l'immeuble indivis, l'arrêt, après avoir constaté que la débitrice en liquidation judiciaire est une personne physique qui a des créanciers tant professionnels que non professionnels, et retenu que le liquidateur représente ces deux catégories, dont seule la première a un intérêt à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité pour irrégularité de sa publicité au RCS, en déduit que le liquidateur ne peut se prévaloir d'une action relevant de l'intérêt collectif de tous les créanciers du débiteur en procédure collective ; Attendu que cette décision était conforme à la jurisprudence alors applicable (Com. 13 mars 2012, B IV, n° 53, pourvoi n° 11-15. 438) ; que toutefois cette solution a eu pour effet de priver les organes de la procédure collective de la possibilité de contester l'opposabilité de la déclaration d'insaisissabilité à la procédure ; qu'en outre, par un arrêt du 2 juin 2015, B IV, n° 94, (pourvoi n° 13-24.714), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a jugé que les organes de la procédure collective avaient qualité à agir pour la protection et la reconstitution du gage commun des créanciers ; qu'il apparaît donc nécessaire de modifier la solution résultant de l'arrêt du 13 mars 2012 et de retenir désormais que, la déclaration d'insaisissabilité n'étant opposable à la liquidation judiciaire que si elle a fait l'objet d'une publicité régulière, le liquidateur, qui a qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers, est recevable à en contester la régularité à l'appui d'une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers » ; que l'argumentation que développe M. Y... est donc inopérante. ; que dans ces conditions, alors que la publicité de la déclaration notariée d'insaisissabilité au RCS était prescrite par l'article L. 526-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 4 août 2008, afin de permettre aux créanciers de connaître l'étendue de la garantie financière offerte par leur débiteur, Me Z..., ès qualités, est fondée à demander à la cour de juger que la déclaration d'insaisissabilité du 30 janvier 2013 est inopposable à la liquidation judiciaire pour défaut de publicité au registre du commerce et des sociétés ;
1°) ALORS QUE la mise en oeuvre d'une jurisprudence nouvelle pouvant affecter irrémédiablement la situation des parties ayant agi de bonne foi, en se conformant à l'état du droit applicable à la date de leur action, il appartient au juge de procéder à une évaluation des inconvénients justifiant qu'il soit fait exception au principe de la rétroactivité de la jurisprudence et rechercher, au cas par cas, s'il existe, entre les avantages qui y sont attachés et ses inconvénients, une disproportion manifeste ; qu'en ne recherchant pas si l'application à la cause du revirement de jurisprudence résultant de l'arrêt du 25 novembre 2016, que M. Y... lui demandait de ne pas appliquer, n'était pas manifestement disproportionnée, la cour d'appel a méconnu son office en violation du principe de proportionnalité susvisé et de l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
2°) ALORS QUE le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l'article 6 § 1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales s'opposent à l'application immédiate d'un revirement de jurisprudence ne reposant pas sur des motifs impérieux d'intérêt général ; que sous l'empire de la jurisprudence prévalant depuis l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 13 mars 2012, la fin de non-recevoir soulevée par M. Y... à l'encontre de l'action en inopposabilité engagée par Me Z... es qualités aurait été accueillie et l'action du liquidateur déclarée irrecevable ; qu'en appliquant à la cause le revirement de jurisprudence intervenue le 25 novembre 2016 déclarant désormais le liquidateur recevable à agir en inopposabilité de la déclaration d'insaisissabilité, privant ainsi M. Y... en cours d'instance d'une fin de non-recevoir, la cour d'appel a violé l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le respect des stipulations de l'article 1er du Protocole additionnel à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose au juge de ne pas appliquer immédiatement un revirement de jurisprudence qui intervient en cours d'instance et qui a pour effet de priver l'une des parties de son droit au respect des biens ; que l'application à la cause du revirement de jurisprudence décidé le 25 novembre 2016 par la Cour de cassation porte atteinte au droit au respect des biens de M. Y... en ce qu'il permet désormais au mandataire liquidateur de rendre inopposable la déclaration d'insaisissabilité de la résidence principale du débiteur et de réintégrer cet immeuble dans le gage commun des créanciers professionnels ; qu'en se prononçant comme elle l'a fait, au lieu d'appliquer la règle jurisprudentielle en vigueur au moment où Me Z... ès qualités a engagé son action en inopposabilité et dont il résultait que cette action était irrecevable, de telle sorte que son bien échappait au gage commun des créanciers de la procédure collective, la cour d'appel a violé les stipulations précitées, ensemble les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;
ET AUX MOTIFS A LES SUPPOSER ADOPTES QUE l'adoption du plan de redressement par jugement du 26 mars 2013 a été accordé à M. Y... dès lors qu'il apportait ce bien en garantie de bonne exécution du plan et que le plan n'aurait pas été accordé sans cette garantie ; que M. Y... a dissimulé volontairement, en ne la publiant pas au registre du commerce et des sociétés, cette déclaration d'insaisissabilité pour tromper le tribunal (jugement, p. 2 in fine) ;
4°) ALORS QU'en admettant la recevabilité de l'action de Me Z... ès qualités au prétexte que le défaut de publicité professionnelle de la déclaration d'insaisissabilité procédait d'une fraude, cependant qu'une telle volonté de fraude est sans incidence sur la reconnaissance de la qualité à agir du mandataire liquidateur, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en omettant de répondre aux conclusions de M. Y... qui soutenaient que le défaut de publicité au registre du commerce et des sociétés incombait au notaire instrumentaire, ainsi qu'il résultait des stipulations de la déclaration d'insaisissabilité, ce dont il résultait que cette irrégularité ne pouvait lui être imputée (conclusions de M. Y..., p. 6), la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.