La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/02/2019 | FRANCE | N°18-12471

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 février 2019, 18-12471


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Crédit immobilier de France Rhône Ain, devenue société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme H... (les emprunteurs) un prêt destiné à financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement d'un bien immobilier, la société Apollonia (l'agence immobilière) ayant servi d'intermédiaire entre les emprunteurs et la banque ; qu'à la suite d'échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et assi

gné les emprunteurs en paiement d'une certaine somme en remboursement du prêt, ave...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Crédit immobilier de France Rhône Ain, devenue société Crédit immobilier de France développement (la banque), a consenti à M. et Mme H... (les emprunteurs) un prêt destiné à financer l'acquisition en l'état futur d'achèvement d'un bien immobilier, la société Apollonia (l'agence immobilière) ayant servi d'intermédiaire entre les emprunteurs et la banque ; qu'à la suite d'échéances impayées, la banque a prononcé la déchéance du terme et assigné les emprunteurs en paiement d'une certaine somme en remboursement du prêt, avec intérêts au taux contractuel ; que les emprunteurs ont sollicité l'annulation du contrat, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts conventionnels et l'allocation de dommages-intérêts ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article L. 312-10 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 ;

Attendu que, pour rejeter la demande d'annulation du contrat de prêt et prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts de la banque, après avoir constaté qu'à la suite des manoeuvres de l'agence immobilière, l'offre de prêt avait été signée et acceptée le même jour par les emprunteurs, l'arrêt énonce que l'article L. 312-33 du code de la consommation, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, sanctionne l'inobservation du formalisme imposé pour l'offre de crédit par une déchéance des intérêts, en totalité ou dans une proportion fixée par le juge ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée par la nullité du contrat, la cour d‘appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat aux Conseils, pour M. et Mme H...

M. et Mme H... font grief à l'arrêt infirmatif attaqué de les avoir déboutés de leur demandes d'annulation du contrat de prêt et de condamnation de la banque à leur verser des dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE s'agissant de la nullité du prêt, il convient de préciser que la cour n'est pas saisie de l'escroquerie en bande organisée encore en cours d'instruction et que même si les pièces de procédure communiquées montrent des dysfonctionnements des services de l'intimée dans ses rapports avec la société Apollonia, à l'origine des mises en examen précitées, Monsieur et Madame H... ne sauraient en tirer pour conséquence la nullité du prêt qui leur a été consenti ; qu'il leur appartient de démontrer qu'ils ont été victimes d'un dol imputable à la banque ou à son représentant, l'absence de mandat d'Apollonia, à qui la banque n'a jamais délégué le pouvoir d'accomplir en son nom et pour son compte des actes juridiques, n'étant pas sérieusement contestée ; que pour caractériser les manoeuvres dolosives, Monsieur et Madame H... reprochent à la banque, via son représentant Apollonia, un manquement à son obligation d'information, dom ils précisent qu'il est d'autant plus nécessaire que le produit est complexe ou le taux d'intérêt variable ; qu'ils prétendent encore qu'elle n'a pas satisfait à son obligation de conseil, ne les avertissant pas du risque lié à la défaillance des locataires ou à la rentabilité du biens qu'elle se proposait de financer ; qu'ils recherchent encore sa responsabilité sur le fondement de l'ancien article 1384 alinéas 1 et 5 du code civil (devenu 1242) en raison de son pouvoir d'organisation, de surveillance et de contrôle d'Apollonia ou comme commettant de cette entité ; que si le défaut d'information peut être constitutif d'un dol lorsqu'il a déterminé le consentement de l'emprunteur, l'information due par l'établissement prêteur de deniers concerne essentiellement les caractéristiques du prêt et son contenu est réglementé ; qu'en l'espèce l'offre produite satisfait aux exigences légales de sorte qu'aucun grief ne peut être formulé contre la banque à ce titre, étant encore observé que le taux nominal était fixe et non variable, ne nécessitant pas d'information particulière ; que sollicitée comme prêteur de deniers, la banque, qui ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client ni s'interroger sur la rentabilité d'une opération de défiscalisation qu'il lui est demandé de financer n'a aucune obligation de conseil, une telle exigence n'étant requise que dans l'hypothèse où d'une part elle intervient pour orienter son client vers un produit d'investissement, d'autre part que ce produit est complexe ; que dans l'hypothèse d'espèce la banque n'a pas présenté le produit aux emprunteurs tandis que l'opération financée était d'une particulière simplicité, l'acquisition d'un studio dans une résidence hôtelière, dont la rentabilité apparaît d'évidence liée au taux de remplissage attendu ; qu'au surplus, les pièces pénales démontrent que la banque ne consentait des prêts aux clients d'Apollonia qu'au titre des programmes de construction qu'elle avait préalablement agréés, respectant ainsi ses règles prudentielles ; que la responsabilité de la banque ne saurait être recherchée du fait des agissements répréhensibles d'Apollonia, tels que démontrés par la procédure pénale en l'absence de principe général de responsabilité du fait d'autrui et de tout lien de subordination démontré entre l'apporteur d'affaires et la banque ; qu'enfin, un éventuel manquement à l'obligation de mise en garde ou à une violation de la loi Scrivener n'est pas sanctionné par la nullité du contrat ; que le jugement sera infirmé en ce qu'il a caractérisé le dol par la violation par la banque de son devoir de mise en garde

1°) ALORS QUE le dol est une cause de nullité du contrat s'il émane du représentant du contractant, quand bien même ce représentant ne serait pas un mandataire investi, comme tel, du pouvoir de conclure des actes juridiques au nom et pour le compte d'une autre personne ; qu'en se fondant, pour dire que les époux H... ne pouvaient se prévaloir, à l'appui de leur demande d'annulation du prêt, du dol émanant de la société Apollonia, sur la circonstance que cette société ne s'étant pas vue confier par la banque le pouvoir d'accomplir en son nom et pour son compte des actes juridiques, elle ne pouvait être regardée comme étant son représentant, la cour d'appel, qui constatait néanmoins par ailleurs (arrêt, p. 4, § 2) que « s'il n'existe pas de contrat écrit entre CIFFRA et Apollonia le document produit, intitulé « Convention 2001 » n'étant pas signé par l'établissement bancaire, ce dernier ne conteste pas que cette société a été un apporteur d'affaires important à compter de l'année 1995 (sous la dénomination JV Consultants) selon un rapport d'audit interne à la banque, rémunéré en conséquence et pour les besoins duquel avait été créée une plate-forme dédiée dénommée « partenaire plus », à l'origine de 2 à 3 embauches pour permettre à la banque de répondre aux demandes spécifiques de la société, notamment en matière de délais d'instruction des dossiers », ce dont il dont il résultait que la société Apollonia n'était pas, pour la conclusion des contrats de prêt, un tiers de sorte que ses manoeuvres dolosives étaient opposables à la banque, a violé l'article 1116 du code civil dans sa rédaction applicable en la cause ;

2°) ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; qu'en se bornant à considérer, pour écarter tout manquement de la banque à son devoir d'information, que l'information due par l'établissement prêteur de deniers concerne essentiellement les caractéristiques du prêt, que son contenu est réglementé et que l'offre satisfait en l'espèce aux exigences légales, sans indiquer plus précisément en quoi consiste l'obligation d'information ni même mentionner le texte applicable et sans préciser les mentions figurant dans l'offre qui auraient permis de considérer que l'obligation était satisfaite, la cour d'appel qui a statué par voie de simples affirmations au demeurant imprécises ne mettant pas la Cour de cassation à même d'exercer son contrôle sur l'existence d'un manquement au devoir d'information de la banque, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la méconnaissance du délai d'acceptation de dix jours est sanctionnée par la nullité du contrat de prêt ; qu'en affirmant que la violation de la loi Scrivener n'était pas sanctionnée par la nullité du contrat pour écarter la demande des époux H... qui se prévalaient précisément de l'existence de manoeuvres destinées faire obstacle au respect du délai de 10 jours, la cour d'appel a violé le deuxième alinéa de l'article L. 312-10 du code de la consommation.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 18-12471
Date de la décision : 20/02/2019
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 15 décembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 fév. 2019, pourvoi n°18-12471


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:18.12471
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award