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06/03/2019 | FRANCE | N°17-21720

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 mars 2019, 17-21720


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. R... à compter du 1er avril 2002 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ; que devant la cour d'appel il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

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Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Groupement d'intérêt économique AGPM gestion a engagé M. R... à compter du 1er avril 2002 en qualité de délégué commercial ; que dénonçant la reprise par l'employeur d'une partie des commissions versées, en raison de la résiliation des polices d'assurances avant l'expiration d'un certain délai, le salarié a saisi la juridiction prud'homale ; que devant la cour d'appel il a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement d'une somme à titre de régularisation des commissions, outre les congés payés afférents, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du onzième ou du vingt-troisième mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. R... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°/ que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. R..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3°/ que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4°/ qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du onzième ou du vingt-troisième mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5°/ que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du onzième ou du vingt-troisième mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la clause du contrat de travail relative à la partie variable du salaire ne prévoyait aucun mécanisme de reprise des commissions versées et que le renvoi à une annexe ne concernait que les barèmes de calcul des commissions, la cour d'appel, qui a constaté qu'il n'était pas établi que cette annexe, incluant la règle dite des débits, avait été portée à la connaissance du salarié et acceptée par ce dernier lors de la conclusion du contrat de travail, en a exactement déduit que l'annexe lui était inopposable ; que le moyen qui critique en ses deuxième à cinquième branches des motifs surabondants, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ;

Attendu que pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre de l'application de la revalorisation de la négociation annuelle obligatoire sur la rémunération variable, l'arrêt retient, par motifs propres, que les procès-verbaux de négociations annuelles obligatoires des années 2011 à 2015 ne permettent pas de justifier que ces négociations ont porté sur les salaires variables ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les procès-verbaux énonçaient les revendications syndicales en matière de rémunération variable des délégués commerciaux et constataient le refus de l'employeur d'y donner suite, la cour d'appel, qui a dénaturé ces actes clairs et précis, a violé le principe susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne le groupement d'intérêt économique AGPM gestion au paiement d'une somme de 17.586,18 euros en application de la revalorisation de la NAO sur la rémunération variable, outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 19 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. R... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé et signé par M. Schamber, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, en remplacement du président empêché, conformément aux dispositions des articles 452 et 456 du code de procédure civile, en son audience publique du six mars deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société AGPM gestion

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir dit que l'AGPM avait procédé à des décommissionnements prohibés comme constituant des sanctions pécuniaires et d'avoir, en conséquence, condamné l'AGPM à payer à M. R... les sommes de 53 209,05 euros brut au titre de la régularisation des commissions et 5 320,90 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Aux motifs propres qu'il ressort des pièces produites aux débats (contrat de travail, avenants, accord collectif du 13 janvier 1993) que les conseillers commerciaux du GIE AGPM Gestion disposent d'une rémunération comportant :

- une partie fixe,

- une partie variable dite "individuelle" définie au contrat de travail comme un intéressement, en fonction de la production du salarié concerné, à la souscription des différents produits et services proposés au nom des entités du groupe AGPM, constituée de forfaits déterminés par lignes de produits et susceptibles d'évolution à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale définie par la direction de l'entreprise dans un barème des rémunérations,

- une partie variable "collective" constituée par le versement de sommes dont le montant est calculé sur la production des différents salariés de la région ;

que par ailleurs, quels que soient les montants de la rémunération globale (fixe + variable) il est prévu par l'accord collectif du 13 janvier 1993 que la rémunération effective du conseiller commercial ne pourra jamais être inférieure à celle résultant de la rémunération minimale annuelle (ou RMA) ; que M. X... R... fait valoir que son employeur ne respecte pas le contrat de travail signé entre les parties, appliquant un décommissionnement non contractuellement prévu, et illicite comme représentant une sanction pécuniaire puisqu'il retire de son salaire, une partie de la commission perçue à l'occasion de la souscription d'une assurance lorsque celle-ci est résiliée par le client ; que le GIE AGPM Gestion réplique que les contrats de travail et les barèmes qui leurs sont annexés stipulent précisément ce mode de rémunération variable et cette règle des débits en cas de résiliation de contrat dans une durée déterminée, que cette partie de rémunération à l'intéressement est versée sous forme d'avance et n'est pas acquise au moment de la souscription des assurances, la rentabilité des contrats signés présentant un aléa en cas de résiliation rapide, aléa indépendant de la survenance de sinistres pesant quant à lui uniquement sur l'entreprise ; que cette règle des débits consiste à verser à la souscription du contrat d' assurance passé entre le client et le délégué commercial, la partie variable adéquate au délégué commercial à l'origine de cette souscription, avec application possible d'un débit de 90 % ou de 50 % si le contrat est résilié et selon la date de résiliation par l'adhérent ; qu'il n'est pas contesté que les contrats de travail comme les avenants liant les parties ne comportent pas cette clause telle qu'elle est précisément sus-définie, ceux-ci se contentant dans la définition de la partie variable individuelle de la rémunération de se référer à des valeurs forfaitaires visées dans des barèmes de rémunération joints en annexe et susceptibles d'être revus à la hausse, à la baisse ou maintenus en fonction de la politique commerciale de la direction, les actualisations du barème et des objectifs étant notifiés par tout moyen avant leur mise en place ; que, surtout, ces contrats et avenants, seuls documents signés par les parties, ne visent à aucun moment une règle de débits ou décommissionnements sur des commissions versées et des salaires obtenus, quelles qu'en soient les modalités, pas plus qu'ils ne visent de quelconques avances sur commissions ; que la rémunération contractuelle d'un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié ni dans son montant ni dans sa structure sans son accord, peu important que cette modification ne porte que sur la partie variable et que l'employeur prétende que le nouveau mode de rémunération est sans effet sur le montant global de la rémunération du salarié ; qu'il appartient au juge de déterminer s'il y a eu modification de la rémunération indiquée dans le contrat de travail, cette modification s'entendant du montant mais aussi de la structure ou du mode de calcul de la rémunération prévue contractuellement ; qu'il lui appartient également de déterminer si cette modification, sauf à ce qu'elle porte sur la fixation unilatérale des objectifs, est intervenue avec l'accord express du salarié ; qu'en l'espèce, il n'est pas établi au regard des contrats de travail produits que ceux-ci comportaient des annexes ou barèmes signés par les parties et visant précisément cette règle des débits, et qu'il y a bien eu accord express et en toute connaissance de cause du salarié à une clause du contrat portant sur un décommissionnement en cas de résiliation dans un délai donné de l'assurance souscrite par l'adhérent ; que, par ailleurs, le fait de recevoir et accepter mensuellement des relevés mentionnant les débits relevés par l'employeur, des bulletins de paie sans protestations et réserves ainsi que de nouveaux barèmes en cas d'évolution, ne constitue pas une acceptation expresse de la modification du contrat de travail ; qu'à défaut d'acceptation expresse du salarié il convient de dire que cette règle des débits est inopposable à M. X... R... et ne saurait trouver application ; que, qui plus est, toute clause de variation de salaire est licite si :

- la variation de la rémunération du salarié est fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l'employeur,

- le salarié ne doit pas supporter le risque de l'entreprise,

- l'application de cette clause ne doit pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minimas légaux ou conventionnels,

- elle ne permet pas indirectement à l'employeur d'infliger une sanction pécuniaire prohibée au salarié ;

qu'en l'espèce, le fait de réduire de moitié voire de 90 % le forfait obtenu par le salarié lors de la souscription du contrat d'assurance et de le débiter d'autant à l'occasion de la rupture de ce dernier par l'adhérent dans un délai plus ou moins court (soit moins de deux ans ou moins d'un an), revient bien à faire supporter au délégué commercial le risque de l'entreprise et la diminution de la rentabilité du contrat signé, et ce indépendamment de toute sinistralité intervenue à l'occasion dudit contrat d'assurance, et peut donc s'analyser comme une sanction pécuniaire infligée au salarié, cette règle des débits ayant pour effet de priver les salariés d'une partie des commissions qui leur étaient dues sur des contrats effectivement réalisés ; qu'au vu de ces éléments, il convient de confirmer le jugement et rejeter les demandes reconventionnelles de l'appelant, actualisant les sommes allouées au salarié à 53 209,05 + 5 320,90 euros au titre de la régularisation des commissions et des congés payés afférents, sommes arrêtées au jour du jugement (arrêt attaqué, p. 4, § 4 à p. 5, § 8 et p. 6, § 1) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que les conditions d'exercice de la profession de M. R... sont fixées par son contrat de travail ; qu'à l'examen de ce document et des différents avenants à aucun moment la reprise des commissions n'est contractualisée par l'employeur ; que l'employeur invoque que la reprise de commission est valide puisque la commission n'est définitivement acquise que par la réalisation effective de la transaction ; que l'employeur prétend que cette pratique provient d'une "note de service" qui aurait été adressée aux commerciaux ; qu'une "note de service" ne saurait prévaloir sur le contrat de travail, surtout en matière de rémunération ; que cette "note de service" n'a jamais été signée et donc jamais acceptée par le salarié ; que cette "note de service" est en outre contraire au principe de prohibition des sanctions pécuniaires telles que les retenues ou reprises de commissions ; que les dispositions qui sont contraires à la prohibition des discriminations sont nulles et les actes qui reposent sur une discrimination prohibée sont nuls ; que d'ailleurs, l'AGPM a reconnu son erreur puisqu'elle a rédigé, depuis, certains avenants au contrat de travail qui spécifient que « Le présent avenant annule et remplace les clauses de votre contrat de travail et de ses avenants relatifs à la rémunération, notamment celles concernant le "pot collectif" et la "règle des débits" en y substituant les articles 1 4 2 du présent avenant. Les autres clauses de votre contrat de travail demeurent inchangées » ; que par ces avenants, l'AGPM reconnaît implicitement que la reprise des commissions ("règle des débits") pratiquée était illégale ; que M. X... R... soutient qu'il subit actuellement des retenues sur salaires lorsque les transactions effectivement réalisées ne se poursuivent pas pour une durée supérieure à deux ans ; qu'en effet, lorsqu'un client informe l'AGPM par courrier de sa volonté de ne pas renouveler son contrat, dans le délai légal d'un mois avant la première date d'anniversaire dudit contrat, l'AGPM retire entre 90 % et 100 % de la prime qui lui avait été initialement versée ; que l'AGPM opère une distinction entre les contrats résiliés avant ou après la première date anniversaire du contrat, appliquant un taux de décommissionnement plus élevé lorsque la résiliation s'opère moins de 12 mois après la conclusion du contrat ; que c'est ainsi que l'AGPM prend acte de la résiliation du contrat à la date de réception du courrier du client, alors même que celui-ci s'est exécuté jusqu'à la date anniversaire ; que ce système permet à l'AGPM de décommissionner les commerciaux au plus fort taux, en se bornant à retenir que la résiliation est intervenue moins de 12 mois après la conclusion du contrat ; que résilier un mois avant la première date anniversaire est une obligation légale pour les clients, car à défaut, leur contrat se poursuit l'année suivante ; qu'il en est de même lorsque contrat n'est pas renouvelé pour une troisième année, une reprise sur rémunération est effectuée à la date de réception du courrier de nonrenouvellement, soit au maximum un mois avant la fin de la deuxième année du contrat ; qu'ainsi, en 2013, M. X... R... a subi cette pratique et les montants des ces dé-commissionnements s'élèvent à :

- 5 972,64 € en 2008

- 7 821,09 € en 2009

- 9 334,84 € en 2010

- 11 934 € en 2011

- 7 831,78 € en 2012

- 3 883,45 € en 2013

- 4 054,93 € jusqu'au 31 décembre 2014

que cette pratique (très clairement appelée "reprise de rémunération" par l'ancien directeur de l'AGPM) apparaît sur les relevés mensuels de commission, et est déduite directement des dernières commissions du délégué commercial ; que sur les bulletins de salaire n'est mentionné que le total des commissions allouées aux salariés, après déductions des "décommissionnements" ; que de plus, le fait, pour M. X... R..., d'accepter les salaires versés et de poursuivre le contrat, n'équivaut pas à une acceptation ; qu'en conséquence, le Conseil constate que le GIE AGPM Gestion a procédé à des décommissionnements prohibés puisque constituant des sanctions pécuniaires et que M. R... est fondé à obtenir le paiement des commissions qui lui ont été retirées à tort et condamne l'AGPM à lui verser à ce titre la somme de 50 832,73 € brut jusqu'au 31 octobre 2014 (jugement entrepris, p. 4, § 11 à p.5, § 14) ;

1) Alors que le juge ne peut modifier la convention des parties ; que la « règle des débits », en vertu de laquelle la valeur forfaitaire associée à chaque type de contrat souscrit par un assuré était versée à titre d'avance au salarié au moment de la souscription, mais pouvait ensuite être reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois, faisait partie intégrante des barèmes de rémunération variable produits aux débats par l'employeur et visés par les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, en particulier par le contrat de travail de M. R... ; qu'en retenant que la part individuelle de la rémunération variable du salarié était constituée des valeurs forfaitaires fixées par ces barèmes, mais en jugeant néanmoins inapplicable la « règle des débits » par laquelle les mêmes barèmes pondéraient lesdites valeurs, la cour d'appel a modifié la convention des parties, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2) Alors que le contrat de travail peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les contrats de travail des délégués commerciaux d'AGPM, et notamment celui de M. R..., définissaient la part individuelle de la rémunération variable en se référant aux valeurs forfaitaires fixées dans les barèmes de rémunération joints en annexe ; qu'en refusant d'appliquer la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération annexés au contrat, par la considération que le salarié n'avait pas donné son acceptation expresse à cette règle en apposant sa signature sur les barèmes, la cour d'appel, qui a soumis la clause de rémunération variable à un formalisme spécifique, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ;

3) Alors que toute clause de rémunération variable tend, par nature, à établir une corrélation entre la rémunération versée au salarié et le volume d'activité de l'entreprise ; qu'elle ne devient illicite, comme faisant supporter au salarié le risque d'entreprise, que dans les cas où elle revient à mettre à la charge du salarié les éventuelles pertes d'exploitation ; que la « règle des débits »

inscrite dans les barèmes de rémunération variable se bornait à prévoir que l'avance versée au délégué commercial à chaque souscription de contrat serait reprise à hauteur de 90 % ou de 50 % en cas de résiliation intervenant au cours des deux premières années, et laissait en tout état de cause au salarié le bénéfice de 10 % ou de 50 % de l'avance perçue ab initio ; qu'une telle clause ne revenait aucunement à mettre à la charge du délégué commercial des pertes d'exploitation subies par l'employeur ; qu'en jugeant cependant que la clause était illicite en ce qu'elle faisait supporter au salarié le risque d'entreprise, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

4) Alors qu'en matière d'assurance, le risque d'entreprise tient essentiellement au taux de sinistralité ; qu'en retenant que la reprise de 90 % ou de 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré, en cas de résiliation intervenant avant le terme du 11e ou du 23e mois, revenait à faire supporter au salarié le risque d'entreprise, et rendait à ce titre illicite la « règle des débits » inscrite dans les barèmes de rémunération variable, quand l'événement provoquant la reprise était indépendant de toute considération liée à la sinistralité supportée par l'assureur, la cour d'appel a violé, de plus fort, les articles 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, et L. 1221-1 du code du travail ;

5) Alors que seules constituent des sanctions les mesures prises par l'employeur à la suite d'agissements du salarié qu'il considère comme fautifs ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la reprise de 90 % ou 50 % de l'avance versée au délégué commercial au moment de la souscription du contrat par l'assuré n'était pas provoquée par un agissement du salarié regardé comme fautif, mais par un événement objectif constitué de la résiliation du contrat avant le terme du 11e ou du 23e mois suivant sa souscription ; qu'en assimilant cependant ce mécanisme à une sanction pécuniaire infligée au salarié, pour en déduire l'illicéité de la « règle des débits », la cour d'appel a violé les articles L. 1331-1 et L. 1331-2 du code du travail.

DEUXIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'AGPM à payer à M. R... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Aux motifs propres que, concernant les dommages et intérêts demandés par le salarié, il y a lieu de dire que le premier juge a justement évalué le préjudice subi et de confirmer la somme allouée en réparation du comportement déloyal et abusif de l'employeur (arrêt attaqué, p. 6, § 2) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que le conseil a condamné l'AGPM et M. R... a été contraint de déclarer fiscalement et donc d'être imposé depuis l'année 2002 sur des sommes qui lui ont été illégalement retirées par la suite ; qu'en outre, la prescription quinquennale fait qu'il ne peut plus contester les retraits antérieurs à décembre 2007, ce qui lui occasionne un lourd préjudice ; qu'en conséquence, le conseil de prud'hommes condamne l'AGPM à payer à M. R... la somme de 25 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des manquements de l'employeur (jugement entrepris, p. 7, § 9 à 11) ;

1) Alors que la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire ; que la cassation à intervenir sur le fondement du premier moyen, en ce que les reprises opérées en application de la « règle des débits » ont été jugées irrégulières, s'étendra, conformément à l'article 624 du code de procédure civile, au chef de l'arrêt par lequel la cour d'appel a inféré de cette appréciation que l'employeur avait eu un comportement déloyal et abusif justifiant l'allocation de dommages-intérêts au salarié ;

2) Alors que, subsidiairement, dans le cas même où l'inexécution du contrat résulte d'une faute lourde ou dolosive, les dommages-intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution ; que la prescription quinquennale ayant empêché le salarié d'étendre sa demande de régularisation aux commissions versées avant l'année 2008 était un effet de la loi, non du manquement reproché à l'employeur ; qu'en mettant cependant à la charge de l'employeur la réparation des conséquences de cette prescription, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1151 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

3) Alors que, encore subsidiairement, les dommages-intérêts alloués à la victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu'en relevant, pour accorder au salarié la somme de 2 800 euros en réparation des conséquences de la « règle des débits », que ce salarié avait été imposé sur des sommes lui ayant été illégalement retirées par la suite, sans tenir compte du fait que la reprise de ces avances avait diminué d'autant son revenu imposable des années suivantes, la cour d'appel a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit, en violation des articles 1147 et 1149 du code civil, dans leur rédaction applicable à la cause, c'est-à-dire antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.

TROISIÈ

ME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné l'AGPM à payer à M. R... les sommes de 17 586,18 euros brut au titre de « l'application de la revalorisation de la NAO sur la rémunération variable » et 1 758,62 euros brut au titre des congés payés y afférents ;

Aux motifs propres qu'il est prévu par l'article L. 2242-8 du code du travail que chaque année l'employeur doit engager une négociation annuelle obligatoire (ou NAO) portant entre autres sur les salaires effectifs ; que M. X... R... fait valoir l'absence de NAO portant sur la partie variable des salaires, seule sa rémunération fixe ayant fait l'objet d'augmentations négociées et demande la revalorisation à compter de 2008 de la partie variable de son salaire ; que l'AGPM réplique qu'elle a engagé chaque année des NAO, dans lesquelles elle précisait vouloir maintenir telle quelle la partie variable des salaires, et précise que les employés concernés ont bien bénéficié d'augmentations sur la partie fixe de leurs rémunérations ; que les seuls PV de NAO produits aux débats visent les années 2000 à 2002 et 2011 à 2013 et ne permettent pas de justifier de négociations annuelles portant sur les salaires effectifs et notamment sur leur partie variable ; que par ailleurs, l'AGPM ne conteste pas le défaut d'augmentation de cette partie variable ; qu'or, la revalorisation de la rémunération négociée annuellement doit aussi concerner la rémunération variable ; qu'il convient donc de déclarer fondée la demande de revalorisation du salarié et de confirmer le jugement entrepris de ce chef (arrêt attaqué, p. 6, § 3 à 7) ;

Et aux motifs réputés adoptés des premiers juges que selon l'article L. 2242-8 du code du travail : « Chaque année l'employeur engage une négociation annuelle obligatoire sur : 1° Les salaires effectifs ; 2° La durée effective et l'organisation du temps de travail, notamment la mise en place du travail à temps partiel ou l'augmentation de la durée du travail à la demande des salariés. Cette négociation peut également porter sur la formation ou la réduction du temps de travail » ; que selon la Cour de cassation du 20 octobre 1998 : « le paiement de la partie variable de la rémunération résultait du contrat de travail ; qu'à défaut d'un accord entre l'employeur et le salarié sur le montant de cette rémunération, il incombait au juge de déterminer cette rémunération en fonction des critères visés au contrat et des accords conclus les années précédentes » ; [

] qu'en l'espèce, l'inspection du travail, dans son courrier en date du 23 novembre 2012, a critiqué l'absence de négociation annuelle en ce qui concerne la rémunération variable ; que les syndicats ont également déploré cette pratique illégale qui consiste à ne pas intégrer la rémunération variable des salariés dans le cadre des négociations annuelles, surtout que cela concerne la partie la plus importante de la rémunération des commerciaux de l'AGPM ; que seule la rémunération fixe de M. X... R... a bénéficié de l'augmentation de salaire annuellement négociée avec les syndicats ; qu'or, la revalorisation de la rémunération négociée annuellement doit aussi concerner la rémunération variable ; qu'ainsi, M. R... est fondé à demander le bénéfice de cette revalorisation de salaire en ce qui concerne sa rémunération variable soit la somme de 17 586,18 euros ainsi que 1 758,62 euros de congés payés y afférents, selon détail de calculs sur ces 5 dernières années ; qu'en conséquence, le conseil condamne l'AGPM à verser à M. R... la somme de 17 586,18 euros brut de revalorisation de salaire en ce qui concerne sa rémunération variable ainsi que 1 758,62 euros brut de congés payés y afférents sur ces 5 dernières années (jugement entrepris, p. 6, pénult. § à p. 7, § 5) ;

1) Alors que les termes du litige sont fixés par les prétentions respectives des parties ; que dans ses conclusions d'appel soutenues à l'audience (p. 12, § 1), l'AGPM faisait valoir que la commission moyenne versée à M. R... par contrat souscrit était passée de 37,76 euros en 2008 à 52,60 euros en 2013 ; qu'en affirmant que l'AGPM ne contestait pas le défaut d'augmentation de la partie variable de la rémunération, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2) Alors qu'il est interdit au juge de dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; que les procès-verbaux de négociation annuelle du 29 novembre 2011, du 11 décembre 2012 et du 18 décembre 2013 produits aux débats par l'employeur faisaient état de discussions relatives à la revalorisation de la part variable du salaire des commerciaux, à la révision des barèmes de rémunération variable, à l'abandon de la « règle des débits », à la mise en place d'un nouveau système de rémunération variable des commerciaux, ainsi qu'à l'intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise ; qu'en affirmant que ces procès-verbaux ne permettaient pas de justifier de négociations annuelles portant sur les salaires effectifs et notamment sur leur partie variable, la cour d'appel les a dénaturés, en violation de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3) Alors que, subsidiairement, la négociation annuelle obligatoire ne contraint pas l'employeur à trouver chaque année un accord avec les syndicats sur des augmentations de salaire ; que si aucun accord n'a été conclu au terme de la négociation, l'article L. 2242-4 du code du travail prévoit l'établissement d'un procès-verbal de désaccord dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l'employeur entend appliquer unilatéralement ; qu'il s'en déduit qu'en l'absence de négociation annuelle sur un élément de rémunération, tel que la partie variable des salaires, il n'appartient pas au juge de se substituer à la négociation pour imposer à l'employeur des augmentations salariales qu'il n'a pas consenties ; qu'en inférant de l'absence prétendue de négociation annuelle sur la partie variable de la rémunération des délégués commerciaux qu'il y avait lieu d'accorder à M. R... la revalorisation rétroactive de son salaire variable, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et les articles L. 1221-1, L. 2242-1, L. 2242-4 et L. 2242-5 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-21720
Date de la décision : 06/03/2019
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 19 mai 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 mar. 2019, pourvoi n°17-21720


Composition du Tribunal
Président : Mme Goasguen (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:17.21720
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