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15/05/2019 | FRANCE | N°15-17435

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2019, 15-17435


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 5 mars 2015), rendu en matière de référé, que la société Librairies du savoir exploitait un fonds de commerce dans un local qu'elle occupait en vertu d'une convention de sous-location conclue avec la SCI Espace culturel (la SCI), celle-ci étant elle-même liée par un crédit-bail immobilier à la société Lease Natixis ; qu'après la liquidation judiciaire de la société Librairies du savoir ouverte le 16 décembre 2013, le juge-commissaire a, par une ordonnance du

10 février 2014, ordonné la cession du fonds de commerce à M. W... et a ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 5 mars 2015), rendu en matière de référé, que la société Librairies du savoir exploitait un fonds de commerce dans un local qu'elle occupait en vertu d'une convention de sous-location conclue avec la SCI Espace culturel (la SCI), celle-ci étant elle-même liée par un crédit-bail immobilier à la société Lease Natixis ; qu'après la liquidation judiciaire de la société Librairies du savoir ouverte le 16 décembre 2013, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 10 février 2014, ordonné la cession du fonds de commerce à M. W... et a autorisé ce dernier à se substituer toute personne physique ou morale dont il resterait solidaire des engagements dans les termes de son offre ; que M. W..., qui a pris possession du local le 11 février 2014, n'a pas signé les actes de cession ; qu'aux fins de reprise du fonds, il a créé et fait immatriculer le 10 avril 2014 la Société Nouvelle les trois épis Brive, dont il est devenu le gérant ; que, n'étant pas réglée des loyers pour la période du 11 février au 30 avril 2014, la SCI, après avoir adressé à M. W... un commandement de payer visant la clause résolutoire, l'a assigné en référé aux fins de constatation de l'acquisition de la clause, d'expulsion et du paiement du loyer échu, outre une indemnité d'occupation ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. W... fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement du loyer pour la période du 11 février au 1er mai 2014 et d'une indemnité d'occupation à compter de cette date jusqu'à la libération effective des lieux alors, selon le moyen :

1°/ que la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'autorise ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce cédé et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisée par ordonnance du juge-commissaire n'ait pas été régularisé, la cour d'appel a violé les articles 1134 du code civil et L. 642-19 du code de commerce ;

2°/ que la question de la réalisation d'une vente d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, en l'absence d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui l'autorise, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisé par ordonnance du juge commissaire n'ait pas été régularisé, la cour d'appel, statuant en référé, a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée ; qu'il en résulte que la prise de possession effective du fonds de commerce dont le juge-commissaire a ordonné la cession oblige son bénéficiaire à exécuter les obligations nées des contrats dont il n'est pas contesté qu'ils ont été transférés comme accessoires du fonds ; qu'ayant constaté que M. W... avait pris possession du fonds le lendemain de l'ordonnance du juge-commissaire, l'arrêt retient exactement, sans trancher une contestation sérieuse, qu'il était devenu débiteur des obligations mises à sa charge au titre de la convention de sous-location ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. W... fait le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que si l'offre de cession assortie d'une faculté de substitution ne décharge pas son auteur de l'obligation d'exécuter le plan, cette garantie ne s'étend pas à l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan ; qu'en mettant néanmoins à la charge de M. W..., en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, les loyers dus en vertu du contrat de bail après la substitution de la Société Nouvelle les trois épis Brive, la cour d'appel a violé l'article L. 642-9 du code de commerce ;

2° / que la question de la garantie, par l'auteur d'une offre de reprise assortie d'une faculté de substitution, de l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant néanmoins que M. W... était, en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, tenu de payer les loyers dus en exécution du contrat de bail après la substitution de la Société Nouvelle les trois épis Brive, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la personne physique qui, désignée par une ordonnance du juge-commissaire pour acquérir un fonds de commerce avec faculté de substitution par une société qu'elle se propose de créer et de diriger, prend elle-même immédiatement possession du fonds sans passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ni les faire passer par la société, ne peut prétendre, en se fondant sur son abstention, échapper personnellement aux obligations nées de son entrée en jouissance ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le troisième moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. W... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société SCI Espace culturel Brive, ainsi que la même somme à la société BTSG (N... Q... H... M...), en qualité de liquidateur de la société Librairies du savoir ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. W...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. W... à payer à la SCI Espace culturel les sommes provisionnelles de 26.428,57 euros au titre du loyer du 11 février 2014 jusqu'au 1er mai 2014 et de 10.000 euros par mois d'indemnité d'occupation à compter de cette date et jusqu'à la libération effective des lieux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE M. W... soutient qu'il n'aurait pas la qualité de locataire au motif que l'acte de cession prévu par l'ordonnance du juge commissaire et à la signature duquel les loyers devaient être payés n'a pas été régularisé en dépit d'une mise en demeure du 21 juillet 2014 ; que les liquidateurs de la société Librairie du Savoir répliquent que cette mise en demeure, postérieure à la décision entreprise, est de pure circonstance et que, si les actes de cession qui étaient prêts dès le mois d'avril 2014 n'ont pas été régularisés, c'est par le fait de l'appelant qui ne lui a jamais transmis les documents nécessaires ; que quoi qu'il en soit, l'argumentation de M. W... est, là encore, inopérante dès lors qu'il est constant qu'il a pris possession du local sous-loué par la SCI Espace culturel, elle-même liée par un contrat de crédit-bail, dès le 11 février 2014, à la date fixée par l'ordonnance du juge commissaire et ce afin d'y exploiter le fonds dont cette ordonnance autorisait la vente à son profit ; que si M. W... est entré en jouissance dès le 11 février 2014, c'est bien qu'il considérait que la vente était parfaite et qu'il était propriétaire du fonds en vertu de l'ordonnance de cession ; que son argumentation n'est d'ailleurs pas sans contradiction puisqu'en même temps qu'il prétend que la régularisation d'un acte de cession était une condition de la cession du fonds, il paraît considérer que ce fonds se trouve aujourd'hui dans l'actif de la société qu'il se serait substituée ; que dans les rapports avec le bailleur, l'entrée en jouissance de M. W... s'est réalisée sur la base du titre que constituait le contrat de sous-location du 31 juin 2006 dont ce dernier avait parfaitement connaissance puisque les droits résultant de ce bail faisaient partie des éléments du fonds cédé ; que M. W... avait à la date du commandement la qualité de locataire à titre personnel puisque la société substituée n'avait pas alors d'existence juridique, et sur la base contractuelle du titre en vertu duquel la société Librairie du Savoir aux droits de laquelle il se trouvait par suite de l'ordonnance de cession avait elle-même exploité le fonds cédé ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE suivant ordonnance du juge commissaire en date du 10 février 2014, M. W... a acquis le fonds de commerce de librairie papeterie de la société la Librairie du Savoir pour un euro ; que la vente est parfaite au regard de la rencontre de volontés entre cédant et cessionnaire, à la date de l'ordonnance du juge commissaire, même si l'acte authentique n'a pas encore été établi ;

1° ALORS QUE la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge commissaire qui l'autorise ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce cédé et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisée par ordonnance du juge-commissaire n'ait pas été régularisé, la Cour d'appel a violé les articles 1134 du Code civil et L. 642-19 du Code de commerce ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la question de la réalisation d'une vente d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, en l'absence d'actes postérieurs à la décision du juge commissaire qui l'autorise, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant que M. W... avait la qualité de propriétaire du fonds de commerce et de locataire du local loué bien que l'acte de cession autorisé par ordonnance du juge commissaire n'ait pas été régularisé, la Cour d'appel, statuant en référé, a violé l'article 809 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. W... à payer à la SCI Espace culturel les sommes provisionnelles de 26.428,57 euros au titre du loyer du 11 février 2014 jusqu'au 1er mai 2014 et de 10.000 euros par mois d'indemnité d'occupation à compter de cette date et jusqu'à la libération effective des lieux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE pour la période postérieure à la date du 10 avril 2014 à compter de laquelle le fonds a été exploité au nom de la SAS Société nouvelle les 3 Épis Brive, la substitution alléguée par l'appelant est inopposable à la société bailleresse qui n'est pas partie aux accords de cession du fonds et pour qui la société substituée est un tiers mis dans les lieux par le preneur sans son accord ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. W... ayant repris le bail et étant entré en possession des lieux dès le 11 février 2014 ainsi qu'il le reconnaît, il doit payer le loyer au bailleur, qui demeure étranger aux rapports entre cédant et cessionnaire, ainsi qu'à leur discussion concernant l'identité du débiteur des sommes in fine ; que dans ces conditions, l'obligation à paiement des loyers n'étant pas sérieusement contestable, M. W... sera condamné à payer par provision la somme visée au commandement au titre du solde de la première trimestrialité ;

1° ALORS QUE si l'offre de cession assortie d'une faculté de substitution ne décharge pas son auteur de l'obligation d'exécuter le plan, cette garantie ne s'étend pas à l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan ; qu'en mettant néanmoins à la charge de M. W..., en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, les loyers dus en vertu du contrat de bail après la substitution de la SAS Nouvelle les 3 Épis Brive, la Cour d'appel a violé l'article L. 642-9 du Code de commerce ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, la question de la garantie, par l'auteur d'une offre de reprise assortie d'une faculté de substitution, de l'exécution des engagements résultant des contrats cédés par le plan, soulève une contestation sérieuse ; qu'en affirmant néanmoins que M. W... était, en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, tenu de payer les loyers dus en exécution du contrat de bail après la substitution de la SAS Nouvelle les 3 Épis Brive, la Cour d'appel a violé l'article 809 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. W... à payer à la SCI Espace culturel les sommes provisionnelles de 26.428,57 euros au titre du loyer du 11 février 2014 jusqu'au 1er mai 2014 et de 10.000 euros par mois d'indemnité d'occupation à compter de cette date et jusqu'à la libération effective des lieux ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les liquidateurs de la société relèvent à juste titre qu'il importe peu que l'échéance du loyer trimestriel qui devait être payée d'avance ait eu lieu avant la date à laquelle l'ordonnance du juge commissaire avait fixé l'entrée en jouissance du cessionnaire ; qu'en présence d'un contrat à exécution successive, la cause de l'obligation au paiement des loyers réside dans la jouissance de la chose louée, de telle sorte qu'après la cession, ce paiement incombe au cessionnaire qui est entré dans les lieux ; que les liquidateurs de la société Librairie du Savoir qui s'était acquittés à l'échéance de la part du loyer trimestriel pour la période allant jusqu'au 11 février 2014, date de l'entrée en jouissance de M. W..., n'étaient plus débiteurs d'aucune somme à l'égard du bailleur et c'est à bon droit que celui-ci a réclamé à l'appelant qui avait désormais la qualité de preneur le solde de loyer calculé au prorata de son occupation ;

ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE M. W... ayant repris le bail et étant entrée en possession des lieux dès le 11 février 2014 ainsi qu'il le reconnaît, il doit payer le loyer au bailleur ; qu'il sera condamné à payer par provision la somme visée au commandement au titre du solde de la première trimestrialité ;

ALORS QUE le cessionnaire d'un contrat à exécution successive n'est pas tenu des dettes nées antérieurement à la cession ; qu'en mettant à la charge de M. W... une partie du loyer dû au titre du premier trimestre 2014 bien qu'il fût exigible antérieurement à l'ordonnance du juge commissaire autorisant la cession à son profit, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article L. 642-7 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 15-17435
Date de la décision : 15/05/2019
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 26 juillet 2005) - Liquidation judiciaire - Réalisation de l'actif - Eléments incorporels - Cession de gré à gré - Autorisation du juge-commissaire - Ordonnance passée en force de chose jugée - Applications diverses - Obligations nées de contrats transférés comme accessoires du fonds de commerce

Si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée. Il en résulte que la prise de possession effective du fonds de commerce dont le juge-commissaire a ordonné la cession oblige son bénéficiaire à exécuter les obligations nées des contrats dont il n'est pas contesté qu'ils ont été transférés comme accessoires du fonds


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, 05 mars 2015


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2019, pourvoi n°15-17435, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Rémery (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2019:15.17435
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