LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. V... a été engagé le 13 février 2013 en qualité d'ambulancier, par la société Ambulance Activia ; que le 25 octobre 2013, il a donné sa démission ; que le 5 décembre 2014, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve produits tant par le salarié que par l'employeur, la cour d'appel a écarté l'existence d'heures supplémentaires impayées ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande de rappel de salaires contractuels et des congés afférents, l'arrêt retient que le contrat de travail du 13 février 2013 mentionne une rémunération de 1 800 euros net pour trente-cinq heures hebdomadaires, que l'ensemble des bulletins de salaire pour les huit mois travaillés par le salarié, permettent à la cour de constater que le salaire contractuel de 1 800 euros nets par mois a toujours été respecté et qu'au surplus, le salaire minimum conventionnel a lui-même été également respecté ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat stipulait une rémunération mensuelle nette de 1 800 euros pour une durée hebdomadaire du travail de trente-cinq heures, et que les bulletins de salaire mentionnaient un salaire mensuel brut de 1 746,94 euros pour un temps plein, la cour d'appel, qui a dénaturé les mentions claires et précises des bulletins de salaire, a violé le texte susvisé ;
Sur le troisième moyen :
Vu l'article 1315, devenu 1353 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, l'arrêt retient qu'il n'a pas été fait droit à la demande en paiement des heures supplémentaires et que les SMS versés aux débats n'établissent nullement le non-respect de la durée maximale de travail alléguée, étant précisé que leur envoi, certes parfois à des heures tardives, ne visait qu'à prévenir le salarié de l'organisation du travail pour la journée du lendemain ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne incombe à l'employeur, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le quatrième moyen :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou, dans le cas contraire, d'une démission ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande visant à ce que sa démission soit jugée équivoque et qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de sa demande tendant à obtenir diverses sommes à ce titre, l'arrêt retient qu'aucun vice du consentement n'est allégué par le salarié et que sa lettre de démission, non motivée, ne fait état d'aucun grief à l'encontre de l'employeur, que sa demande contestant le caractère clair et non équivoque de sa décision de mettre fin au contrat de travail est intervenue près de quatorze mois plus tard, de sorte que la cour considère que cette objection tardive n'est pas de nature à remettre en cause la démission donnée sans réserve ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la lettre adressée le 2 octobre 2013 à l'inspecteur du travail et si la mise en demeure adressée à l'employeur le 7 octobre 2013 ne caractérisaient pas l'existence de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission de nature à la rendre équivoque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes de rappel de salaires contractuels et des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, ainsi que de sa demande visant à ce que sa démission soit jugée équivoque, qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de sa demande tendant à obtenir diverses sommes à ce titre, l'arrêt rendu le 31 janvier 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Ambulance Activia aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. V... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille dix-neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour M. V...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande de rappel de salaires contractuels non payés, de congés y afférents et d'indemnité au titre des frais irrépétibles ;
Aux motifs que la société Ambulance Activia conteste devoir un rappel de salaire, affirmant avoir respecté la rémunération contractuelle tandis que M. A... V... prétend avoir été rémunéré en deçà ; que le contrat de travail du 13 février 2013, versé aux débats, mentionne une rémunération de 1.800 euros net pour 35 heures hebdomadaires et l'ensemble des bulletins de salaire versés aux débats pour les huit mois travaillés par M. A... V..., également produits, permettent à la cour de constater que le salaire contractuel de 1.800 euros nets par mois a toujours été respecté et qu'au surplus, le salaire minimum conventionnel a lui-même été également respecté, de telle sorte que M. A... V... sera débouté de sa demande à ce titre, la décision déférée sera dès lors infirmée de ce chef ;
Alors 1°) que le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ; qu'en jugeant que la société Ambulance Activia avait toujours versé le salaire net contractuel de base garanti par le contrat de travail de M. V... à hauteur de 1.800 euros, au vu du montant du salaire mentionné sur ses bulletins de paie, quand ces derniers indiquaient un salaire brut et non pas net mensuel pour un temps plein de 1.746,94 euros, ce dont il résultait que son salaire contractuel ne lui avait jamais été intégralement versé, la cour d'appel a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 2°) que lorsque les dispositions d'une convention collective entrent en concours avec les stipulations d'un contrat de travail ayant le même objet ou la même cause, il convient d'appliquer au salarié la plus favorable des deux ; qu'en déboutant M. V... de ses demandes au motif qu'il percevait un salaire supérieur au minimum conventionnel quand cette circonstance ne pouvait justifier le non-paiement de l'intégralité de son salaire contractuel qui lui était supérieur, la cour d'appel qui a statué par un motif impropre à justifier sa décision, a violé les articles 1134, devenu 1103, du code civil, L. 1221-1 et L. 2254-1 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et en paiement d'une indemnité pour travail dissimulé ;
Aux motifs qu'au vu des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, M. A... V... verse aux débats ses agendas pour les mois d'avril, mai, juin, juillet, août, septembre et octobre 2013 (à l'exclusion des mois de février et mars 2013 toutefois compris dans la demande en paiement d'heures supplémentaires) ; que la cour considère, au vu des documents produits, que le salarié étaye sa demande pour les mois d'avril à octobre 2013, de sorte qu'il appartient à la société Ambulance Activia de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'à ce titre, la société Ambulance Activia verse aux débats les originaux des feuilles de route, remises et remplies par les salariés sur l'intégralité de la période de présence de M. A... V... au sein de la société, servant à déterminer tant le temps de travail des salariés que la facturation des prestations à effectuer aux clients et ce, conformément aux dispositions de l'accord-cadre ; que la cour relève un nombre certain d'incohérences lorsqu'elle compare les feuilles d'agenda remplies à titre privé par M. A... V... et les feuilles de route également remplies par celui-ci, incohérences existant au surplus dans les deux sens ; que par ailleurs, il est observé que M. A... V... n'a fait qu'additionner les temps passés, témoignant ainsi de la confusion qu'il fait entre l'amplitude de travail et le temps de travail effectif aux termes de ses réclamations ; qu'au vu de ces nombreuses incohérences et contradictions entre ce que M. A... V... a inscrit sur ses feuilles d'agenda destinées à la cour et celles remises à son employeur, la cour considère que les décomptes produits par le salarié pour les mois d'avril à octobre 2013 sont en conséquence insuffisants pour établir que toutes les heures supplémentaires effectuées n'auraient pas été payées en tant que telles, en l'absence de toute précision sur les circonstances dans lesquelles ces heures auraient été effectuées, ainsi que sur leur nombre, aucun élément suffisant versé aux débats ne permettant à la cour de considérer que des heures supplémentaires, non payées en tant que telles, auraient été effectuées ; que dès lors, M. A... V... sera débouté de sa demande à titre de rappel d'heures supplémentaires et congés payés afférents, la décision entreprise sera infirmée à ce titre ; qu'il sera également, par voie de conséquence, débouté de sa demande à titre d'indemnité pour travail dissimulé, la décision déférée sera en revanche confirmée à ce titre ;
Alors 1°) que la charge de la preuve des heures supplémentaires ne repose pas exclusivement sur le salarié ; qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ; qu'après avoir retenu que M. V... fournissait aux débats des éléments de nature à étayer sa demande en paiement d'heures supplémentaires, la cour d'appel, qui a jugé que les décomptes produits par le salarié, qui auraient comporté certaines incohérences, étaient insuffisants pour établir que le salarié n'aurait pas été rémunéré de l'ensemble de ses heures supplémentaires, en l'absence de précision sur les circonstances dans lesquelles elles auraient été effectuées et sur leur nombre, a fait peser sur le seul salarié la charge de la preuve des heures de travail effectif et a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Alors 2°) qu'en reprochant au salarié d'avoir confondu dans son décompte des heures supplémentaires, l'amplitude de travail et le temps de travail effectif, quand elle avait par ailleurs constaté que la société Ambulance Activia n'avait jamais permis à M. V... de bénéficier de ses temps de pause quotidiens obligatoires, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que le temps de présence du salarié était, dans son intégralité, du temps de travail effectif devant donner lieu à rémunération, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Alors 3°) que l'insuffisance de motivation équivaut à un défaut de motif ; qu'en retenant un certain nombre d'incohérences ressortant de la comparaison des relevés journaliers remplis à titre privé par M. V... et des feuilles de route également remplies par celui-ci et produites par l'employeur sans avoir explicité, au vu desdits documents, les incohérences qu'elle aurait constatées, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) qu'en affirmant qu'il existerait des contradictions entre les feuilles de routes produites par l'employeur et les relevés journaliers produits par le salarié, sans avoir recherché si, comme ce dernier le soutenait dans ses conclusions d'appel, la seule différence entre ces documents, qui mentionnaient les mêmes heures de tournées pour les mêmes clients concernés, n'aurait pas uniquement résulté du fait que contrairement aux relevés de l'employeur, ceux du salarié précisaient l'heure d'embauchage et l'heure de débauchage pour chaque journée travaillée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail et d'indemnité pour frais irrépétibles ;
Aux motifs que la cour n'ayant pas fait droit à la demande en paiement des heures supplémentaires formée par M. A... V..., elle le déboutera en conséquence de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne et hebdomadaire de travail, les SMS versés aux débats n'établissant en outre nullement le non-respect de la durée maximale de travail allégué étant précisé que leur envoi, certes parfois à des heures tardives, ne visait qu'à prévenir le salarié de l'organisation du travail pour la journée du lendemain, au vu de leur teneur ; que la décision entreprise sera infirmée à ce titre ;
Alors 1°) que la cassation qui ne manquera pas d'intervenir sur le deuxième moyen en ce qu'il critique le chef de disposition de l'arrêt qui a débouté M. V... de sa demande de rappel de salaire au titre de ses heures supplémentaires emportera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a débouté de sa demande indemnitaire au titre du délit de travail dissimulé ;
Alors 2°) que la preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l'Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l'employeur ; qu'en déboutant M. V... de sa demande au motif qu'il n'apportait pas la preuve certaine, par les messages électroniques téléphoniquement adressés qu'il versait aux débats, d'un dépassement de la durée maximale de travail quotidienne et hebdomadaire, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve pesant à cet égard sur le seul employeur, a violé l'article 1315 devenu 1153 du code civil.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. V... de sa demande visant à ce que sa démission soit jugée équivoque et qu'elle produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la société Ambulance Activia soit condamnée à lui verser, en conséquence, différentes sommes à titre d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et de frais irrépétibles ;
Aux motifs que la démission donnée en application des dispositions de l'article L. 1237-1 du code du travail est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; qu'en l'espèce, M. A... V... a, le 25 octobre 2013, adressé à son employeur une lettre intitulée "démission", aux termes de laquelle il a écrit : « Suite à notre conversation téléphonique de ce jour je vous confirme par la présente lettre ma démission en AR comme demandée par vos soins et par, fax. Cette démission prendra effet dès aujourd'hui comme convenu aucun préavis ne sera établi et ne sera en aucun cas rémunéré. Merci de me faire parvenir le paiement de mes droits, je reste à votre disposition pour tout complément d'information. » ; qu'aucun vice du consentement n'est allégué par le salarié et sa lettre de démission, non motivée, ne fait état d'aucun grief à l'encontre de l'employeur ; que la demande de requalification et contestation de M. A... V... du caractère clair et non équivoque de sa décision de mettre fin au contrat de travail est intervenue près de 14 mois plus tard, de sorte que la cour considère que cette objection tardive n'est pas de nature à remettre en cause la démission donnée sans réserve ; que la décision entreprise sera confirmée à ce titre, de même que du chef du débouté de M. A... V... de sa demande au titre des indemnités de rupture ;
Alors que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture ; qu'en ne recherchant pas si, comme M. V... le faisait valoir dans ses conclusions d'appel, par deux courriers, l'un du 2 octobre 2013 adressé à l'inspecteur du travail et l'autre du 7 octobre 2013 adressé à la société Ambulance Activia, il n'avait pas dénoncé, concomitamment à sa démission notifiée le 25 octobre 2013, des manquements de son employeur à ses obligations, concernant le paiement de son salaire et le respect des temps de pause obligatoires, de sorte que sa démission était nécessairement équivoque, la cour d'appel, qui s'est uniquement fondée sur le délai de quatorze mois au terme duquel le salarié avait saisi la juridiction prud'homale de sa contestation, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1231-1, L. 1237-1, L. 1237-2 et L. 1235-1 du code du travail.