LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :
Vu les articles L. 661-6, III, du code de commerce, 31 et 546 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers textes susvisés que si le débiteur a qualité à interjeter appel du jugement arrêtant le plan de cession, il doit en outre justifier d'un intérêt personnel à exercer cette voie de recours ; qu'il résulte du dernier texte que le pourvoi n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts statuant sur le plan de cession de l'entreprise ; qu'il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 7 juin 2018), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 juillet 2017, pourvoi n° 16-12.544) que, les 14 avril 2015 et 23 février 2016, la société Aux Délices de la tour (la société ADT), exploitant un fonds de commerce de boulangerie-pâtisserie, a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la société MJ Synergie étant désignée liquidateur ; que, par un jugement du 14 décembre 2015, le tribunal a arrêté le plan de cession de la société ADT au profit de la société Boulangerie pâtisserie Febre ; que la société ADT a relevé appel de ce jugement ;
Attendu que la société ADT fait grief à l'arrêt de déclarer son appel irrecevable alors, selon le moyen :
1°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel formé par la société ADT, qu'elle devait justifier d'un intérêt à agir, la cour d'appel a commis un excès de pouvoir négatif et a violé l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2°/ que le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise ; que ce droit existe indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués par le débiteur pour obtenir la réformation de ce jugement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel de la société ADT, qu'elle n'était pas fondée à faire état d'offres présentées par le repreneur évincé, et qu'elle ne démontrait pas l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le tribunal en arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs et violé par refus d'application l'article L. 661-6, III, du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
Mais attendu que si cette chambre a jugé, le 12 juillet 2017, que le débiteur était, en raison de sa seule qualité, recevable à former appel du jugement qui arrête le plan de cession de son entreprise, sans qu'il y ait lieu de vérifier, en outre, l'existence de son intérêt propre, cette jurisprudence, non suivie par l'arrêt attaqué, a en outre soulevé des controverses doctrinales, justifiant sa réévaluation ; qu'en effet, si l'article L. 661-6, III, du code de commerce accorde au débiteur le droit de former appel, en vue de sa réformation, du jugement qui arrête ou rejette le plan de cession de son entreprise, mettant ainsi fin à toute difficulté quant à la qualité du débiteur à agir, ce texte n'exclut pas pour autant que, conformément à la règle de droit commun énoncée par l'article 546, alinéa 1, du code de procédure civile, le débiteur doive justifier de son intérêt à interjeter appel ; qu'ayant retenu que la société ADT n'avait proposé aucun plan de redressement, ne s'était pas, non plus, opposée à la cession de l'entreprise et que les seuls intérêts soutenus à l'appui de l'appel étaient ceux de son dirigeant, en raison des cautionnements qu'il avait souscrits, et d'un candidat repreneur évincé, tous deux étant irrecevables à former un tel recours, la cour d'appel n'a pas, en déclarant l'appel de la société ADT irrecevable faute d'intérêt, commis d'excès de pouvoir, de sorte que le pourvoi n'est pas recevable ;
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi ;
Condamne la société Aux Délices de la tour aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille dix-neuf, signé par lui et Mme Labat, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Aux Délices de la tour
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit irrecevable l'appel interjeté par la société Aux Délices de la Tour,
AUX MOTIFS QUE les jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession sont susceptibles d'appel de la part du débiteur ; que si à ce titre, la société Aux Délices de la Tour pouvait interjeter appel de la décision arrêtant le plan de cession au bénéfice de la SAS Boulangerie pâtisserie Febre, il n'en reste pas moins qu'elle doit également justifier d'un intérêt à agir conformément aux dispositions de l'article 546 du code de procédure civile ; qu'en l'espèce il n'est pas contesté que la société Aux délices de la tour n'a pas en première instance proposé un plan de redressement et ne s'est pas opposée à la cession de son fonds ; que par ailleurs elle est fondée à interjeter appel pour la seule défense de ses intérêts et non pas pour la défense des intérêts personnels du dirigeant qui s'est porté caution pas davantage que pour sauvegarder les intérêts du repreneur évincé ; qu'elle est également inféodée à faire état d'une offre améliorée de M. V..., repreneur évincé qui serait de nature selon elle à éteindre le passif dans la mesure où le repreneur n'a pas qualité pour interjeté appel et par voie de conséquence ne peut devant la cour présenter une offre améliorée ; qu'en effet contrairement à ce que conclut M. V..., le repreneur n'est pas partie à la procédure et ses droits et obligations ne sont pas affectés par la décision arrêtant le plan de cession dans la mesure où sa proposition n'a pas été retenue ; que le seul fait de l'intimer ne peut lui créer des droits qu'il n'a pas ; que son appel est irrecevable ; que la société Aux Délices de la Tour ne démontre pas enfin l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le tribunal en arrêtant le plan de cession au bénéfice de la société Boulangerie pâtisserie Febre dans la mesure où M. V..., lors de l'audience, n'était pas en état de justifier de sa capacité à payer le prix offert, que ce soit par la production d'un chèque de banque ou par tout autre moyen ; qu'en conséquence, la société Aux Délices de la Tour est irrecevable en son appel ;
1) ALORS QUE le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel formé par la société Aux Délices de la Tour, qu'elle devait justifier d'un intérêt à agir, la cour d'appel a commis un excès pouvoirs négatif et a violé l'article L.661-6 III du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE le débiteur est recevable à interjeter appel du jugement qui arrête le plan de cession de l'entreprise ; que ce droit existe indépendamment du bien-fondé des moyens invoqués par le débiteur pour obtenir la réformation de ce jugement ; qu'en énonçant, pour dire irrecevable l'appel de la société Aux Délices de la Tour, qu'elle n'était pas fondée à faire état d'offres présentées par le repreneur évincé, et qu'elle ne démontrait pas l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le tribunal en arrêtant le plan de cession, la cour d'appel a derechef excédé ses pouvoirs et violé par refus d'application l'article L.661-6 III du code de commerce, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE, subsidiairement l'appel du débiteur remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; qu'en énonçant que la société Aux Délices de la Tour n'était pas fondée à faire état d'une offre améliorée présentée par le repreneur évincé, et qu'elle ne démontrait pas l'erreur d'appréciation commise par le tribunal en arrêtant le plan de cession au bénéfice de la société Boulangerie pâtisserie Febre, sans apprécier elle-même, à la date où elle statuait, le mérite des offres respectives des parties, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article 561 du code de procédure civile ;
4) ET ALORS ENFIN QUE l'appel du débiteur remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit ; que quand bien même le repreneur évincé n'a pas qualité pour interjeter appel, l'appel du débiteur, en ce qu'il remet en question le jugement entrepris, lui permet de soumettre à nouveau ou de modifier son offre initiale, sur laquelle la cour d'appel est en conséquence tenue de statuer, sauf à priver l'appel du débiteur de toute portée pratique ; qu'en énonçant que la société débitrice était inféodée à faire état d'une offre améliorée de M. V..., la cour d'appel a derechef méconnu l'étendue de sa saisine et violé l'article 561 du code de procédure civile.