LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Schenker France que sur le pourvoi incident relevé par la société CMA CGM ;
Donne acte à la société Schenker du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Laser ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 13 décembre 2016, pourvoi n° K14-28.332), que la société Laser a confié à la société Schenker France (la société Schenker), agissant en qualité de commissionnaire de transport, l'organisation du transport de colis contenant des articles décoratifs fabriqués par la société Honest Asia Ltd, qui en avait assuré l'empotage dans quatre conteneurs, à destination de la société Yves Rocher ; que, pour la partie maritime du déplacement, entre les ports de Yantian (Chine) et du Havre (France), la société Schenker a choisi comme transporteur maritime, suivant connaissement émis le 17 septembre 2008, la société CMA CGM qui a effectué le transport des conteneurs sur le navire [...] ; qu'après le déchargement des conteneurs par la Société générale de manutention portuaire (la société GMP) et à la suite d'une visite de l'administration des douanes, un nouveau scellé a été apposé par la société Schenker sur l'un des conteneurs livrés à la société BLD Tramar, logisticien de la société Yves Rocher, qui a émis des réserves pour cause de manquants, lesquelles ont été ensuite confirmées par une expertise amiable ; que la société Laser a assigné en indemnisation de ses préjudices la société Schenker qui a appelé en garantie la société CMA CGM ainsi que la société GMP ; que le tribunal, après avoir rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société CMA CGM, a retenu la responsabilité de la société Schenker, l'a condamnée à indemniser la société Laser, a déclaré irrecevable sa demande contre la société GMP, rejeté son appel en garantie dirigé contre la société CMA CGM et dit sans objet l'appel en garantie formé par cette dernière contre la société GMP ; que l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 7 octobre 2014 a confirmé le jugement en ce qu'il avait rejeté l'exception d'incompétence et dit sans objet l'appel en garantie formé par la société CMA CGM contre la société CMP, l'a infirmé pour le surplus et a dit que la société Laser était responsable des manquants, a rejeté toutes les demandes formées par cette dernière, déclaré sans objet la demande en garantie formée par la société Schenker contre la société CMA CGM et contre la société GMP ; que cet arrêt a été cassé en ce qu'il dit la société Laser responsable des manquants, en ce qu'il rejette ses demandes et déclare sans objet son appel en garantie ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche, qui est recevable :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que pour confirmer le jugement en ses dispositions qui ont dit la société Schenker irrecevable en son action à l'encontre de la société GMP et mal fondée en sa demande en garantie à l'encontre de la société CMA CGM, l'arrêt retient que la demande en garantie formée par la société Schenker contre la société CMA CGM et la société GMP est irrecevable pour cause d'autorité de la chose jugée, puisque n'ont pas été cassés les chefs de dispositif de l'arrêt du 7 octobre 2014 en ce qu'ils ont confirmé le jugement ayant dit sans objet la demande de garantie de la société Schenker contre la société CMA CGM et la société GMP ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la cassation du chef de dispositif ayant rejeté la demande principale formée par la société Laser contre la société Schenker s'étend de plein droit, par voie de conséquence, au chef de dispositif ayant déclaré irrecevable la demande de la société Schenker contre la société GMP et sans objet son appel en garantie contre la société CMA CGM, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et, sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 624 du code de procédure civile ;
Attendu que la cassation du chef de l'arrêt ayant dit la société Schenker mal fondée en sa demande en garantie à l'encontre de la société CMA CGM et l'en ayant déboutée entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de dispositif ayant dit sans objet la demande en garantie formée par la société CMA CGM à l'encontre de la société GMP, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare irrecevable la demande de la société Schenker contre la société GMP, rejette la demande de la société Schenker contre la société CMA CGM et déclare sans objet l'appel en garantie de la société CMA CGM contre la société GMP, l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 22 mars 2018 entre les parties ; remet en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société CMA CGM et la société GMP aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Schenker ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Schenker France, demanderesse au pourvoi principal.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir confirmé le jugement en ses dispositions qui ont dit la société Schenker irrecevable en son action à l'encontre de la société GMP et mal fondée en sa demande de garantie à l'encontre de la société CMA CGM et l'en ont déboutée ;
AUX MOTIFS QUE la société CMA CGM objecte à bon droit que la demande en garantie formée par elle contre la société GMP et celle formée par la société Schenker contre elle et la société GMP sont irrecevables pour cause d'autorité de la chose jugée, puisque l'arrêt de renvoi en suite duquel la présente instance est ouverte n'a pas cassé l'arrêt de la cour de céans autrement composée qui lui était déféré en ce que celui-ci a confirmé le jugement entrepris ayant dit sans objet la demande de garantie formée par la société CMA CGM contre la société GMP et ayant par ailleurs déclaré sans objet la demande de garantie de la société Schenker contre elle et la société GMP ;
1°) ALORS QUE par arrêt du 13 décembre 2016, la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 7 octobre 2014 « en ce qu'il déclare la société Laser responsable des manquants à la marchandise, en ce qu'il rejette ses demandes et déclare sans objet « son » appel en garantie », en réalité l'appel en garantie de la société Schenker contre les sociétés CMA CGM et GMP ; qu'en affirmant cependant que la Cour de cassation n'avait pas cassé les dispositions déclarant « sans objet la demande de garantie de la société Schenker contre la société [CMA CGM] et la société GMP » (arrêt p. 10 §2), la cour d'appel a dénaturé cet arrêt de la Cour de cassation, violant ainsi le principe qui interdit au juge de dénaturer les pièces de la procédure ;
2°) ALORS QUE, en toute hypothèse, l'appel en garantie du commissionnaire de transport, dont la responsabilité est recherchée, contre le transporteur maritime et le manutentionnaire est dans la dépendance nécessaire de l'action en responsabilité dirigée contre le commissionnaire de transport ; que la cassation des dispositions de l'arrêt écartant la responsabilité du commissionnaire de transport entraîne la cassation, par voie de conséquence, des dispositions disant sans objet l'appel en garantie du commissionnaire contre le transporteur et le manutentionnaire ; que par arrêt du 7 octobre 2014, la cour d'appel de Versailles a écarté la responsabilité de la société Schenker, commissionnaire de transport, qui était recherchée par la société Laser, et a déclaré sans objet l'appel en garantie de la société Schenker contre la société CMA CGM, transporteur, et la société GMP, manutentionnaire ; que par arrêt du 13 décembre 2016, la Cour de cassation a cassé partiellement cet arrêt notamment en ses dispositions écartant la responsabilité de la société Schenker, ce qui a entraîné la cassation par voie de conséquence des dispositions déclarant sans objet la demande en garantie de la société Schenker contre les sociétés CMA CGM et GMP ; qu'en jugeant néanmoins le contraire, la cour d'appel a violé les articles 624 et 625 du code de procédure civile :
3°) ALORS QUE, en tout état de cause, en disant, dans les motifs de sa décision (p. 10 § 2), que la demande en garantie formée par la société Schenker contre la société CMA CGM était irrecevable, tout en confirmant, dans le dispositif de sa décision (p. 18 § 9), le chef du dispositif du jugement (p. 17 in fine) disant cette demande mal fondée et l'en déboutant, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.
Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société CMACGM, demanderesse au pourvoi incident.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit sans objet la demande de garantie formée par la CMA CGM à l'encontre de la société Générale de manutention portuaire – GMP ;
AUX MOTIFS QUE la cour constate de prime abord que la société CMA CGM objecte à bon droit que la demande en garantie formée par elle contre la société GMP et celle formée par la société Schenker contre elle et la société GMP sont irrecevables pour cause d'autorité de la chose jugée, puisque l'arrêt de renvoi en suite duquel la présente instance est ouverte n'a pas cassé l'arrêt de la cour de céans autrement composée qui lui était déféré en ce que celui-ci a confirmé le jugement entrepris ayant dit sans objet la demande de garantie formée par la société CMA CGM contre la société GMP et ayant par ailleurs déclaré sans objet la demande de garantie de la société Schenker contre elle et la société GMP ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la faute personnelle commise par la société Schenker en n'ayant pas été en mesure de présenter à l'expert le scellé d'origine, lequel n'aurait pas non plus été examiné par le douanier lors de la visite du 13 octobre 2008 comme il a été rappelé ci-dessus, résulte en ce que cette dernière ne peut valablement justifier d'un ‘‘short shipment'', privant ainsi la société CMA CGM d'un moyen essentiel à sa défense fondé sur l'état intact du scellé d'origine lors de la visite de douane et conduisant à l'hypothèse d'un ‘‘short shipment'', qu'ainsi, la faute personne de la société Schenker, en qualité de commissionnaire de transport, lui interdit d'obtenir la garantie de la société CMA CGM, son substitué ; qu'en conséquence, le tribunal déboutera la société Schenker de ce chef de demande ; que, sur la demande de garantie de CMA CGM à l'encontre de GMP, la société CMA CGM ne sera pas condamnée à relever et garantir la société Schenker de la condamnation de cette dernière ; qu'en conséquence le tribunal dira sans objet la demande de garantie formée par la société CMA CGM à l'encontre de la société GMP ;
ALORS QUE la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec les chefs cassés ; que dès lors, la cassation des chefs de l'arrêt ayant dit la société Schenker mal fondée en sa demande de garantie à l'encontre de la société CMA CGM et l'en ayant déboutée entraînera par voie de conséquence la cassation du chef ayant dit sans objet la demande de garantie formée par la CMA CGM à l'encontre de la société GMP, en application de l'article 624 du code de procédure civile.