LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 mars 2020
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 330 F-D
Pourvoi n° E 18-14.796
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 11 MARS 2020
la Fédération des syndicats de fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics (FSFAO-SP), dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 18-14.796 contre l'arrêt rendu le 9 janvier 2018 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société La Province Sud, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Joly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération des syndicats de fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics, de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société La Province Sud, après débats en l'audience publique du 5 février 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Joly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 9 janvier 2018), que par lettre recommandée du 28 avril 2015, la Fédération des syndicats de fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics (le syndicat) a demandé au Président de la Province Sud de mettre en place les institutions représentatives du personnel au sein de la collectivité qu'il préside ; que suite à l'absence de mise en place de ces institutions, par requête du 22 mars 2016, le syndicat a saisi le tribunal de première instance pour qu'il soit enjoint à la Province de négocier un protocole d'accord préélectoral pour l'élection des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de déclarer les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de la demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à la Province Sud de procéder à l'organisation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise et de négocier un protocole d'accord préélectoral alors, selon le moyen :
1°/ que l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie énonce que ce code est applicable à l'ensemble des personnels employés par des personnes privées ou publiques en Nouvelle-Calédonie, à la seule exception de ceux, d'une part, relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public et de ceux, d'autre part, affectés sur des emplois supérieurs de secrétaire général, de chef de service ou de directeur au sein de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics, des provinces ou des communes ; qu'en faisant prévaloir, pour écarter la compétence judiciaire s'agissant de trancher un litige relatif à l'application de ce code, la règle suivant laquelle les agents travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quand cette règle énonce un principe qui ne trouve à s'appliquer qu'en l'absence de texte contraire, la cour a violé l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;
2°/ que l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie est en principe applicable à l'ensemble des personnels employés par des personnes privées ou publiques en Nouvelle-Calédonie ; qu'en écartant d'une façon générale la compétence judiciaire s'agissant de trancher un litige relatif à l'application de ce code, en faisant prévaloir la règle suivant laquelle les agents travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quand il résulte de ce même texte que seuls peuvent avoir cette qualité les personnels employés en Nouvelle-Calédonie relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public ou ceux affectés sur des emplois supérieurs de secrétaire général, de chef de service ou de directeur au sein de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics, des provinces ou des communes, la cour a violé l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie.
Mais attendu que la cour d'appel a exactement retenu qu'en l'absence de disposition législative le permettant, le pouvoir d'adresser des injonctions à l'administration afin qu'elle exerce ses prérogatives de puissance publique s'agissant de la mise en oeuvre du principe de participation, laquelle mise en oeuvre relève de son pouvoir d'organisation du service, est de la seule compétence de la juridiction administrative ; que le moyen, qui en sa seconde branche critique des motifs surabondants, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Fédération des syndicats de fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour la Fédération des syndicats de fonctionnaires, agents et ouvriers des services publics.
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré, en application de l'article 92 du code de procédure civile, les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour connaître de la demande tendant à ce qu'il soit fait injonction à la Province Sud de procéder à l'organisation des élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise et de négocier un protocole d'accord préélectoral ;
AUX MOTIFS QUE en l'absence de texte donnant compétence spéciale au juge judiciaire pour contraindre une administration récalcitrante, les juridictions administratives restent le juge naturel pour connaître des litiges intéressant une personne public ; le fait que le personnel contractuel des administrations ne soit pas soumis à un statut de droit public ne signifie pas automatiquement que leur contrat signé avec une personne publique soit toujours de nature civile et échappe de ce fait aux juridictions administratives ; le principe dégagé par le Tribunal des conflits veut au contraire que les agents contractuels employés par une personne public et affectés à un service public à caractère administratif quelle que soit la nature de leurs emplois et les conditions de leur engagement soient des agents de droit public qui relèvent sauf exception de la juridiction administrative ; les règles communes attachées aux élections professionnelles dans l'entreprise ne peuvent ainsi s'appliquer de facto à l'ensemble du personnel non contractuel d'une même autorité publique dont les statuts peuvent être très différents d'un service à l'autre même si en Nouvelle-Calédonie [la séparation entre les deux ordres de juridiction est moins étanche qu'en métropole] ; qu'il s'ensuit que seule la juridiction administrative a compétence pour juger si les règles de droit privé relatives aux relations collectives du travail sont adaptées au fonctionnement d'une personne publique et transposables en l'état au secteur public ;
1° - ALORS QUE l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie énonce que ce code est applicable à l'ensemble des personnels employés par des personnes privées ou publiques en Nouvelle-Calédonie, à la seule exception de ceux, d'une part, relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public et de ceux, d'autre part, affectés sur des emplois supérieurs de secrétaire général, de chef de service ou de directeur au sein de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics, des provinces ou des communes ; qu'en faisant prévaloir, pour écarter la compétence judiciaire s'agissant de trancher un litige relatif à l'application de ce code, la règle suivant laquelle les agents travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quand cette règle énonce un principe qui ne trouve à s'appliquer qu'en l'absence de texte contraire, la cour a violé l'article Lp.111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;
2° - et ALORS à tout le moins QUE l'article Lp. 111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie est en principe applicable à l'ensemble des personnels employés par des personnes privées ou publiques en Nouvelle-Calédonie ; qu'en écartant d'une façon générale la compétence judiciaire s'agissant de trancher un litige relatif à l'application de ce code, en faisant prévaloir la règle suivant laquelle les agents travaillant pour le compte d'un service public administratif sont des agents de droit public quand il résulte de ce même texte que seuls peuvent avoir cette qualité les personnels employés en Nouvelle-Calédonie relevant d'un statut de fonction publique ou d'un statut de droit public ou ceux affectés sur des emplois supérieurs de secrétaire général, de chef de service ou de directeur au sein de la Nouvelle-Calédonie et de ses établissements publics, des provinces ou des communes, la cour a violé l'article Lp.111-3 du code du travail de Nouvelle-Calédonie.