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24/06/2020 | FRANCE | N°17-27216

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 24 juin 2020, 17-27216


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 473 F-D

Pourvoi n° J 17-27.216

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

La société B terrassement et frère

s, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par Mme H... C..., domiciliée [...] , agissant en qualité de liquida...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 juin 2020

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 473 F-D

Pourvoi n° J 17-27.216

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 JUIN 2020

La société B terrassement et frères, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , représentée par Mme H... C..., domiciliée [...] , agissant en qualité de liquidateur judiciaire,

a formé le pourvoi n° J 17-27.216 contre l'arrêt rendu le 7 septembre 2017 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre B), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. T... Q..., domicilié [...] ,

2°/ à l'association interprofessionnelle de santé et médecine du travail 83 (AIST 83), dont le siège est [...] , ayant un établissement secondaire sis [...] ,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société B terrassement et frères et de Mme C..., ès qualités, de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. Q..., après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, M. Duval, conseiller référendaire, ayant voix délibérative, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société B terrassement et frères du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association interprofessionnelle de santé et médecine du travail 83 (AIST 83).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 septembre 2017), M. Q... a été engagé en qualité de conducteur d'engins le 3 novembre 2010 par la société B terrassement et frères (la société) et a été victime d'un accident du travail le 25 mai 2012.

3. Il a été déclaré inapte à son poste de travail le 6 novembre 2012 par le médecin du travail et a été licencié le 12 décembre 2012 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

4. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.

5. Par jugement du 3 juillet 2018, le tribunal de commerce de Draguignan a prononcé la liquidation judiciaire de la société B terrassement et frères et a nommé Mme C... en qualité de liquidateur judiciaire de cette société.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses huit premières branches

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa neuvième branche

Enoncé du moyen

7. L'employeur fait grief à l'arrêt de juger le licenciement du salarié dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui payer une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors « que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le registre du personnel versé aux débats par l'employeur indiquait, pour M. R... P..., qu'il était sorti des effectifs le 6 juin 2012 ; qu'en énonçant pourtant que le salarié R... P... n'était pas mentionné sorti de l'entreprise à la date du 12 décembre 2012, pour retenir un effectif de quinze salariés et énoncer qu'il y avait lieu d'appliquer l'article L. 1235-3 du code du travail et accorder au salarié une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à six mois de salaires, la cour d'appel a dénaturé le registre du personnel, violant le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause :

8. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que si l'employeur soutient qu'il n'occupait que dix salariés à l'époque de la notification du licenciement, il ressort du registre informatique versé par la société que contrairement à la liste des employés qu'elle produit, le salarié R... P... n'est pas mentionné sorti de l'entreprise à la date du 12 décembre 2012, et que le registre informatique du personnel s'arrête à l'embauche de S... Y... en date du 20 septembre 2012.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait du registre informatique que M. R... P... était sorti des effectifs de l'entreprise le 6 juin 2012, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, a violé le principe susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée n'atteint pas le chef de dispositif disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, que les critiques du moyen n'étaient pas susceptibles d'atteindre.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Donne acte à la société B terrassement et frères du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'association interprofessionnelle de santé et médecine du travail 83 (AIST 83) ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société B terrassement et frères à payer à M. Q... la somme de 10 500 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 7 septembre 2017, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne M. Q... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour la société B terrassement et frères et Mme C..., ès qualités

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé le licenciement de M. Q... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société B. Terrassement et Frères à lui payer la somme de 10.500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Aux motifs que sur le licenciement : Monsieur T... Q... a fait l'objet d'une visite de pré-reprise le 31 octobre 2012 et le médecin du travail a conclu, à l'issue de cette visite : « Pas d'avis d'aptitude délivré-A revoir en visite de reprise. Une inaptitude au poste de travail est à prévoir » ; que le médecin du travail a délivré le 6 novembre 2012, dans le cadre de la visite de reprise de Monsieur T... Q..., une fiche d'aptitude en ces termes : « Inapte au poste antérieurement occupé. Demeure apte à tout poste sans port ou soulèvement de charge lourde (etgt; 25 kg) et excluant tout travail en élévation dont l'escalade de cabine,benne ou plateau. Procédure en une seule visite conformément à l'art R4624-312 du code du travail en raison d'une visite de pré-reprise effectuée le 31/10/2012. Cette décision est susceptible d'être en rapport avec l'accident du travail du 25/05/2012 » ; (
) ; que M. T... Q... a été convoqué, par lettre recommandée du 27 novembre 2012, à un entretien préalable pour le 4 décembre, reporté au 10 décembre 2012, à une mesure de licenciement, postérieurement à la visite effectuée par le médecin du travail le 15 novembre 2012 au sein de l'entreprise et dont les conclusions sont rapportées par celui-ci, dans un courrier du 12 septembre 2013 ; que le médecin du travail a constaté que le salarié était dans l'incapacité d'escalader une série de marchepieds verticaux pour accéder à la cabine du poids-lourds ou d'accéder à la cabine de la pelleteuse, située à 1,40 m du sol (sans marchepied, avec escalade des roues) ou à tout le moins d'en redescendre (« si la montée est possible, la descente peut être parfois acrobatique ») et a conclu que ces éléments étaient incompatibles avec la pathologie présentée par Monsieur T... Q..., l'employeur lui ayant « déclaré ne pas disposer de poste disponible excluant cette contrainte d'escalade et permettant son reclassement » ; que la SARL B. Terrassement et Frères, pour justifier de l'impossibilité du reclassement de Monsieur T... Q..., produit son registre informatique du personnel et la liste informatique de ses employés présents entre le 1er janvier 2007 et le 30 décembre 2012 ; qu'il ressort de ces éléments que les emplois occupés au sein de l'entreprise sont des emplois de conducteur d'engins, de conducteur d'engins-chauffeur PL, de chef de chantier maître ouvrier, de chef d'équipe, de mécanicien-chauffeur ouvrier, d'ouvrier d'exécution et manoeuvre ouvrier, étant observé que la dernière page du registre informatique produit (page 4) mentionne l'embauche d'Y... S... à la date du 25 septembre 2012 sans que ne soit produite la suite du registre permettant à la Cour de vérifier qu'il n'y a pas eu d'embauche postérieurement au 25 septembre 2012 jusqu'au 12 décembre 2012, date de licenciement de Monsieur T... Q... ; que par ailleurs, alors que la SARL B Terrassement et Frères est une entreprise qui existe depuis le 4 septembre 2009 (date de son immatriculation au registre du commerce selon extrait Kbis du 7 juin 2017 produit par le salarié), le registre informatique produit par la société ne permet pas de vérifier les embauches réalisées antérieurement au 1er juillet 2010 (première embauche mentionnée sur la page 1 du registre informatique produit : J... D..., embauché le 1er juillet 2010) ; que la SARL B Terrassement et Frères procède donc par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'elle prétend qu'il n'existe aucun poste administratif au sein de la société ; qu'enfin, la SARL B. Terrassement et Frères qui a soutenu auprès du médecin du travail (courrier du Dr. J-L K... du 12 septembre 2013) ne pas disposer de poste excluant la contrainte d'escalade, ne démontre pas que cette contrainte s'appliquait également aux emplois d'ouvrier ou de manoeuvre ouvrier ou de mécanicien-chauffeur ouvrier, pas plus qu'elle ne démontre que de tels emplois ne répondaient pas à la préconisation du médecin du travail d'un reclassement sur un poste sans port ou soulèvement de charge lourde supérieure à 25 kg ; que les relevés informatiques produits par la société sont insuffisants à démontrer qu'un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était pas disponible en son sein ; qu'il s'ensuit que le licenciement de Monsieur T... Q... est dépourvu de cause réelle et sérieuse pour défaut de tentative de reclassement par l'employeur ; que si la SARL B. Terrassement et Frères soutient qu'elle n'occupait que 10 salariés, à l'époque de la notification du licenciement de Monsieur T... Q..., il ressort cependant du registre informatique versé par la société que, contrairement à la liste des employés qu'elle produit en pièce 17 (sur laquelle sont barrés certains noms d'employés déclarés sortis, alors même qu'il est mentionné en bas de la liste : « total employés présents : 15 »), le salarié R... P... n'est pas mentionné sorti de l'entreprise à la date du 12 décembre 2012, étant observé de surcroît que le registre informatique du personnel s'arrête, en page 4, à l'embauche d'Y... S... en date du 20 septembre 2012 ; qu'en conséquence, la Cour retient que l'effectif de l'entreprise, à la date de notification du licenciement de Monsieur T... Q..., était au moins de 11 salariés, en sorte que, Monsieur Q... ayant une ancienneté supérieure à deux ans à la date de la rupture de son contrat de travail, il y a lieu de faire application de l'article L.1235-3 du code du travail ; (
) ; que Monsieur T... Q... ne verse aucun élément sur l'évolution de sa situation professionnelle, ni sur ses ressources ; qu'en considération de son ancienneté supérieure à 2 ans dans une entreprise occupant plus de 10 salariés et du montant de son salaire mensuel brut (1747,86 € de salaire moyen perçu sur les 6 derniers mois précédant l'accident du travail, de novembre 2011 à avril 2012, incluant les heures supplémentaires et l'indemnité de congés payés), la Cour accorde à Monsieur T... Q... la somme de 10500 € à titre de dommages intérêts pour licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

1°) Alors que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que, dans une procédure orale, lorsque la cour d'appel fait expressément référence aux conclusions des parties, reprises oralement à l'audience, il convient de s'y référer pour déterminer l'objet du litige ; que méconnaît les termes du litige le juge qui, pour rejeter une prétention, se fonde sur l'insuffisance de preuve d'un fait dont l'existence même n'est pas sujette à contestation ; qu'en l'espèce, M. Q... se bornait à énoncer qu'il existait d'autres postes que celui de conducteur d'engins au sein de l'entreprise et reprochait à la société B. Terrassement et Frères de ne lui avoir fait aucune proposition écrite de reclassement ; que le salarié ne contestait cependant pas qu'il n'existait aucun poste administratif dans l'entreprise ; qu'en énonçant pourtant, pour juger que la société exposante avait manqué à son obligation de reclassement, que cette société procédait par voie d'affirmation et non de démonstration lorsqu'elle soutenait qu'il n'existait aucun poste administratif au sein de la société, tandis que ce fait n'était pas contesté par le salarié, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°) Alors que, de même, M. Q... ne contestait pas la force probante des relevés informatiques versés aux débats par la société B. Terrassement et Frères et ne soutenait pas qu'il y aurait eu des embauches postérieures à la date du 20 septembre 2012, mais se bornait à énoncer qu'il existait d'autres postes que celui de conducteur d'engins au sein de l'entreprise et que l'employeur ne lui avait fait aucune proposition écrite de reclassement ; qu'en énonçant pourtant, pour juger que la société exposante avait manqué à son obligation de reclassement, qu'en l'absence de production de la suite du registre permettant à la cour de vérifier qu'il n'y avait pas eu d'embauche postérieurement au 20 septembre 2012 jusqu'au 12 décembre 2012, date de licenciement du salarié, les relevés informatiques produits par l'exposante étaient insuffisants à démontrer qu'un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était pas disponible en son sein, quand la force probante des relevés informatiques versés aux débats par l'employeur et l'absence d'embauche après le 20 septembre 2012 n'était pas contestée par le salarié, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

3°) Alors que, encore, M. Q... ne contestait pas que les emplois d'ouvrier, de manoeuvre ouvrier et de mécanicien-chauffeur ouvrier ne répondaient pas à la préconisation de la médecine du travail ; qu'en énonçant pourtant, pour juger que l'employeur ne démontrait pas avoir respecté son obligation de reclassement, que la société B. Terrassement et Frères ne démontrait pas que la contrainte d'escalade s'appliquait également aux postes d'ouvrier, de manoeuvre ouvrier ou de mécanicien-chauffeur ouvrier, pas plus qu'elle ne démontrait que de tels emplois ne répondaient pas à la préconisation du médecin du travail d'un reclassement sur un poste sans port ou soulèvement de charge lourde supérieure à 25 kg, quand M. Q... ne le contestait pas, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, violant l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) Alors que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'insuffisance prétendue de preuves de l'absence de poste administratif dans l'entreprise et de l'insuffisance prétendue des relevés informatiques produits par la société pour démontrer qu'aucun poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était disponible, sans inviter les parties à débattre contradictoirement de ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) Alors que si, en matière de procédure orale, les pièces sur lesquelles les juges se sont fondés sont présumées avoir été régulièrement produites et contradictoirement débattues, la preuve contraire peut être apportée ; que pour juger que le registre informatique produit par la société B. Terrassement et Frères ne permettait pas de vérifier les embauches réalisées antérieurement au 1er juillet 2010 et énoncer que les relevés informatiques produits par la société étaient insuffisants à démontrer qu'un poste de reclassement compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était pas disponible en son sein, la cour d'appel s'est fondée sur un « extrait Kbis du 7 juin 2017 produit par le salarié » ; qu'en statuant ainsi, quand il ne résultait ni des pièces de la procédure (conclusions et bordereaux de communication de pièces), ni des énonciations de l'arrêt et du jugement du conseil de prud'hommes, qu'un extrait Kbis de la société B. Terrassement et Frères daté du 7 juin 2017 avait été communiqué à l'employeur, la cour d'appel, qui a fondé sa décision sur cette pièce sans inviter la société B. Terrassement et Frères à s'expliquer sur cet élément de preuve qui ne lui avait pas été communiqué, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société B. Terrassement et Frères, pour justifier de l'impossibilité du reclassement de M. Q..., produisait son registre informatique du personnel et la « liste informatique des employés présents entre le 1er janvier 2007 et le 20 décembre 2012 » ; qu'en énonçant pourtant que ces documents ne lui permettaient pas de vérifier qu'il n'y avait pas eu d'embauche postérieurement au 20 septembre 2012 jusqu'au 12 décembre 2012, date de licenciement de M. Q... et qu'ils ne permettaient pas de vérifier les embauches réalisées antérieurement au 1er juillet 2010, après avoir pourtant constaté que la liste des employés présents couvrait la période du 1er janvier 2007 au 30 décembre 2012, ce qui n'était pas contesté par le salarié, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, violant l'article 455 du code de procédure civile ;

7°) Alors qu'en tout état de cause, lorsque le salarié a été déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur doit lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités et aussi comparable que possible à l'emploi précédent, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que M. Q... occupait le poste de conducteur engin ; que les postes d'ouvrier, de manoeuvre ouvrier ou de mécanicien-chauffeur ouvrier, n'étaient pas appropriés aux capacités de M. Q... ; qu'en énonçant pourtant, pour juger que la société B. Terrassement et Frères n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, que l'employeur ne démontrait pas que la contrainte d'escalade s'appliquait également aux postes d'ouvrier ou de manoeuvre ouvrier ou de mécanicienchauffeur ouvrier, pas plus qu'elle ne démontrait que de tels emplois ne répondaient pas à la préconisation du médecin du travail d'un reclassement sur un poste sans port ou soulèvement de charge lourde supérieure à 25 kg, sans constater au préalable que ces postes étaient appropriés aux capacités du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1226-10 du code du travail ;

8°) Alors que, subsidiairement, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, la liste des employés présents entre le 1er janvier 2007 et le 30 décembre 2012 mentionnait expressément, pour les salariés J... D..., E... W..., A... I..., V... Z..., et R... P..., leurs dates de sortie des effectifs de l'entreprise ; qu'il en résultait que le nombre d'employés présents dans l'entreprise en décembre 2012 était de 10 personnes, et non de 15 personnes ; qu'en jugeant le contraire, pour énoncer qu'il y avait lieu d'appliquer l'article L. 1235-3 du code du travail et accorder au salarié une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à six mois de salaires, la cour d'appel a dénaturé la liste des employés présents entre le 1er janvier 2007 et le 30 décembre 2012, violant le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause ;

9°) Alors que, encore subsidiairement, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le registre du personnel versé aux débats par l'employeur indiquait, pour M. R... P..., qu'il était sorti des effectifs le 6 juin 2012 ; qu'en énonçant pourtant que le salarié R... P... n'était pas mentionné sorti de l'entreprise à la date du 12 décembre 2012, pour retenir un effectif de 15 salariés et énoncer qu'il y avait lieu d'appliquer l'article L. 1235-3 du code du travail et accorder au salarié une indemnité au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse correspondant à six mois de salaires, la cour d'appel a dénaturé le registre du personnel, violant le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les documents de la cause.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 17-27216
Date de la décision : 24/06/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 septembre 2017


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 24 jui. 2020, pourvoi n°17-27216


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP de Nervo et Poupet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:17.27216
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