LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° P 19-85.464 F-D
N° 1224
SM12
2 SEPTEMBRE 2020
CASSATION
M. MOREAU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 SEPTEMBRE 2020
M. K... P... a formé un pourvoi contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 27 juin 2019, qui a prononcé sur sa requête en relèvement d'une interdiction du territoire français.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. K... P..., et les conclusions de M. Valleix, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 juin 2020 où étaient présents M. Moreau, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, Mme Drai, conseiller de la chambre, et Mme Guichard, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. M. K... P..., de nationalité angolaise, a été condamné pour meurtre et vols, par arrêt de la cour d'assises de la Gironde du 13 mars 2012, à quinze ans de réclusion criminelle et à une interdiction définitive du territoire français.
3. Il a présenté le 6 mars 2019 une requête en relèvement de cette interdiction.
Examen du moyen
Sur le moyen pris, en ses deuxième, quatrième et cinquième branches
4. Il n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches
Enoncé du moyen
5. Le moyen est pris de la violation des articles 131-30 et 132-21 du code pénal, 591 et 593, 702-1, 703, 710 et 711 du code de procédure pénale ;
6. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de M. K... P... en relèvement de l'interdiction de territoire, alors :
« 1°/ que, pour rejeter la demande de relèvement d'interdiction du territoire, la cour d'appel a énoncé que « s'il é[tait] indiqué dans la requête que l'état de santé du requérant serait incompatible avec les soins dont il serait susceptible de bénéficier dans son pays d'origine, aucun certificat médical n'a été produit par l'intéressé pour justifier d'une quelconque pathologie » (arrêt, p. 4 § 2) ; qu'en statuant ainsi tandis que M. P... avait produit à l'appui de sa requête un certificat médical établi par le docteur O... B..., qui certifiait qu'il présentait une pathologie cardio-vasculaire chronique et qu'il devait recevoir un traitement, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et méconnu les articles 131-30 et 132-21 du code pénal, 591 et 593, 702-1, 703, 710 et 711 du code de procédure pénale ;
3°/ que, subsidiairement, le juge saisi d'une requête en relèvement d'interdiction est tenu de motiver sa décision au regard de la situation de l'intéressé au jour de la demande ; que, pour rejeter la demande de M. P... la cour d'appel a notamment énoncé que « l'Office français de protection des réfugies et apatrides, comme la cour nationale du droit d'asile [avaient] écarté l'hypothèse d'un danger pour sa vie en cas de retour dans son pays » (arrêt, p. 4, § 3) ; qu'en se référant à des décisions passées, la chambre de l'instruction n'a pas examiné la situation de P... au jour de sa demande au regard des risques pesant sur lui dans l'hypothèse d'un retour en [...] lors de sa libération ; que la cour d'appel a, dès lors, méconnu les articles 591, 593, 702-1 et 703 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale
7. Tout arrêt de la chambre de l'instruction doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux articulations essentielles des mémoires des parties. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
8. Pour rejeter la demande, l'arrêt attaqué énonce que s'il est indiqué dans la requête que l'état de santé du requérant serait incompatible avec les soins dont il serait susceptible de bénéficier dans son pays d'origine, aucun certificat médical n'a été produit par l'intéressé pour justifier d'une quelconque pathologie.
9. Les juges retiennent que l'office français de protection des réfugiés et apatrides, comme la cour nationale du droit d'asile, ont écarté l'hypothèse d'un danger pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine.
10. Ils en déduisent qu'il n'est donc pas démontré que la mise à exécution de la peine d'interdiction du territoire serait de nature à compromettre son état de santé ou à aggraver ce dernier et que la situation de danger n'est pas caractérisée.
11. En se déterminant ainsi, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
12. D'une part, il résulte du mémoire régulièrement déposé que celui-ci était effectivement accompagné du certificat médical descriptif de la pathologie présentée par M. P..., l'appréciation des juges sur l'absence du document étant ainsi erronée.
13. D'autre part, les juges, en se fondant sur des décisions passées de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile, ont écarté toute situation de danger en cas de retour dans le pays d'origine, sans répondre à l'une des articulations essentielles du mémoire qui faisait valoir qu'en cas de retour, l'état de santé actuel de M. P... risquait, en considération du système de soins en [...] et des conditions de vie dans cet Etat, d'être compromis et aggravé.
14. La cassation est par conséquent encourue.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 27 juin 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le deux septembre deux mille vingt.