LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2020
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 832 F-D
Pourvoi n° H 19-10.018
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
M. N... E..., domicilié [...] , a formé le pourvoi n° H 19-10.018 contre l'arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre), dans le litige l'opposant à la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur, société anonyme sportive professionnelle, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Sornay, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. E..., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Sornay, conseiller rapporteur, Mme Mariette, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur du désistement de son pourvoi incident.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 8 novembre 2018), M. E... a été engagé par la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur (le club) en qualité d'entraîneur de l'équipe réserve de football et de responsable de la post-formation dans le cadre d'un contrat à durée déterminée de deux ans à compter du 1er juillet 2014, soit pour les saisons 2014/2015 et 2015/2016.
3. Le club a notifié à l'intéressé le 29 juin 2015 la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.
4. Contestant le bien-fondé de cette rupture, le salarié a saisi le 8 juillet 2015 la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation du club à lui verser un rappel de salaire au titre du mois de juin 2015, une indemnité sur le fondement de l'article L. 1243-4 du code du travail et des dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et professionnel né de cette rupture abusive.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire légitime son licenciement pour faute grave et de le débouter en conséquence de toutes ses prétentions, alors « que dans ses écritures d'appel M. E... faisait valoir que l'OGC Nice Côte d'Azur n'avait pas respecté les dispositions légales et réglementaires en ce qui concerne la fixation des congés, et offrait de justifier, pièces à l'appui, qu'en pratique les salariés présentaient leurs demandes de congés quelques jours seulement avant leur prise de congés effective ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui était de nature à exonérer M. E... de la faute qui lui était reprochée ou à tout le moins d'en atténuer très sensiblement la gravité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
7. Pour considérer que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée par l'employeur était justifiée par une faute grave, l'arrêt retient que si le salarié soutient avoir régulièrement déposé une demande de congés payés pour le mois de juin 2015, l'employeur lui a répondu sans ambiguïté le 29 mai 2015 qu'aucun congé payé ne lui avait été accordé, que la réalité de l'absence injustifiée du salarié au sein du club était attestée par un constat d'huissier du 4 juin 2015, que la défense du salarié faisant état de sa demande de congés payés était inopérante puisque, même dans cette hypothèse, il devait se tenir à la disposition de son employeur tant que sa prise de congés n'avait pas été autorisée, et que l'intéressé ayant été informé des éventuelles conséquences de son absentéisme qui a perduré durant tout le mois de juin 2015, son club était fondé à prononcer son ''licenciement'' pour faute grave.
8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui soutenait que l'employeur n'avait pas organisé la période de congés payés dans le cadre légal, ni informé les salariés de la période de congé deux mois avant son ouverture, ni informé le salarié de son ordre de départ, ni affiché celui-ci, et que l'employeur ayant manqué à ses obligations, sa prise de congés sans autorisation durant le mois de juin n'était pas fautive, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CONSTATE le désistement du pourvoi incident formé par la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit légitime la rupture du contrat de travail pour faute grave de M. E... et déboute celui-ci de toutes ses prétentions, l'arrêt rendu le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Olympique gymnaste club de Nice Côte d'Azur et la condamne à payer à M. E... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour M. E..., demandeur au pourvoi principal.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit légitime le licenciement pour faute grave de M. E..., d'AVOIR en conséquence débouté celui-ci de toutes ses prétentions, et de l'AVOIR condamné à payer la somme de 1.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'Ogc Nice Côte d'Azur ;
AUX MOTIFS QUE « L'OGC Nice a engagé M. E..., en qualité « d'entraîneur formateur », par un contrat qui a pris effet le 1er juillet 2014 pour se terminer le 30 juin 2016 ; le salarié conteste les motifs de son licenciement pour faute grave prononcé le 29 juin 2015. La lettre de licenciement fait notamment état de l'absentéisme du salarié du 1er au 29 juin 2015. M. E... soutient avoir posé ses congés payés pour le mois de juin 2015 auprès du service de la comptabilité, cette période d'inter-saison étant selon lui la plus compatible avec les exigences de l'agenda sportif. Dans un courriel du 28 mai 2015, adressé à M. W..., directeur de l'OGC Nice, le salarié indiquait être en vacances, mais, le cas échéant, se tenir à la disposition de son club, à l'exception de la période du 20 au 27 juin 2015. La réponse que son directeur lui a faite dès le lendemain (pièce 22-3 dossier de l'employeur) était sans ambiguïté : « Aucun congés payés ne vous a été accordé pour cette semaine ou celle du 20 au 27 juin. Il n'est d'ailleurs pas concevable de vous accorder des congés payés lors de la première semaine du mois de juin alors qu'à ce jour vous n'êtes pas sans savoir que l'équipe de la saison prochaine n'est pas en totalité constituée
Je constate donc à nouveau que vous prenez également sur ce point de grandes largesses sur les procédures applicables dans le club en faisant fi de toute consigne de votre hiérarchie. Bien entendu, je me réserve la décision à intervenir sur l'ensemble de ces faits. » La réalité de l'absence injustifiée de M. E... au sein du club est dûment attestée par un constat d'huissier du 4 juin 2015 (pièce 23 dossier de l'employeur). Pour sa seule défense, le salarié fait état de sa demande de congés payés, ce qui est inopérant puisque, même dans cette hypothèse, il devait se tenir à la disposition de son employeur tant que sa prise de congés n'avait pas été autorisée. M. E... ayant été informé des éventuelles conséquences de son absentéisme, qui a perduré durant tout le mois juin 2015, son club était fondé à prononcer son licenciement pour faute grave. D'où il suit que la cour, infirmant le jugement déféré, le déboute de ses prétentions » ;
1. ALORS, D'UNE PART, QU' il résulte des articles L. 3141-13 et D. 3141-15 du code du travail que la période des congés payés est, à défaut de convention ou accord collectif de travail, fixée par l'employeur et portée à la connaissance du personnel deux mois avant son ouverture et que l'ordre des départs est communiqué au salarié quinze jours avant son départ et fait l'objet d'un affichage dans l'entreprise ; que la charte du football professionnel ne déroge pas à ces dispositions et précise seulement que les congés de l'éducateur « pourront se situer soit pendant l'intersaison soit pendant la trêve hivernale, soit pendant ces deux périodes » ; que pour dire le licenciement justifié, la cour d'appel s'est bornée à dire que les congés de M. E... n'avaient pas été autorisés et que son absence avait perduré tout le mois de juin 2015 ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle était expressément invitée à le faire, si l'OGC Nice Côte d'Azur avait organisé les congés dans le cadre légal, informé les salariés de la période de congés deux mois avant son ouverture et informé M. E... de son ordre de départ, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1243-1, L. 3141-13 et D. 3141-15 du code du travail ;
2. ALORS, D'AUTRE PART, QUE dans ses écritures d'appel (p. 11, § 1.2.1), M. E... faisait valoir que l'OGC Nice Côte d'Azur n'avait pas respecté les dispositions légales et réglementaires en ce qui concerne la fixation des congés, et offrait de justifier, pièces à l'appui, qu'en pratique les salariés présentaient leurs demandes de congés quelques jours seulement avant leur prise de congés effective ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen qui était de nature à exonérer M. E... de la faute qui lui était reprochée ou à tout le moins d'en atténuer très sensiblement la gravité, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3. ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'il appartient aux juges du fond de tenir compte des circonstances de nature à écarter le caractère fautif des faits reprochés au salarié ou à en atténuer la gravité ; qu'en l'espèce, M. E... se prévalait du témoignage de la comptable du club qui confirmait avoir reçu une demande de congés préalablement à leur prise effective et de l'absence de toute décision explicite de refus par l'un des dirigeants ; qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de ces explications que M. E... avait pu croire de bonne foi que sa demande avait été accordée de façon implicite, les jours posés étant compris dans la période d'inter-saison, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 659 de la charte du football professionnel et des articles L. 1243-1, D. 3141-5 et D. 3141-6 du code du travail ;
4. ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE M. E... faisait aussi valoir plusieurs moyens de droit et de fait au soutien de ses prétentions, étayés par des pièces ; qu'il soutenait notamment que son employeur n'avait pas respecté ses obligations légales en matière de fixation des congés payés (pp.8 à 12 de ses conclusions), qu'il ne pouvait en réalité prendre les jours de congés auxquels il avait droit à une autre date, au regard de la charte du football professionnel, et qu'il avait rempli par ailleurs les missions qui lui incombaient avant la rentrée à venir (pp. 12 à 15 et pp. 18 à 20 de ses conclusions) ; qu'en énonçant dès lors que M. E... avait, pour sa seule défense, fait état de sa demande de congés payés, sans répondre aux moyens développés qui tendaient à établir l'absence de caractère fautif de sa prise de congés, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5. ALORS, EN OUTRE, QUE pour les mêmes raisons, en considérant que M. E... faisait état « pour sa seule défense » de sa demande de congés payés, cependant que celui-ci développait de nombreux autres moyens de défense, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
6. ALORS, DE SIXIEME PART, QUE dans ses écritures d'appel (p. 12 à 15 et p. 18 à 20), M. E... faisait valoir que dès le 3 juin 2015, alors même que le dirigeant de l'OGC Nice Côte d'Azur ne lui avait pas donné l'ordre de réintégrer son poste, il avait sollicité une clarification sur ce qu'il devait faire et demandait notamment s'il devait demeurer chez lui ou s'il devait reprendre ses fonctions, indiquant qu'il restait à la disposition du club ; que l'exposant faisait aussi valoir que cette demande n'avait reçu aucune réponse, jusqu'à ce qu'il ne reçoive une convocation à son entretien préalable ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé de plus fort l'article 455 du code de procédure civile ;
7. ALORS, ENFIN, QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis ; qu'en admettant même que la prise de congés par M. E... n'était pas autorisée, cette situation ne résultait pas d'un acte d'insubordination, était intervenue pendant une période d'intersaison et avait donné lieu à une offre de mise à disposition immédiate de M. E... dès qu'il avait eu connaissance de la réaction du dirigeant du club, elle n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1243-1 du code du travail.