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18/11/2020 | FRANCE | N°19-15117

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 18 novembre 2020, 19-15117


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1054 F-D

Pourvoi n° Z 19-15.117

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société Flowbird, société par actions simpl

ifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Parkéon, a formé le pourvoi n° Z 19-15.117 contre l'arrêt rendu le 12...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 18 novembre 2020

Rejet

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1054 F-D

Pourvoi n° Z 19-15.117

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 18 NOVEMBRE 2020

La société Flowbird, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , anciennement dénommée société Parkéon, a formé le pourvoi n° Z 19-15.117 contre l'arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant au syndicat CFDT de la métallurgie-horlogerie de Besançon et du Haut-Doubs, dont le siège est [...] , défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Pécaut-Rivolier, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Flowbird, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT de la métallurgie-horlogerie de Besançon et du Haut-Doubs, après débats en l'audience publique du 30 septembre 2020 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Pécaut-Rivolier, conseiller rapporteur, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire ayant voix délibérative, Mme Laulom, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 12 février 2019), la société Parkéon, désormais dénommée Flowbird, a conclu, le 10 décembre 2015, avec les syndicats CFTC, CFDT et CFE-CGC, un accord collectif intitulé « Engagements de la direction Parkéon, pour l'année 2016 ». Aux termes de l'article 1er de cet accord, il était prévu que :
« Emploi en France - Sur l'ensemble de l'année 2016 : 16 personnes en complément de l'effectif actuel CDI, soit sous forme de recrutement externe, soit sous forme de titularisation de personnes présentes dans l'entreprise. Ces embauches se feront en priorité dans les services RetD, Client Center et Industriel ».

2.Par acte en date du 4 juillet 2017, le syndicat CFDT a saisi le tribunal de grande instance pour faire constater le non respect de ses engagements par la société Parkéon et demander des dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de dire que, de janvier 2016 à décembre 2017, la société Parkéon n'a pas satisfait à l'obligation de résultat à laquelle elle était soumise, en vertu de l'accord du 10 décembre 2015, relatif à l'embauche complémentaire de seize personnes en CDI, condamné la société Parkéon aux dépens de première instance et d'appel et à payer au syndicat CFDT de la métallurgie-horlogerie de Besançon et du Haut-Doubs la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de l'exécution tardive de l'accord du 10 décembre 2015 et de l'atteinte ainsi portée à l'intérêt collectif de la profession, alors :

« 1°/ que l'article 1er de l'accord d'entreprise intitulé « engagement de la direction de Parkéon pour l'année 2016 », prévoit « sur l'ensemble de l'année 2016 : embauche de 16 personnes en plus de l'effectif actuel CDI » ; que cet engagement présentait un caractère aléatoire, puisque la réalisation de cet objectif dépendait non seulement du nombre de salariés qui quitteraient l'entreprise au cours de l'année 2016, mais également du profil des candidats à l'embauche ; que partant, l'engagement souscrit par la société Parkéon d'augmenter son effectif de seize salariés en 2016 ne constituait qu'une obligation de moyens, l'employeur ne pouvant en outre se voir imposer une obligation de résultat en ce domaine, sauf à porter atteinte à sa liberté de choisir ses collaborateurs ; qu'en considérant pourtant que la société Parkéon avait souscrit une obligation de résultat, et non une obligation de moyens, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article L. 2262-4 du code du travail ;

2°/ que l'article 1er de l'accord d'entreprise, conclu le 10 décembre 2015, qui disposait seulement « Sur l'ensemble de l'année 2016 : embauche de 16 personnes en complément de l'effectif actuel CDI (
). Ces embauches se feront en priorité dans les services RetD, Client Center et Industriel », ne prévoyait nullement que les nouvelles embauches devaient se faire exclusivement au profit des services cités, mais seulement que ces services étaient prioritaires, ce qui signifie que toute dépense visant à l'embauche de salariés dans l'entreprise pouvait être prise en compte ; qu' en considérant pourtant, pour estimer que la société Parkéon n'avait pas respecté son engagement relatif à l'embauche de salariés, qu'« il n'est pas démontré que les importants moyens investis dans le recours à des cabinets de recrutement au cours de l'année 2016 étaient effectivement liés aux recrutements faisant l'objet de l'accord au litige », la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Une convention collective, si elle manque de clarté, doit être interprétée comme la loi, c'est à dire d'abord en respectant la lettre du texte, ensuite en tenant compte d'un éventuel texte législatif ayant le même objet et, en dernier recours, en utilisant la méthode téléologique consistant à rechercher l'objectif social du texte.

6. Aux termes du Préambule et de l'article 1er de l'accord collectif, l‘employeur s'est engagé sur un ensemble de mesures, dont « sur l'ensemble de l'année 2016 : 16 personnes en complément de l'effectif actuel CDI, soit sous forme de recrutement externe, soit sous forme de titularisation de personnes présentes dans l'entreprise. Ces embauches se feront en priorité dans les services RetD, Client Center et Industriel ».

7. La cour d'appel a relevé que les termes de la clause litigieuse étaient rédigés de telle sorte que l'engagement pris par l'employeur d'embaucher un nombre précis de salariés sur l'année 2016 n'était ni un simple engagement de mettre en oeuvre des moyens pour parvenir au résultat, ni hypothétique, ni conditionné à des circonstances particulières.

8. Ayant constaté que l'employeur n'avait pas procédé au nombre d'embauches auxquelles il s'était engagé sur l'année 2016, la cour d'appel a pu en déduire qu'il n'avait pas respecté l'engagement pris dans le cadre de l'accord collectif du 10 décembre 2015.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Flowbird aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Flowbird et la condamne à payer au syndicat de la métallurgie-horlogerie de Besançon et du Haut-Doubs la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit novembre deux mille vingt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour la société Flowbird

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que, de janvier 2016 à décembre 2017, la société Parkeon n'a pas satisfait à l'obligation de résultat à laquelle elle était soumise, en vertu de l'accord du 10 décembre 2015, relatif à l'embauche complémentaire de 16 personnes en CDI, condamné la société Parkeon aux dépens de première instance et d'appel et à payer au syndicat CFDT de la Métallurgie – Horlogerie de Besançon et du Haut-Doubs la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de l'exécution tardive de l'accord du 10 décembre 2015 et de l'atteinte ainsi portée à l'intérêt collectif de la profession ;

AUX MOTIFS QU' à l'encontre de ce qu'a finalement retenu le premier juge, la CFDT soutient qu'aux termes de l'accord du 10 décembre 2015, la SAS Parkeon était tenue d'une obligation de résultat. Il s'avère que la lettre de l'accord intitulé « engagement de la direction de Parkeon pour l'année 2016 », apparaît caractériser un engagement unilatéral clair et sans condition préalable puisqu'il énonce : « Sur l'ensemble de l'année 2016 : embauche de 16 personnes en complément de l'effectif actuel CDI, soit sous forme de recrutement externe, soit sous forme de titularisation de personnes présentes dans l'entreprise. Ces embauches se feront en priorité dans les services RetD, Clients Center et Industriel ». Ce texte ne faisant pas état d'un engagement à faire diligence ou à mettre en oeuvre tels ou tels moyens pour parvenir à l'embauche de salariés en CDI supplémentaires et son énonciation ne comportant aucune formule hypothétique ni mention d'une quelconque d'incertitude, l'accord litigieux s'analyse pour la SAS Parkeon en une obligation de résultat. Or, il est constant que sur l'année 2016, celle-ci n'a pas réalisé les 16 embauches prévues, ce résultat n'ayant été atteint qu'au 31 janvier 2018. Par ailleurs, le « turnover » important mis en avant par la SAS Parkeon pour expliquer sa carence à atteindre le résultat dans les délais qui avaient été convenus ne peut constituer l'événement imprévisible et irrésistible qui caractérise le cas de force majeure pouvant l'exonérer de sa responsabilité. En effet, compte tenu de sa taille (plus de 500 salariés), l'entreprise était nécessairement confrontée à une rotation importante de personnels, observation faite que les départs dont elle se prévaut étaient pour la plupart prévisibles pour résulter soit d'une rupture conventionnelle, soit de licenciements mis en oeuvre par la société, soit de l'arrivée à terme de CDD ou à de départs en retraite, de sorte qu'ils pouvaient être anticipés par la direction, nonobstant les contraintes du marché en matière de recrutement. En outre, il n'est pas démontré que les importants moyens investis dans le recours à des cabinets de recrutement au cours de l'année 2016 étaient effectivement liés aux recrutements faisant l'objet de l'accord au litige. Il sera donc retenu que la SAS Parkeon n'a pas satisfait à l'obligation de résultat souscrite dans le cadre de l'accord du 10 décembre 2015, l'appréciation portée sur ce point par le premier juge étant infirmée. - Sur les demandes de la CFDT, En cause d'appel, la CFDT ne maintient pas sa demande d'exécution en nature dans la mesure où le résultat de l'accord du 10 décembre 2015 en matière d'embauche a finalement été atteint en cours de procédure. En revanche, elle réitère sa demande indemnitaire en arguant de l'exécution déloyale par l'entreprise de l'accord en matière d'information du comité d'entreprise, celle donnée par la direction étant soit tronquée, soit non étayée, soit insuffisante, ce qui lui aurait causé un préjudice en décrédibilisant les organisations syndicales signataires et la portée de leur signature. Au contraire, la SAS Parkeon soutient qu'elle a loyalement exécuté l'article 4 de l'accord « Suivi des engagements » qui prévoyait : « Les engagements pris par la direction seront suivis trimestriellement lors des réunions ordinaires du Comité d'Entreprise du mois de mars, juin, septembre et décembre 2016 », aucune plainte n'ayant été émise au cours de ces réunions quant à la qualité des informations qu'elle y a communiquées. Cependant, le retard mis aux recrutements promis aux termes de l'accord litigieux a nécessairement induit une atteinte aux conditions de travail pour les salariés en place et porté le discrédit sur les capacités de représentation et de négociation de la CFDT qui justifient l'allocation de dommages et intérêts, lesquels, compte tenu des échanges retracés dans les procès-verbaux des réunions ordinaires du comité d'entreprise des mois de mars, juin, septembre et décembre 2016, seront fixés à 10 000 euros, le jugement entrepris étant réformé en ce sens (arrêt p. 4 et 5) ;

1) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel récapitulatives (p. 7 derniers al. et p. 8), la société Parkeon faisait valoir que les pages 2 et 3 du rapport mensuel de novembre 2016 « confirment l'atteinte des résultats sur l'ensemble des engagements pris par la concluante aux termes de l'accord collectif aujourd'hui disputé » et que s'agissant de l'emploi en France, les entrées en 2016 sont totalisées pour 62 salariés et les sorties en 2016 pour 45 salariés, soit une différence de 17 salariés, chiffre qui résultait notamment de la présentation du rapport d'information de novembre 2016 produit ; qu'en considérant pourtant qu' il est « constant » que sur l'année 2016, la société Parkeon n'a pas réalisé les 16 embauches prévues, ce résultat n'ayant été atteint qu'au 31 janvier 2018, la cour d'appel a méconnu les termes du mitige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2) ALORS QU' en tout état de cause, l'article 1er de l'accord d'entreprise intitulé « engagement de la direction de Parkeon pour l'année 2016 », prévoit « sur l'ensemble de l'année 2016 : embauche de 16 personnes en plus de l'effectif actuel CDI » ; que cet engagement présentait un caractère aléatoire, puisque la réalisation de cet objectif dépendait non seulement du nombre de salariés qui quitteraient l'entreprise au cours de l'année 2016, mais également du profil des candidats à l'embauche ; que partant, l'engagement souscrit par la société Parkeon d'augmenter son effectif de 16 salariés en 2016 ne constituait qu'une obligation de moyens, l'employeur ne pouvant en outre se voir imposer une obligation de résultat en ce domaine, sauf à porter atteinte à sa liberté de choisir ses collaborateurs ; qu'en considérant pourtant que la société Parkeon avait souscrit une obligation de résultat, et non une obligation de moyens, la cour d'appel a violé le texte susvisé et l'article L. 2262-4 du code du travail ;

3) ALORS QUE très subsidiairement, l'article 1er de l'accord d'entreprise, conclu le 10 décembre 2015, qui disposait seulement « Sur l'ensemble de l'année 2016 : embauche de 16 personnes en complément de l'effectif actuel CDI (
). Ces embauches se feront en priorité dans les services RetD, Client Center et Industriel », ne prévoyait nullement que les nouvelles embauches devaient se faire exclusivement au profit des services cités, mais seulement que ces services étaient prioritaires, ce qui signifie que toute dépense visant à l'embauche de salariés dans l'entreprise pouvait être prise en compte ; qu'en considérant pourtant, pour estimer que la société Parkeon n'avait pas respecté son engagement relatif à l'embauche de salariés, qu'« il n'est pas démontré que les importants moyens investis dans le recours à des cabinets de recrutement au cours de l'année 2016 étaient effectivement liés aux recrutements faisant l'objet de l'accord au litige », la cour d'appel s'est déterminée par un motif inopérant, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-15117
Date de la décision : 18/11/2020
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 12 février 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 18 nov. 2020, pourvoi n°19-15117


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.15117
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