LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 décembre 2020
Rejet
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 759 F-D
Pourvoi n° P 19-12.531
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 DÉCEMBRE 2020
1°/ M. R... S...,
2°/ Mme K... T..., épouse S...,
domiciliés tous deux [...],
3°/ la société Ma.ges, société à responsabilité limitée,
4°/ la société [...], société en nom collectif,
5°/ la société [...] patrimoine, société à responsabilité limitée,
ayant toutes trois leur siège [...] ,
6°/ la société Tca, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, agissant en qualité de liquidateur de la société [...],
7°/ la société Tca, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, agissant en qualité de liquidateur de la société [...] patrimoine,
8°/ la société Tca, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, agissant en qualité de liquidateur de la société MA.GES,
ayant son siège [...] ,
ont formé le pourvoi n° P 19-12.531 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige les opposant à la société Banque CIC Ouest, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Fevre, conseiller, les observations de la SARL Corlay, avocat de M. et Mme S..., des sociétés Ma.ges, [...], [...] patrimoine, et Tca, ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Banque CIC Ouest, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Fevre, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 27 novembre 2018), la société en participation [...] (la SEP [...]), ayant pour associées les sociétés Ma.ges et Harmony dont les capitaux sont détenus par les membres de la famille S..., a fait l'acquisition d'une propriété dite « [...] » à [...] (Côte d'Armor) au prix de 1 400 000 euros et en a confié l'exploitation commerciale et hôtelière à la SNC [...] constituée par les mêmes sociétés.
2. Le 12 juillet 2006, la société Ma.ges a souscrit un prêt de 800 000 euros auprès de la société Crédit industriel de l'Ouest (la banque) afin de prendre une participation dans la SNC [...], ayant pour gérant M. S....
3. Le 28 février 2007, les consorts S... ont créé la Sarl [...] patrimoine (la société [...]) afin d'acquérir une partie des lots appartenant à la SEP [...] à un certain prix financé par un prêt souscrit, le 26 avril 2007, d'un montant de 441 695 euros auprès de la banque.
4. Par acte notarié du 25 juin 2009, la société Ma.ges a cédé à la SNC [...] l'ensemble de ses droits immobiliers dans le domaine au prix de 2 152 800 euros financé, pour partie, par un prêt consenti, le 22 juin 2009, par la banque à la SNC [...] d'un montant de 1 600 000 euros et dont le taux effectif global (TEG) était de 9,27882 %.
5. Sur assignation de la banque consécutive à la défaillance de la SNC [...] et de la société [...] dans le remboursement de leurs emprunts, ces sociétés ont été mises en redressement judiciaire et le mandataire judiciaire des deux sociétés, la société Ma.ges ainsi que M. et Mme S... ont assigné la banque en annulation de la stipulation d'intérêt conventionnel en raison du caractère erroné du TEG et en paiement de dommages-intérêts pour manquements à ses obligations contractuelles.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
6. La société [...] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande tendant à voir la banque prêteuse condamner à lui rembourser les sommes versées à tort par elle du fait de la stipulation d'un TEG erroné dans le contrat de prêt qu'elle a souscrit le 22 juin 2009, alors :
« 1°/ que pour la détermination du TEG du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dûs à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que l'ensemble des frais conditions de l'octroi du prêt doivent être inclus, quels qu'en soient l'origine ; qu'en considérant que les frais afférents au montage juridique qui était une condition nécessaire à l'octroi du crédit ne devaient pas être inclus au motif inopérant que la banque n'était pas initiatrice de ce montage, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux ;
2°/ que lorsque l'emprunteur s'oblige à domicilier ses revenus auprès du prêteur, ce qui implique nécessairement des frais de tenue de compte, ces frais doivent être pris en considération dans le calcul du TEG ; qu'en l'espèce, la banque a imposé comme condition déterminante de l'octroi du crédit la domiciliation de la totalité de ses revenus ; qu'en refusant cependant de prendre en compte ces frais pour dire si le TEG était exact, la cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux ;
3°/ que pour la détermination du TEG du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dûs à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que cette règle ne peut être écartée, en matière de crédit immobilier portant sur des montants conséquents, aux motifs que l'écart entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt et celui du taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation (règle instituée par décret) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que "Il n'est pas contesté que le coût des inscriptions hypothécaires prises par la banque pour garantir l'emprunt contracté par la SNC n'a pas été intégré dans le TEG et ce, pour une somme non contestée de 9 876,76 euros" ; qu'en refusant de faire droit à la demande de la SNC [...] aux motifs que "Pour autant, rapportés au coût total du crédit, ces frais supplémentaires demeurent non significatifs, leur prise en compte dans la détermination du taux réel n'étant pas de nature à le faire varier d'une décimale au moins (la différence étant en l'occurrence de l'ordre de 0,02278 %)", la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, ensemble l'article L. 313-1 du code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, l'arrêt relève d'abord que, par une lettre du 22 janvier 2009 adressée par M. S... à la banque, celui-ci l'a informée qu'il avait pris la décision de vendre les actifs immobiliers de la société Ma.ges à la SNC [...] en détaillant les avantages de cette opération permettant l'apurement de l'endettement de la société vendeuse ainsi que les investissements nécessaires au développement de la société acheteuse, favorisant l'entrée de nouveaux investisseurs dans le capital de cette société, puis lui a adressé un dossier prévisionnel de développement de la société acheteuse établi par un professionnel du chiffre. Il relève ensuite que M. S..., gérant de la société emprunteuse, est un emprunteur averti ayant une longue expérience dans le secteur de la promotion immobilière ainsi que de l'ingénierie fiscale et patrimoniale et que la décision de réorganiser les structures sociales exploitant le domaine n'a pas été imposée par la banque. Il retient enfin que celle-ci n'a fait qu'accepter le montage qui lui a été proposé par le gérant de la société emprunteuse et que les frais inhérents à ce montage, lequel n'était pas une condition de l'octroi du prêt, sont donc étrangers au contrat de prêt.
8. D'autre part, l'arrêt constate que les frais de tenue de compte et les commissions sont distincts du prêt litigieux et qu'ils sont la contrepartie des services bancaires, de sorte qu'ils n'ont pas à être inclus dans le calcul du TEG du crédit.
9. Enfin l'arrêt constate que, si le coût des inscriptions hypothécaires d'un montant de 9 876,76 euros prises par la banque en garantie du prêt consenti à la SNC [...] n'a pas été inclus dans le calcul du TEG, cette erreur emporte une différence de l'ordre de 0,02278 % et n'est pas significative.
10. Ayant ainsi relevé que l'écart entre le TEG mentionné dans le contrat de prêt et celui résultant du taux réel intégrant les frais d'hypothèques était inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation et que les autres frais invoqués n'avaient pas à être pris en compte pour le calcul du TEG, c'est à bon droit que la cour d'appel a rejeté la demande de la société [...].
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
12. Les sociétés [...] patrimoine, [...] et Ma.ges et leur liquidateur ainsi que M. et Mme S... font grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de leurs demandes alors que « le banquier engage sa responsabilité vis-à-vis de son client dès lors qu'il a joué un rôle actif dans l'élaboration du projet et fourni un conseil inadapté à la situation de son client ; qu'en l'espèce il était fait valoir par les exposants que la banque avait participé au montage juridique et financier, donné des conseils sur les opérations à réaliser, refusant des montages financiers moins onéreux, conseils qui s'étaient révélés désastreux, dès lors qu'elle avait ensuite abandonné les emprunteurs en ayant conscience de ce que les fonds consentis ne permettaient pas de faire fonctionner le projet ; qu'en écartant toute responsabilité de la banque sans rechercher si celle-ci n'avait pas participé au choix des montages juridiques et financiers, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1147 (ancien) du code civil, désormais 1231-1 du code civil. »
Réponse de la cour
13. Après avoir d'abord relevé que, dès 2006, la société Ma.ges savait que le montant total de l'opération de réhabilitation du château de la [...] était de 2 400 000 euros lorsqu'elle a emprunté la somme de 800 000 euros à la banque pour financer sa prise de participation dans la SNC [...] qu'elle avait créée avec une autre société du groupe et que si l'acte de prêt mentionne le montant global de l'opération, il ne permet pas de dire que la banque a accepté de le financer en totalité puisque d'autres hypothèses étaient alors envisagées, l'arrêt relève ensuite qu'en 2009, lors de l'octroi du crédit de 1 600 000 euros consenti à la SNC [...], tel que demandé par l'emprunteur lui-même, pour racheter les droits immobiliers de la société Ma.ges dans le château, la banque ne s'est pas davantage engagée à accorder un prêt complémentaire. Il retient encore que ce sont les consorts S... qui sont à l'origine de la restructuration des sociétés qu'ils détiennent en ayant proposé la cession des parts de la société Ma.ges à la SNC [...] et qu'il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir consenti de nouveaux crédits, par la suite, aux sociétés [...] et [...] compte tenu de leurs difficultés financières.
14. Ayant ainsi fait ressortir que la banque n'a pas participé au choix des montages juridiques et financiers, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision.
15. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés [...] patrimoine, [...] et Ma.ges, la société Tca en sa qualité de liquidateur de ces sociétés ainsi que M. et Mme S... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés [...] patrimoine, [...] et Ma.ges, la société Tca en sa qualité de liquidateur de ces trois sociétés ainsi que M. et Mme S... et les condamne à payer à la société Crédit industriel de l'Ouest la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf décembre deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour M. et Mme S..., les sociétés Ma.ges, [...], [...] patrimoine, et Tca, ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la Snc [...] de sa demande à voir condamner la société Crédit industriel et commercial de l'Ouest à lui rembourser les sommes versées à tort par elle du fait de la stipulation d'un taux effectif global erroné dans le contrat de prêt qu'elle a souscrit le 22 juin 2009 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Pour réclamer l'annulation de cette stipulation, la Snc fait valoir que le taux effectif global indiqué dans la convention est erroné en ce qu'il omet de prendre en compte : 1 - le coût réel de l'assurance-emprunteur, 2 - les frais liés à l'envoi de l'information annuelle des cautions, 3 - le coût des inscriptions hypothécaires, 4 - les frais de tenue de compte, 5- les frais consécutifs à la réorganisation juridique et financière imposée par le Cio, L'article L 313-1 du Code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux, dispose : « Dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels. Toutefois, pour l'application des articles L 312-4 à L 312-8, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat. En outre, pour les prêts qui font l'objet d'un amortissement échelonné, le taux effectif global doit être calculé en tenant compte des modalités de l'amortissement de la créance. Un décret en Conseil d'Etat déterminera les conditions d'application du présent article. » 1 - sur le coût de l'assurance-emprunteur : A la rubrique « 4.3 Taux effectif global » du prêt litigieux, il est indiqué : « Pour satisfaire aux dispositions légales (article L 313-1 et L 313-2 du Code de la consommation), il est mentionné aux présentes que le taux effectif global du présent crédit s'établit comme suit : - taux d'intérêt : 5,97000 % - total des frais : 433.552,08 € dont frais de dossier : 220,00 € dont estimation du coût des garanties : 433.332,08 € soit un taux effectif global par an de 9,27882 % et un Teg par période de 2,3197 % ». La Snc reproche ainsi au Cio de ne pas avoir mentionné et intégré dans ce Teg le coût de l'assurance-emprunteur. En réalité, ce reproche est infondé puisque ce taux figure expressément dans le tableau d'amortissement annexé au contrat de prêt, lui-même annexé à l'acte notarié du 25 juin 2009 par lequel a été reçue la vente entre la Sarl Ma.ges et la Snc [...], ce tableau précisant en effet : « Teg : 9,27882 % dont assurance : 0,39776 %, frais : 0,25106 et Oseo 2,66 % ». Par ailleurs et si la Snc verse aux débats un rapport dit « d'expertise », au demeurant établi de manière non contradictoire, évoquant un surcoût d'assurance de 252,71 € facturé à la Snc [...] par rapport au coût initialement prévu, en toute hypothèse cette différence est sinon négligeable, à tout le moins sans incidence significative sur le Teg annoncé, alors en effet :- que l'article R 313-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction applicable au contrat litigieux, exige seulement que le Teg soit annoncé « avec une précision d'au moins une décimale », aucune sanction n'étant prévue lorsque l'approximation n'excède pas ce seuil ; - que tel est le cas en l'occurrence, lorsqu'on compare le surcoût évoqué (252,71 €) par rapport au coût total du crédit (433.552,08 €), d'où une différence de 0,00058 % entre le taux annoncé et le taux réel, largement en-deçà du seuil de tolérance réglementaire. Le moyen sera donc écarté. 2 - sur les frais liés à l'envoi de l'information annuelle des cautions : Les frais liés à l'information annuelle de la caution, imposée par l'article L 313-22 du Code monétaire et financier, ne constituent pas une condition d'octroi du prêt ; ils n'ont donc pas à être inclus dans le calcul du taux effectif global. 3 - sur le coût des inscriptions hypothécaires : Il n'est pas contesté que le coût des inscriptions hypothécaires prises par la banque pour garantir l'emprunt contracté par la Snc n'a pas été intégré dans le Teg et ce, pour une somme non contestée de 9.876,76 €. Pour autant, rapportés au coût total du crédit, ces frais supplémentaires demeurent non significatifs, leur prise en compte dans la détermination du taux réel n'étant pas de nature à le faire varier d'une décimale au moins (la différence étant en l'occurrence de l'ordre de 0,02278%). 4 - sur les frais de tenue de compte : Les commissions et frais de tenue de compte constituent le prix de services bancaires, distincts du crédit lui-même et qui n'en constituent pas la contrepartie, de telle sorte qu'ils n'ont pas à être intégrés dans le calcul du Teg. 5 3 - sur les frais consécutifs à la réorganisation juridique et financière prétendument imposée par le Cio : Ainsi qu'il sera démontré ci-après, ce sont les Consorts S... eux-mêmes, assistés de leurs conseils, qui ont pris l'initiative de proposer au Cio la réorganisation complète des structures sociales détenant et gérant le domaine de la [...], les Consorts S... ayant ainsi décidé que la propriété du château, jusqu'alors détenue par la Sarl Ma.ges, serait cédée à la Snc [...], d'où l'emprunt souscrit par cette dernière auprès du Cio le 22 juin 2009. La cour en veut pour preuve, notamment : - la lettre adressée au Cio le 22 janvier 2009 (pièce n° 12 produite par la banque) aux termes de laquelle R... S..., à la recherche d'un financement, informe l'établissement financier qu'il a « pris la décision de vendre les actifs immobiliers de la Sarl Ma.ges à la Snc [...] », l'auteur du courrier détaillant comme suit les avantages d'une telle opération : réalisation d'embauches de personnel et d'investissements nécessaires au développement de la Snc, possibilité d'entrées de nouveaux investisseurs dans le capital de la Snc, apurement de l'endettement de la Sarl ; - le dossier prévisionnel de développement de la Snc « avec achat » du château, document transmis au Cio par R... S... à la même période, soit plusieurs mois avant la signature de l'emprunt litigieux, ce document ayant été réalisé par un cabinet d'expertise-comptable pour crédibiliser la demande de financement présentée par les Consorts S.... S'il est constant que la banque a accepté ce montage, en revanche il n'est pas démontré qu'elle l'ait initié ; c'est d'ailleurs très précisément ce qu'elle a indiqué à R... S... par un message électronique du 17 juin 2009 (pièce n° 4 du dossier des appelants), soit quelques jours avant la souscription de l'emprunt litigieux : « Ce schéma, je vous le rappelle, m'a été proposé par vous, et je l'ai accepté [...] ». Il en résulte qu'il n'y avait pas lieu d'intégrer le coût de ces différentes opérations, évalués par la Snc à 31.473,64 € (frais de notaire etc), dans le Teg, puisqu'elles étaient étrangères au contrat de crédit lui-même. Il n'y avait pas lieu non plus d'y intégrer l'incidence fiscale, d'un montant évalué à 226.288 €, de cette réorganisation qui a entraîné l'imposition d'une plus-value directement répercutée sur le foyer fiscal des époux S.... Il résulte de ce qui précède que le Teg stipulé dans l'emprunt contracté par la Snc [...] auprès du Cio est globalement exact, les quelques omissions et approximations affectant le taux annoncé n'étant pas de nature à le faire varier au-delà du seuil de tolérance réglementaire. En conséquence, la Snc sera déboutée de sa demande tendant à l'annulation du taux conventionnel, à son remplacement par le taux légal, et partant, au remboursement d'intérêts dont elle ne démontre pas le caractère indu..» ;
ALORS QUE 1°) pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que l'ensemble des frais conditions de l'octroi du prêt doivent être inclus, quels qu'en soient l'origine ; qu'en considérant que les frais afférents au montage juridique qui était une condition nécessaire à l'octroi du crédit ne devaient pas être inclus au motif inopérant que la banque n'était pas initiatrice de ce montage, la Cour d'appel a violé l'article L 313-1 du Code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux ;
ALORS QUE 2°) que lorsque l'emprunteur s'oblige à domicilier ses revenus auprès du prêteur, ce qui implique nécessairement des frais de tenue de compte, ces frais doivent être pris en considération dans le calcul du taux effectif global ; qu'en l'espèce, la banque a imposé comme condition déterminante de l'octroi du crédit, le Cio a imposé la domiciliation de la totalité de ses revenus ; qu'en refusant cependant de prendre en compte ces frais pour dire si le Teg était exact, la Cour d'appel a violé l'article L 313-1 du code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux ;
ALORS QUE 3°) pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ; que cette règle ne peut être écartée, en matière de crédit immobilier portant sur des montants conséquents, aux motifs que l'écart entre le taux effectif global mentionné dans le contrat de prêt et celui du taux réel est inférieur à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation (règle instituée par décret) ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que « Il n'est pas contesté que le coût des inscriptions hypothécaires prises par la banque pour garantir l'emprunt contracté par la Snc n'a pas été intégré dans le Teg et ce, pour une somme non contestée de 9.876,76 €. » ; qu'en refusant de faire droit à la demande de l'exposante aux motifs que « Pour autant, rapportés au coût total du crédit, ces frais supplémentaires demeurent non significatifs, leur prise en compte dans la détermination du taux réel n'étant pas de nature à le faire varier d'une décimale au moins (la différence étant en l'occurrence de l'ordre de 0,02278%) » la Cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du Code de la consommation, dans sa version applicable à la cause (Décret n° 2002-927) ensemble l'article L 313-1 du code de la consommation, dans sa numérotation et sa rédaction applicables au contrat litigieux.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté les sociétés [...] Patrimoine, [...] et Ma.ges, ainsi que R... S... et K... S... de l'ensemble de leurs demandes ;
AUX MOTIFS QUE « Sur les prétendus manquements contractuels imputés au Cio :
Les intimés reprochent essentiellement à la banque : - d'abord de ne pas avoir respecté l'engagement qu'elle avait pris d'apporter son concours au financement global de l'opération, alors que le projet de réhabilitation du domaine de la [...] ne pouvait être mené à bien sans que la banque n'accorde la totalité du financement initialement convenu ; - ensuite d'avoir pris des garanties excessives et ruineuses pour ses clients ; - enfin d'avoir manqué à son obligation de mise en garde en sa qualité de dispensateur de crédit. A - Sur les concours : Les intimés font d'abord valoir que, dès 2006, soit au moment où la Sarl Ma.ges lui a emprunté une somme de 800.000 €, le Cio savait déjà que le montant global de l'opération de réhabilitation du domaine de la [...] nécessiterait l'emprunt d'une somme totale de 2.400.000 € ainsi qu'il était indiqué dans l'emprunt souscrit par la Sarl le 12 juillet 2006, ce document précisant effectivement que l'emprunt de 800.000 € a pour objet une prise de participation dans le capital de la Snc afin de financer l'acquisition et les travaux de rénovation du château pour une opération envisagée d'un montant total de 2.400.000 €. Pour autant, il est constant que le montant de l'emprunt alors contracté par la Sarl Ma.ges n'excède pas 800.000 €, la seule référence, dans l'acte de prêt, à une opération de financement global d'un montant de 2.400.000 € ne signifiant nullement que la banque ait accepté d'emblée de prêter une telle somme. En effet, d'autres hypothèses étaient alors envisagées, notamment de solliciter d'autres établissements bancaires qui aurait pu participer au financement ou, plus simplement encore, de différer la réhabilitation complète du domaine dans l'attente de la reconstitution des réserves et capacités de financement de la famille S.... En tout état de cause, il ne saurait être affirmé que le Cio se soit engagé à financer l'opération au-delà du seul prêt qu'elle a alors accordé à la Sarl Ma.ges. De même, lorsque, au mois de juin 2009, le Cio a de nouveau accepté de prêter, cette fois à la Snc [...], la somme de 1.600.000 € afin de lui permettre d'acheter les droits immobiliers détenus par la Sarl Ma.ges, la banque ne s'est pas davantage engagée à lui accorder ensuite un prêt complémentaire pour atteindre un financement total de 2.400.000 €. Dès lors, ne s'étant pas engagée au-delà des seuls financements qu'elle a accepté de fournir à ses clients, la banque n'était pas tenue de leur accorder de nouveaux crédits, ce d'autant plus que des incidents de paiement sont alors survenus, conduisant finalement le Cio à prononcer la déchéance du terme des deux emprunts souscrits par les société [...] et [...] Patrimoine ; Les Consorts S... eux-mêmes n'auraient pas manqué de reprocher à la banque son soutien abusif si celle-ci, en dépit de ces incidents de paiement, avait accepté de leur accorder de nouveaux prêts ; c'est d'ailleurs ce qu'ils font en lui reprochant d'avoir accordé à la Snc un prêt de 1.600.000 € à une époque où, déjà, celle-ci rencontrait des difficultés ayant conduit la banque à lui accorder une autorisation de découvert. Pour autant, il ne saurait être reproché au Cio, ni d'avoir consenti ce prêt, ni d'avoir refusé ensuite d'en accorder de nouveaux, dès lors en effet : - qu'à la date du 22 juin 2009, lors de la souscription de l'emprunt par la Snc, celle-ci était encore en mesure de rembourser ses dettes et présentait par ailleurs un dossier prévisionnel de développement qui pouvait paraître crédible et ce, dans un contexte où d'elle-même la société ne prétendait plus réaliser, du moins immédiatement, son projet impliquant un financement total de 2.400.000 €, la lettre de R... S... en date du 22 janvier 2009 ne faisant en effet mention que d'un besoin de financement à hauteur de 1.600.000 € (lui-même intégrant, du fait du rachat des immeubles appartenant à la Sarl Ma.ges, l'apurement du crédit précédemment contracté par celle-ci) ; - qu'au contraire, les incidents de paiement qui devaient survenir par la suite justifiaient logiquement le refus du Cio d'accorder de nouveaux crédits aux Consorts S.... Il résulte de ce qui précède que le Cio n'a commis aucune faute, ni en consentant aux emprunts accordés aux sociétés [...] et [...] Patrimoine, ni en leur refusant ensuite de nouveaux crédits. B - Sur les garanties : 1 - Sur les garanties recueillies à l'occasion du prêt consenti à la Sarl [...] Patrimoine : Pour seule justification de sa plainte, la société écrit que « les garanties prises par la banque sont sans commune mesure avec les concours accordés », dénonçant ainsi la prise d'une hypothèque conventionnelle, d'un privilège de prêteur de deniers, et de deux cautions personnelles. A défaut d'autres précisions, la cour ne sait pas sur quel fondement juridique la société articule sa demande de dommages-intérêts, alors qu'il ne saurait être reproché à la banque, par principe et sans autre forme de démonstration, d'avoir voulu garantir son prêt. 2 - Sur les garanties recueillies à l'occasion du prêt consenti à la Snc [...] : Ici encore, la société se borne à dénoncer les conditions dans lesquelles le Cio lui aurait imposé une hypothèque sur tous les biens appartenant à la Snc, une garantie Oseo à hauteur de 70 % du crédit octroyé (ce qui serait excessif selon un rapport d'expertise privé établi à la demande des Consorts S...), a fortiori pour une commission calculée à un taux anormalement élevé (toujours selon ce rapport), alors par ailleurs que la garantie Oseo serait incompatible avec la prise d'une hypothèque sur la résidence principale du dirigeant de la société, enfin un cautionnement solidaire requis auprès de Monsieur et Madame S.... La cour veut bien prendre acte de ces critiques. Encore faudrait-il, pour qu'elles puissent être suivies d'effets et, le cas échéant, emporter sanction au détriment du Cio, que les appelants expliquent sur quel fondement juridique ils agissent, ne pouvant pas se contenter de dénoncer des garanties « excessives » ou « exagérées » sans expliquer à quelles règles de droit celles-ci contreviendraient, alors en effet qu'il ne saurait être fait grief à la banque, par principe, d'avoir voulu garantir sa créance. A défaut de plus amples explications données par les appelants, la cour s'en tiendra donc aux seules hypothèses envisagées par l'intimé : - les appelants se plaindraient d'une disproportion des garanties par rapport au concours lui-même, l'article L 650-1 du Code de commerce envisageant effectivement cette hypothèse ; toutefois, il convient de rappeler que ce texte ne trouve à s'appliquer que pour autant qu'il soit établi que le concours financier ait été consenti fautivement par le créancier, alors qu'il a été précédemment démontré que tel n'était pas le cas ; - les appelants pourraient aussi se plaindre d'une disproportion des garanties par rapport aux biens et revenus de l'emprunteur lui-même ; ici encore, le fondement juridique d'une telle critique n'est pas énoncé ; par ailleurs, force est de constater que le patrimoine global de la Snc, évalué à plus de 3.000.000 € aux termes d'un rapport d'expertise que les appelants versent eux-mêmes aux débats, est bien supérieur au montant de l'emprunt contracté de même qu'à la valeur des garanties souscrites. C - Sur l'obligation de mise en garde : Il convient de rappeler que cette obligation n'incombe à la banque qu'à l'égard de l'emprunteur non averti. Or, la seule lecture du curriculum vitae de R... S... (pièce n° 14 du dossier Cio), gérant de la Snc [...] qui a souscrit l'emprunt litigieux, suffit à se convaincre qu'il s'agit d'une personne « avertie » au sens de la vie des affaires, l'intéressé justifiant en effet d'un long parcours professionnel dans le secteur de la promotion immobilière, voire de l'ingénierie fiscale et patrimoniale. Par ailleurs, il convient de rappeler, d'une part que c'est lui qui a décidé du montage à l'origine des emprunts litigieux, d'autre part qu'il était assisté pour ce faire de conseils qui l'ont aidé à préparer le document prévisionnel de développement de la Snc qui a convaincu la banque d'accéder à sa demande de prêt. Dans ces conditions, le Cio ne saurait se voir reprocher d'avoir manqué à son obligation de mise en garde. IV - Sur les autres réclamations : C'est encore vainement que la Snc [...] réclame la condamnation du Cio à lui payer une somme de 25.000 € à titre de dommages-intérêts en remboursement des frais d'acte notarié induits par l'achat des droits immobiliers détenus jusqu'alors par la Sarl Ma.ges, étant encore rappelé que cette restructuration a été décidée par les Consorts S... eux-mêmes. Il en sera de même de la demande de dommages-intérêts formée par la Snc en réparation du préjudice résultant de son placement en redressement judiciaire, le Cio ne pouvant en effet en être déclaré responsable. La Snc sera encore déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour perte de ses fonds propres, celle-ci résultant en effet d'une opération qui ne saurait être imputée à la faute du Cio. La Sarl Ma.ges et les époux S... seront eux aussi déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts au titre de l'imposition sur la plus-value réalisée par la société à l'occasion de la cession opérée au profit de la Snc [...], ce d'autant plus qu'ils étaient parfaitement informés de cette perspective avant même d'avoir procédé à cette vente, ainsi qu'il résulte d'un courrier adressé le 14 juin 2009 par les deux sociétés au Cio (pièce n° 14 du dossier des appelants) ; de même, les époux S... ne pourront qu'être déboutés de leur demande de réparation de leur préjudice moral, leurs difficultés personnelles qui en découlent nécessairement ne pouvant pas être imputées à une quelconque faute de la banque ».
ALORS QUE 1°) le banquier engage sa responsabilité vis-à-vis de son client dès lors qu'il a joué un rôle actif dans l'élaboration du projet et fourni un conseil inadapté à la situation de son client ; qu'en l'espèce il était fait valoir par les exposants (p. 36 s. des conclusions, et également p. 28 s.) que la banque avait participé au montage juridique et financier, donné des conseils sur les opérations à réaliser, refusant des montages financiers moins onéreux, conseils qui s'étaient révélés désastreux, dès lors qu'elle avait ensuite abandonné les emprunteurs en ayant conscience de ce que les fonds consentis ne permettaient pas de faire fonctionner le projet ; qu'en écartant toute responsabilité de la banque sans rechercher si celle-ci n'avait pas participé au choix des montages juridiques et financiers, la cour d'appel a manqué de base légale au regard de l'article 1147 (ancien) du code civil, désormais 1231-1 du code civil.