LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° U 20-80.390 F-D
N° 00045
CK
5 JANVIER 2021
CASSATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 5 JANVIER 2021
Mme E... T... et la société Euroline ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 5-12, en date du 26 novembre 2019, qui, pour détention et offre à la vente ou vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante et contrebande de marchandises prohibées, a condamné la première à douze mois d'emprisonnement avec sursis, la seconde à 30 000 euros d'amende, toutes deux à une amende douanière, a ordonné des mesures de confiscation et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires en demande, en défense et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Euroline, Mme E... N..., épouse T..., les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières, partie civile et les conclusions de Mme Bellone, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Soulard, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'occasion de la visite des locaux professionnels de la société Euroline dont Mme T... est la présidente, les agents des douanes ont découvert notamment deux cent neuf sacs à main paraissant contrefaire le sac de la marque tridimensionnelle B... appartenant aux sociétés [...] International et [...] Sellier.
3. Mme T... et la société Euroline ont été citées devant le tribunal correctionnel, d'une part, pour les délits prévus par le code de la propriété intellectuelle de détention sans motif légitime de marchandises présentées sous une marque contrefaisante et offre à la vente ou vente de telles marchandises, d'autre part, pour le délit douanier d'importation en contrebande de marchandises prohibées.
4. Le tribunal les a déclarées coupables des faits reprochés.
5. Les prévenues et le ministère public ont relevé appel de ce jugement.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième, troisième, quatrième et septième moyens
6. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Sur le sixième moyen
Enoncé du moyen
7. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Euroline et Mme T... coupables de détention irrégulière de marchandises prohibées sans documents justificatifs réguliers, alors « que la justification requise, à laquelle est tenu le détenteur, sur le territoire national, d'une marchandise visée par l'article 215 ou l'article 215 bis du code des douanes peut être d'origine nationale, communautaire ou extra-communautaire ; qu'en l'espèce où la société Euroline et Mme T... faisaient valoir, dans leurs conclusions d'appel, preuve à l'appui, que les sacs litigieux avaient été « licitement importés, faisant l'objet des droits de douanes imposés par la réglementation », et justifiaient donc de l'origine extracommunautaire des marchandises, la cour d'appel, en se fondant, pour les déclarer néanmoins coupables de détention irrégulière de marchandises prohibées sans documents justificatifs réguliers, sur la circonstance qu'elles ont « été dans l'incapacité de fournir un justificatif d'origine communautaire », a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 215, 215 bis et 419 du code des douanes, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
8. Pour déclarer les prévenues coupables d'importation en contrebande de marchandises prohibées, l'arrêt énonce qu'en application de l'article 419 du code des douanes, les marchandises visées à l'article 215 bis du même code sont réputées avoir été importées en contrebande à défaut de justification d'origine ou à défaut de présentation d'un des documents prévus aux articles 215 et suivants du code des douanes. Les juges ajoutent que Mme T... a été dans l'incapacité de fournir un justificatif d'origine communautaire pour la détention des sacs faisant l'objet de la prévention.
9. En l'état de ces énonciations, et dès lors que le simple paiement des droits de douanes invoqué par les prévenues n'était pas de nature à justifier l'importation régulière des marchandises sur le territoire national, l'arrêt n'encourt pas la censure.
10. Ainsi, le moyen doit être écarté.
Mais sur le cinquième moyen
Enoncé du moyen
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société Euroline et Mme T... coupables de détention de marchandises présentées sous une marque contrefaisante et de vente ou d'offre à la vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, alors « que les faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes ; qu'en déclarant la société Euroline et Mme T... coupables tout à la fois de détention de marchandises présentées sous une marque contrefaisante et de vente ou d'offre à la vente de marchandises présentées sous une marque contrefaisante, quand le fait de vendre ou d'offrir à la vente de telles marchandises inclut nécessairement leur détention, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 4 du protocole n° 7 annexé à cette convention, le principe ne bis in idem et les articles L. 716-10, a) et b) du code de la propriété intellectuelle, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu le principe ne bis in idem :
12. Des faits qui procèdent de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention coupable ne peuvent donner lieu, contre le même prévenu, à deux déclarations de culpabilité de nature pénale, fussent-elles concomitantes.
13. Pour déclarer les prévenues coupables, d'une part, de détention sans motif légitime de marchandises présentées sous une marque contrefaisante d'autre part, d'offre à la vente ou vente de telles marchandises, l'arrêt attaqué retient que ces délits portent sur les deux cent neuf sacs contrefaisant la marque tridimensionnelle B... saisis dans les locaux de la société Euroline.
14. En statuant ainsi, alors que les faits poursuivis constituaient un fait unique qui ne pouvait donner lieu à deux déclarations de culpabilité, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du principe ci-dessus rappelé.
15. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
16. La cassation portera sur toutes les dispositions de l'arrêt, en raison du lien étroit unissant les infractions au code de la propriété intellectuelle et au code des douanes reprochées.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 26 novembre 2019, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa retranscription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le cinq janvier deux mille vingt et un.