LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 27 janvier 2021
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président
Arrêt n° 92 F-D
Pourvoi n° Z 18-10.835
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 27 JANVIER 2021
La société Fructidoc, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° Z 18-10.835 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2017 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre), dans le litige l'opposant à la société [...], société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Bras, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Fructidoc, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de la société [...], et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2020 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Le Bras, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 novembre 2017), la société [...] (la société EEF) ayant résilié le contrat intitulé « contrat d'apporteur d'affaires » conclu le 4 janvier 2010 avec la société Fructidoc, celle-ci l'a assignée en requalification de ce contrat en contrat d'agence commerciale et en paiement d'une indemnité de rupture.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société Fructidoc fait grief à l'arrêt de qualifier le contrat liant les parties de contrat de courtage et de rejeter en conséquence ses demandes formées à l'encontre de la société EEF, alors :
« 1°/ que l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'en se bornant à se fonder sur l'extrait K-Bis de la société Fructidoc ou encore sur les seules stipulations du contrat du 4 juin 2010 pour dire que la société Fructidoc n'était investie d'aucun pouvoir de négociation par la société EFF, excluant ainsi la qualification de contrat d'agent commercial, sans examiner les conditions dans lesquelles le contrat avait été effectivement exécuté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code du commerce ;
2°/ qu'en ajoutant que le mail de M. J... du 12 octobre 2012 dans lequel il regrettait n'avoir pas pu assister aux réunions commerciales confirmait que la société Fructidoc n'avait été investie d'aucun pouvoir de négociation, cependant que la circonstance que M. J... n'ait pas été invitée aux réunions commerciales était insuffisante à exclure qu'il ait été investie d'un pouvoir de négociation, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce ;
3°/ qu'en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'arrivée du terme du contrat d'agent commercial donne droit à l'agent commercial à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que ces dispositions étant d'ordre public, les parties ne peuvent pas y déroger ; que, par suite, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur les deux premières branches du moyen entraînera par voie de conséquence nécessaire la censure du chef ayant débouté la société Fructidoc de sa demande à voir la société EFF condamner à lui verser une indemnité compensatrice. »
Réponse de la Cour
3. S'étant fondée sur une appréciation de l'exécution effective du contrat, la cour d'appel qui retient, par motifs adoptés, que si M. J..., représentant la société Fructidoc, jouissait d'une entière liberté pour s'organiser et prospecter la clientèle, et ce, de manière permanente, les pièces versées aux débats démontrent que la société EEF décidait de la politique commerciale et tarifaire et que M. J... n'avait ni pouvoir de signature, ni pouvoir de négociation des conditions contractuelles et qui relève que la société Fructidoc ne produit aucun document de négociations ou de contrats établis pour le compte de la société EEF, en a déduit exactement que la société Fructidoc n'ayant aucun pouvoir de négociation pour le compte de la société EFF, les parties avaient conclu et exécuté un contrat de courtage de marchandises et non d'agent commercial, ce qui excluait l'application des dispositions de l'article L. 134-12 du code de commerce.
4. Le rejet des première et deuxième branches rend le grief de la troisième branche sans portée.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fructidoc aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fructidoc et la condamne à payer à la société [...] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept janvier deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Fructidoc.
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que le contrat liant la société Fructidoc à la société EFF était un contrat de courtage et, en conséquence, a débouté la société Fructidoc de ses demandes formées à l'encontre de la société EFF ;
AUX MOTIFS QU'« en l'état de la procédure, l'appelante sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a qualifié la convention des parties de contrat de courtage et aucune autre demande de requalification n'est soumise à la cour ; qu'il résulte de l'extrait K-bis du registre du commerce et des sociétés délivré par le greffe du tribunal de commerce de Toulouse que la SARL Fructidoc a déclaré une activité d'intermédiaire de commerce en matières premières agricoles et animales notamment, ce qui correspond à une activité de courtier ; que l'article 5, alinéas 3, 5 et de la convention des parties, intitulée « contrat d'apporteur d'affaires » précisait que la SARL Fructidoc exerçait son activité de recherche de clientèle pour la SARL [...] de façon indépendante : « (il) dispose à cette fin de toute liberté pour organiser les voies et moyens de son bureau, de sa prospection, notamment de visite de clientèle et de leurs modalités
(il) jouit pour l'accomplissement de sa mission de la plus grande indépendance et peut librement mandater toute personne pour accomplir tout ou partie de celle-ci
il répondra personnellement de ses préposés ou mandataires et assumera seul leur rémunération » ; que le contrat a été conclu pour une durée déterminée de deux ans, avec tacite reconduction possible et possibilité pour chacune des parties de résilier en notifiant sa décision à l'autre partie par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée 3 mois avant le terme de la convention ; que la mission confiée à la SARL Fructidoc, précisée à l'article 5 du contrat était d'apporter au donneur d'ordre « toutes les informations et tous les clients afin de lui permettre d'introduire les produits et objets de ce contrat chez les clients » mais qu'il lui était interdit de procéder lui-même à « aucun devis, commandes ou contrat et avant contrats, au nom et pour le compte du donneur d'ordre, nécessaire à la conclusion définitive des contrats de vente. De la même façon, il ne procédera ni à la facturation ni à l'encaissement des commandes et n'est (tenue) par aucune obligation d'objectif commercial » ; qu'il ressort des pièces produites et notamment du mail en date des 12 octobre 2012 (pièce n° 2), où M. J... regrette de n'avoir pas participé aux réunions commerciales de la société EEF, que c'est ainsi qu'a été exécutée la convention des parties ; que ceci confirme l'absence de pouvoir de négociation propre à la SARL Fructidoc dans ses rapports avec les clients désireux de contracter avec la société EEF ; qu'il s'agit bien d'un contrat de courtage de marchandises, tel que prévu à l'article L. 131-2 du code de commerce, qui se définit comme celui conclu en vue de favoriser par des démarches la conclusion du contrat par lequel le coutier s'entremet, sans traiter lui-même l'opération, moyennant une commission convenue avec son client » (arrêt pp. 4 et 5) ;
ALORS QUE, premièrement, l'application du statut d'agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions dans lesquelles l'activité est effectivement exercée ; qu'en se bornant à se fonder sur l'extrait K-Bis de la société Fructidoc ou encore sur les seules stipulations du contrat du 4 juin 2010 pour dire que la société Fructidoc n'était investie d'aucun pouvoir de négociation par la société EFF, excluant ainsi la qualification de contrat d'agent commercial, sans examiner les conditions dans lesquelles le contrat avait été effectivement exécuté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code du commerce ;
ALORS QUE, deuxièmement, en ajoutant que le mail de M. J... du 12 octobre 2012 dans lequel il regrettait n'avoir pas pu assister aux réunions commerciales confirmait que la société Fructidoc n'avait été investie d'aucun pouvoir de négociation, cependant que la circonstance que M. J... n'ait pas été invitée aux réunions commerciales était insuffisante à exclure qu'il ait été investie d'un pouvoir de négociation, la cour d'appel a, de nouveau, privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 134-1 du code de commerce ;
ALORS QUE, troisièmement, en application de l'article L. 134-12 du code de commerce, l'arrivée du terme du contrat d'agent commercial donne droit à l'agent commercial à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi ; que ces dispositions étant d'ordre public, les parties ne peuvent pas y déroger ;que, par suite, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur les deux premières branches du moyen entraînera par voie de conséquence nécessaire la censure du chef ayant débouté la société Fructidoc de sa demande à voir la société EFF condamner à lui verser une indemnité compensatrice.