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03/03/2021 | FRANCE | N°19-11535

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 mars 2021, 19-11535


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 198 F-D

Pourvoi n° F 19-11.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 MARS 2021

1°/ M. D...

E...,

2°/ Mme K... P..., épouse E...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° F 19-11.535 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2021

Rejet

Mme DARBOIS, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président

Arrêt n° 198 F-D

Pourvoi n° F 19-11.535

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 3 MARS 2021

1°/ M. D... E...,

2°/ Mme K... P..., épouse E...,

domiciliés tous deux [...],

ont formé le pourvoi n° F 19-11.535 contre l'arrêt rendu le 15 novembre 2018 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige les opposant à la société Amos Lille, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de M. et Mme E..., de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Amos Lille, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2021 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme Lefeuvre, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 15 novembre 2018), M. et Mme E... ont, par un acte du 3 août 2011, cédé à M. U..., moyennant le prix d'un euro, l'intégralité des titres qu'ils détenaient dans le capital de la société par actions simplifiée CTC.

2. L'article 3 de l'acte de cession stipule que « Mme K... E... et son associé D... E... s'engagent à remettre en compte courant, la somme de 18 500 euros, à la signature de la cession, par la remise de 2 chèques de 9 250 euros. Ces chèques seront remis au cessionnaire qui les encaissera sur la banque de CTC soit HSBC Lille, ou sur toute autre banque nouvelle pour alimenter le compte CTC ».

3. Le 28 janvier 2015, M. et Mme E... ont sollicité le remboursement de leurs comptes courants auprès de la société CTC, devenue Amos Lille. Cette dernière leur ayant opposé un refus, au motif que la somme de 18 500 euros ne constituait pas un apport en compte courant d'associé remboursable à première demande, M. et Mme E... l'ont assignée en paiement.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. M. et Mme E... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande, alors :

« 1°/ que la caractéristique essentielle du compte courant d'associé, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 3 du protocole d'accord de cession de parts sociales signé le 3 août 2011 stipule que "Mme K... E... et son associé D... E... s'engagent à remettre en compte courant la somme de 18 500 euros à la signature de la cession par la remise de 2 chèques de 9 250 euros" ; qu'en rappelant que l'avance en compte courant d'associé est un prêt et que l'associé titulaire d'un tel compte est créancier de la société, après avoir constaté que l'article 3 précité ne mentionne pas explicitement d'avance en compte courant d'associé, quand il est précisé que la somme de 18 500 euros a été remise en compte courant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2°/ qu'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 3 du protocole d'accord de cession de parts sociales signé le 3 août 2011 stipule que "Mme K... E... et son associé D... E... s'engagent à remettre en compte courant la somme de 18 500 euros à la signature de la cession par la remise de 2 chèques de 9 250 euros" ; qu'en rappelant que l'avance en compte courant d'associé est un prêt et que l'associé titulaire d'un tel compte est créancier de la société, après avoir constaté que l'article 3 précité ne mentionnait pas explicitement d'avance en compte courant d'associé, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation du principe précité et de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce. »

Réponse de la Cour

5. Après avoir relevé que l'article 3 de l'acte de cession de parts dénommé « prix » ne mentionne pas explicitement d'avance en compte courant d'associé, l'arrêt retient que, s'il ne ressort pas des courriels échangés entre M. U... et M. E..., avant la signature du contrat de cession, l'existence d'un accord sur le versement d'une avance en compte courant d'associé, il en résulte, en revanche, que les parties ont engagé une négociation sur un apport de la part des cédants au compte courant de la société et que la somme finalement retenue correspond au montant médian entre la somme demandée par M. U..., en raison de l'invocation par celui-ci de l'aggravation d'un déficit qu'il attribuait à la prise en charge de salaires et frais de la gérante, et celle proposée par M. E.... L'arrêt relève ensuite que la déclaration d'impôt sur les sociétés souscrite pour l'exercice du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 et les comptes annuels au 30 juin 2014 déposés au greffe du tribunal de commerce font état d'emprunts et de dettes financières diverses, sans donner aucune précision quant à l'origine de ces éléments de passif ni faire mention d'un compte courant d'associé. Il ajoute qu'aucune partie de l'acte ne stipule que la somme de 18 500 euros constitue une avance en compte courant d'associé.

6. En cet état, c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de la commune intention des parties, que l'ambiguïté de leur convention rendait nécessaire, que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que les versements effectués par M. et Mme E... au profit de la société Amos Lille avaient la nature d'avance en compte courant d'associé, ce dont elle a déduit que leur demande de remboursement devait être rejetée.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme E... aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme E... et les condamne à payer à la société Amos Lille la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. et Mme E....

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR écarté la demande formée par M. et Mme E... afin que la société AMOS LILLE soit condamnée à leur payer la somme de 9.250 € chacun au titre de leurs comptes courants d'associés augmentés des intérêts légaux à compter du 25 janvier 2015 ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article 1134 alinéa 1 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et du régime général de la preuve des obligations, "Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites" ; qu'en l'espèce, le protocole d'accord de cession de parts sociales signé par les parties le 3 août 2011 comporte un article 3 nommé "prix" et dispose notamment "Madame K... E... et son associé D... E... s'engage à remettre en compte courant la somme de 18 500 € à la signature de la cession par la remise de 2 chèques de 9 250 €. / Ces chèques seront remis au cessionnaire qui les encaissera sur la banque de CTC soit HSBC Lille, ou sur tout autre banque nouvelle pour alimenter le compte CTC" ; qu'il convient de constater que cet article ne mentionne pas explicitement d'avance en compte courant d'associé ; que selon l'article 1156 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats et du régime général de la preuve des obligations, "On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes" ; que selon l'article L. 110-3 du code de commerce, "A l'égard des commerçants, les actes de commerce peuvent se prouver par tous moyens à moins qu'il n'en soit autrement disposé par la loi" ; qu'en l'espèce, les parties produisent des courriels échangés entre M. U... et M. E... avant la signature du contrat de cession de parts sociales ; qu'ainsi, dans un courriel du 13 juillet 2011, M. U... indiquait "La situation au 31/12 que je connaissais montrait un déficit de 37 000 € environ, à ce jour et après la situation au 30 juin on est plutôt à 60 000 €. L'aggravation est due uniquement à la prise de salaires charges et frais (téléphone, art 82 etc ...) par la gérante d'un montant de 22 000 €. Je vous confirme mon intérêt si vous êtes capable de remettre en compte courant les 22 000 € qui ont aggravé ce déficit. Dans ce cas je suis d'accord pour reprendre la gérance au 1/8/2011" ; que par courriel du 18 juillet 2011, M. E... exposait "Le résultat du 1er septembre 2011 laisse apparaître une perte de 15 000 € consécutif au frais dirigeant pour 22 000 € Salaires + Charges. Nous vous proposons de trouver un accord sur la base de reprise en l'état avec 15 000 € que nous remettrions dans le compte courant" ; que s'il ne ressort pas de ces échanges un accord sur le versement d'une avance en compte courant d'associé, il en résulte en revanche une négociation entre les parties quant à un apport de la part des cédants au compte courant de la société, étant précisé que la somme de 18 500 € versée par M. et Mme E... correspond au montant médian entre la somme de 22 000 € demandée par M. U... et celle de 15 000 € proposée par M, E... ; qu'en outre, si la déclaration d'impôt sur les sociétés pour l'exercice du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 comporte au passif du bilan la mention "autres dettes" et que figurent aux comptes annuels au 30 juin 2014 déposés au greffe du tribunal de commerce de Lille une somme de 147 407 € en face de l'item "autres dettes" ainsi qu'une somme de 16 000 € avec la mention "emprunts et dettes financières diverses", aucune précision ne figure quant à l'origine de ces dettes et emprunts et aucun compte courant d'associé n'est mentionné dans ces documents ; que par ailleurs, il est constant que l'avance en compte courant d'associé est un prêt et que l'associé titulaire d'un tel compte a la qualité de créancier de la société ; que toutefois, alors que M. et Mme E... soutiennent que l'apport en compte courant garantissait la garantie de passif, il convient de constater que dans le protocole d'accord de cession de parts sociales, le paragraphe relatif à la garantie de passif et d'actif qui se trouve à l'article 6 est distinct du paragraphe dans lequel est mentionné l'apport de 18 500 € et figurant à l'article 3 intitulé "prix" ; que de plus, aucun élément du protocole d'accord n'énonce que la somme de 18 500 € ait pu constituer, au titre d'une avance en compte courant d'associé, et donc d'un prêt en faveur de la société, un moyen de garantir le passif de celle-ci, par compensation alors qu'en tant que dette, un compte courant d'associé vient grever le passif d'une société ; qu'enfin, dès lors qu'une demande en paiement a été initiée dans le cadre d'une instance judiciaire par M. et Mme E..., il ne saurait être reproché à la société AMOS LILLE - CTC d'avoir inscrit une provision pour risques de 18 500 € dans son compte de résultat pour l'exercice 2014/2015 ; qu'un tel acte révèle un comportement prévoyant et ne saurait être analysé comme une anticipation sur l'issue du litige ainsi que le soutiennent M. et Mme E... ; qu'en considération de l'ensemble de ces éléments, il convient de constater que les versements de 9 250 €, chacuns effectués par M. et Mme E... au profit de la société AMOS LILLE n'ont pas constitué une avance en compte courant d'associés, d'infirmer le jugement déféré dans son entier et de les débouter de leur demande de paiement à l'encontre de la société Amos-Lille CTC ;

1. ALORS QUE la caractéristique essentielle du compte courant d'associé, en l'absence de convention particulière ou statutaire le régissant, est d'être remboursable à tout moment ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 3 du protocole d'accord de cession de parts sociales signé le 3 août 2011 stipule que « Madame K... E... et son associé D... E... s'engage à remettre en compte courant la somme de 18 500 € à la signature de la cession par la remise de 2 chèques de 9 250 € » ; qu'en rappelant que l'avance en compte courant d'associé est un prêt et que l'associé titulaire d'un tel compte est créancier de la société, après avoir constaté que l'article 3 précité ne mentionne pas explicitement d'avance en compte courant d'associé, quand il est précisé que la somme de 18.500 € a été remise en compte courant, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil par refus d'application dans sa rédaction applicable en l'espèce ;

2. ALORS si tel n'est pas le cas QU'il est interdit aux juges du fond de dénaturer les documents de la cause ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que l'article 3 du protocole d'accord de cession de parts sociales signé le 3 août 2011 stipule que « Madame K... E... et son associé D... E... s'engage à remettre en compte courant la somme de 18 500 € à la signature de la cession par la remise de 2 chèques de 9 250 € » ; qu'en rappelant que l'avance en compte courant d'associé est un prêt et que l'associé titulaire d'un tel compte est créancier de la société, après avoir constaté que l'article 3 précité ne mentionnait pas explicitement d'avance en compte courant d'associé, la cour d'appel en a dénaturé les termes, en violation du principe précité et de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable en l'espèce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-11535
Date de la décision : 03/03/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 novembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 mar. 2021, pourvoi n°19-11535


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.11535
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