LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mai 2021
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 605 F-D
Pourvoi n° G 19-20.645
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MAI 2021
L'Ifremer (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer), établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 19-20.645 contre le jugement rendu le 31 mai 2019 par le conseil de prud'hommes de Brest (section encadrement), dans le litige l'opposant à M. [K] [J], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de l'Ifremer, après débats en l'audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Brest, 31 mai 2019), statuant en dernier ressort, M. [J] a été engagé, le 16 août 1983, par le [Adresse 3], aux droits de laquelle est venu l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), pour exercer les fonctions d'ingénieur. Il a été nommé secrétaire général du centre [Localité 1][Localité 2] à compter du 1er janvier 2011 pour quatre ans et a bénéficié, à compter du 30 avril 2014, d'une prime de fonction mensuelle. Il a été renouvelé dans ses fonctions par décision du 21 janvier 2015 pour une durée de quatre ans.
2. Par lettre du 17 janvier 2017, le salarié a informé son employeur de son intention de faire valoir ses droits à la retraite et a, avec l'accord de ce dernier, utilisé ses droits acquis au titre de son compte-épargne temps à compter du 20 mars 2017 jusqu'au 31 mars 2018, date de son départ de l'établissement.
3. Le 21 février 2018, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la condamnation de son employeur à lui verser sa prime de fonction jusqu'au 31 mars 2018.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief au jugement de dire que la fonction de secrétaire général du salarié avait pris fin le 31 mars 2018, date de son départ en retraite, qu'il aurait dû percevoir la prime de fonction jusqu'à cette date et, en conséquence, de le condamner à payer au salarié une somme au titre de la prime de fonction, alors :
« 1°/ que l'instruction PDG n° 2014-002 du 23 avril 2014, relative aux primes de fonction, attribue à compter du 1er mai 2014 une prime ''liée à la fonction'', qui doit être ''mentionnée dans la note de nomination de la personne concernée'', et qui doit prendre fin ''dès que l'intéressé quitte le poste, ce qui est indiqué dans une note d'abrogation mettant fin aux fonctions'' ; qu'en l'espèce, le jugement rappelle que selon l'instruction, ''la prime prend fin dès que l'intéressé quitte le poste, ce qui est indiqué dans une note d'abrogation mettant fin aux fonctions'' et constate qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de M. [J] au 10 mars 2017 par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations et en retenant qu'il devait bénéficier de la prime de fonction jusqu'au 31 mars 2018, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2 de l'instruction PDG du 23 avril 2014 et l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant que la décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 ayant mis fin aux fonctions de secrétaire général de M. [J] au 10 mars 2017 ''a été promulguée à une date postérieure au départ en congé de fin de carrière de Monsieur [J] et qu'au vu des éléments figurant au dossier il n'en n'a pas personnellement été destinataire'', le conseil de prud'hommes, qui a soulevé d'office un moyen tiré de ce que cette décision devait être privée d'effet en raison de sa date de promulgation et de ce que le salarié n'en n'avait pas été destinataire, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ en tout état de cause, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en constatant, d'abord, ''qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de Monsieur [J] au 10 mars 2017'' par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 et, ensuite, ''que la fonction de secrétaire général de M. [J] a pris fin à la date de son départ à la retraite le 31 mars 2018'', le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'une contradiction de motifs sur la date de fin des fonctions de M. [J] et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que le conseil de prud'hommes a énoncé ''qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de Monsieur [J] au 10 mars 2017' 'par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017, mais que l'employeur lui ayant annoncé ultérieurement la remise ''au terme de votre contrat [d]es documents relatifs à la cessation de votre fonction'' et le contrat de travail ayant pris fin le 31 mars 2018, un doute existait sur la date de fin des fonctions ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a dénaturé par omission la décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 qui précisait également que ''M. [Y] [A] est nommé secrétaire général du centre [Localité 1][Localité 2] à compter du 10 mars 2017 et pour une durée de 4 ans, en remplacement d'[K] [J]'' et ''bénéficie d'une prime de fonction d'un montant fixé par l'instruction PDG no 2014-002 du 23 avril 2014 pendant la durée de sa nomination'', ce dont il résultait, sans ambiguïté, qu'à compter du 10 mars 2017, seul M. [A] était Secrétaire général en exercice à la place de M. [J], et en droit de percevoir la prime de fonction attachée à ce poste ; que le conseil de prud'hommes a donc méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
5°/ qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que la note DRH/n°017-046 du 4 avril 2017 signée du PDG de l'Ifremer adressée à M. [J] lui précisait qu'''au terme de votre contrat, la DRH vous remettra les documents relatifs à la cessation de votre fonction'', pour en déduire que la fonction de secrétaire général de M. [J] avait pris fin à la date de son départ à la retraite le 31 mars 2018, le conseil de prud'hommes a dénaturé la portée de cette note qui, sans ambiguïté, se bornait à répondre favorablement au souhait émis le 17 janvier 2017 de M. [J] de partir en retraite le 1er avril 2018 en lui indiquant qu'au terme du préavis, ''vous cesserez en conséquence de faire partie des effectifs de l'Ifremer'', sans contenir aucune indication ou précision sur la date à laquelle, au sens de l'article 2 de l'instruction PDG n° 2014-002 relative aux primes de fonction, M. [J] quitterait de manière effective son poste et perdrait le droit de percevoir la prime attachée à l'exercice des responsabilités de secrétaire général ; que le conseil de prud'hommes a de nouveau méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
6°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant sans avoir analysé ni le tableau produit et mentionné dans les conclusions de l'Ifremer, qui mettait en évidence que M. [J] avait quitté physiquement l'Ifremer dès le 20 mars 2017 et qu'il avait cessé d'exercer de manière effective, au plus tard à cette date, la responsabilité de secrétaire général à laquelle était liée le droit de percevoir la prime de fonction correspondante, ni la lettre du 17 janvier 2017 de M. [J] par laquelle il faisait part de son souhait de partir en retraite au 1er avril 2018 et précisait ''pouvoir quitter physiquement l'institut entre le 10 et le 17 mars 2017'', produite par l'Ifremer, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Appréciant souverainement la valeur et la portée de l'ensemble des éléments qui lui étaient soumis, parmi lesquels se trouvaient les décisions PDG n° 2017-059 et la note DRH 017-46 du 4 avril 2017, le conseil de prud'hommes a constaté, sans dénaturation, que les fonctions de secrétaire général du salarié avaient pris fin à l'issue de ses congés, le 31 mars 2018. En l'état de ces constatations, le conseil de prud'hommes en a exactement déduit, par une décision exempte de vices de la motivation, que la prime de fonction était due pendant ses congés.
6. Le moyen, qui, en sa deuxième branche, critique des motifs surabondants, n'est pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'Ifremer aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (I'Ifremer)
Il est reproché au jugement attaqué d'avoir dit que la fonction de secrétaire général de M. [J] avait pris fin le 31 mars 2018, date de son départ en retraite, d'avoir dit qu'il aurait dû percevoir la prime de fonction jusqu'à cette date et, en conséquence, d'avoir condamné l'IFREMER à payer à M. [J] les sommes de 1 809,99 euros au titre de la prime de fonction et de 1 200 euros au titre des frais irrépétibles ;
Aux motifs que M. [J] demande à bénéficier de sa prime de fonction pendant son congé de fin de carrière ; que conformément à l'instruction PDG n° 2014-002 du 23 avril 2014, « la prime prend fin dès que l'intéressé quitte le poste, ce qui est indiqué dans une note d'abrogation mettant fin aux fonctions » ; qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de M. [J] au 10 mars 2017 par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 ; que cette décision a été promulguée à une date postérieure au départ en congé de fin de carrière de M. [J] et qu'au vu des éléments figurant au dossier, il n'en n'a pas personnellement été destinataire ; que par note DRH/n° 017-046 du 4 avril 2017 signée du PDG d'IFREMER et adressé à M. [J], il lui est précisé : « au terme de votre contrat, la DRH vous remettra les documents relatifs à la cessation de votre fonction » ; que le contrat de travail de M. [J] a pris fin le 31 mars 2018 ; que le doute bénéficie au salarié ; que le conseil dit que la fonction de secrétaire général de M. [J] a pris fin à la date de son départ à la retraite soit le 31 mars 2018 et qu'il aurait dû percevoir sa prime de fonction jusqu'à cette date ; qu'en conséquence, le conseil condamne l'IFREMER à payer à M. [J] la somme de 1 809,99 euros ;
Alors 1°) que l'instruction PDG n° 2014-002 du 23 avril 2014, relative aux primes de fonction, attribue à compter du 1er mai 2014 une prime « liée à la fonction », qui doit être « mentionnée dans la note de nomination de la personne concernée », et qui doit prendre fin « dès que l'intéressé quitte le poste, ce qui est indiqué dans une note d'abrogation mettant fin aux fonctions » ; qu'en l'espèce, le jugement rappelle que selon l'instruction, « la prime prend fin dès que l'intéressé quitte le poste, ce qui est indiqué dans une note d'abrogation mettant fin aux fonctions » et constate qu'il a été mis fin aux fonctions de Secrétaire général de M. [J] au 10 mars 2017 par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 (p. 6, 1er alinéa) ; qu'en n'ayant pas tiré les conséquences légales de ses constatations et en retenant qu'il devait bénéficier de la prime de fonction jusqu'au 31 mars 2018, le conseil de prud'hommes a violé l'article 2 de l'instruction PDG du 23 avril 2014 et l'article 1134 devenu 1103 du code civil ;
Alors 2°) que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens relevés d'office, sans avoir préalablement invité les parties à présenter leurs explications ; qu'en énonçant que la décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 ayant mis fin aux fonctions de secrétaire général de M. [J] au 10 mars 2017 « a été promulguée à une date postérieure au départ en congé de fin de carrière de M. [J] et qu'au vu des éléments figurant au dossier il n'en n'a pas personnellement été destinataire » (jugement p. 6, 2e alinéa), le conseil de prud'hommes, qui a soulevé d'office un moyen tiré de ce que cette décision devait être privée d'effet en raison de sa date de promulgation et de ce que le salarié n'en n'avait pas été destinataire, sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations sur ce point, a méconnu le principe de la contradiction et ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors 3°) et en tout état de cause, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en constatant, d'abord, « qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de Monsieur [J] au 10 mars 2017 » par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 et, ensuite, « que la fonction de secrétaire général de M. [J] a pris fin à la date de son départ à la retraite le 31 mars 2018 », le conseil de prud'hommes a entaché sa décision d'une contradiction de motifs sur la date de fin des fonctions de M. [J] et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors 4°) qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ; que le conseil de prud'hommes a énoncé « qu'il a été mis fin aux fonctions de secrétaire général de Monsieur [J] au 10 mars 2017 » par décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017, mais que l'employeur lui ayant annoncé ultérieurement la remise « au terme de votre contrat [d]es documents relatifs à la cessation de votre fonction » et le contrat de travail ayant pris fin le 31 mars 2018, un doute existait sur la date de fin des fonctions ; qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a dénaturé par omission la décision PDG n° 2017-059 du 4 avril 2017 qui précisait également que « M. [Y] [A] est nommé secrétaire général du centre de Bretagne à compter du 10 mars 2017 et pour une durée de 4 ans, en remplacement d'[K] [J] » et « bénéficie d'une prime de fonction d'un montant fixé par l'instruction PDG n° 2014-002 du 23 avril 2014 pendant la durée de sa nomination », ce dont il résultait, sans ambiguïté, qu'à compter du 10 mars 2017, seul M. [A] était Secrétaire général en exercice à la place de M. [J], et en droit de percevoir la prime de fonction attachée à ce poste ; que le conseil de prud'hommes a donc méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 5°) qu'il est interdit aux juges de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que la note DRH/n° 017-046 du 4 avril 2017 signée du PDG de l'IFREMER adressée à M. [J] lui précisait qu'« au terme de votre contrat, la DRH vous remettra les documents relatifs à la cessation de votre fonction », pour en déduire que la fonction de secrétaire général de M. [J] avait pris fin à la date de son départ à la retraite le 31 mars 2018, le conseil de prud'hommes a dénaturé la portée de cette note qui, sans ambiguïté, se bornait à répondre favorablement au souhait émis le 17 janvier 2017 de M. [J] de partir en retraite le 1er avril 2018 en lui indiquant qu'au terme du préavis, « vous cesserez en conséquence de faire partie des effectifs de l'IFREMER », sans contenir aucune indication ou précision sur la date à laquelle, au sens de l'article 2 de l'instruction PDG n° 2014-002 relative aux primes de fonction, M. [J] quitterait de manière effective son poste et perdrait le droit de percevoir la prime attachée à l'exercice des responsabilités de secrétaire général ; que le conseil de prud'hommes a de nouveau méconnu le principe de l'interdiction faite aux juges de dénaturer les documents de la cause ;
Alors 6°) que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en statuant sans avoir analysé ni le tableau produit et mentionné dans les conclusions de l'IFREMER (pièce n° 9, conclusions p. 3 et p. 5), qui mettait en évidence que M. [J] avait quitté physiquement l'IFREMER dès le 20 mars 2017 et qu'il avait cessé d'exercer de manière effective, au plus tard à cette date, la responsabilité de Secrétaire général à laquelle était liée le droit de percevoir la prime de fonction correspondante, ni la lettre du 17 janvier 2017 de M. [J] par laquelle il faisait part de son souhait de partir en retraite au 1er avril 2018 et précisait « pouvoir quitter physiquement l'institut entre le 10 et le 17 mars 2017 », produite par l'IFREMER (pièce n° 6 et ses conclusions p. 2 et p. 5), le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile.