LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 juin 2021
Cassation partielle et Rejet de mise hors de cause
M. CATHALA, président
Arrêt n° 661 F-D
Pourvois n°
W 19-15.344
N 19-15.566 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 JUIN 2021
1°/ M. [Z] [X], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [S] [P], domicilié [Adresse 2],
ont formé respectivement les pourvois n° W 19-15.344 et N 19-15.566 contre deux arrêts rendus le 8 novembre 2018 par la cour d'appel de Pau (chambre sociale), dans les litiges les opposant :
1°/ à la société Electricité de France (EDF), société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la société Enedis, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], anciennement dénommée ERDF,
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Duval, conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de MM. [X] et [P], de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat des sociétés Electricité de France et Enedis, après débats en l'audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Cathala, président, M. Duval, conseiller référendaire rapporteur, Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° W 19-15.344 et N 19-15.566 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Pau, 8 novembre 2018), MM. [X] et [P], anciens salariés de la société Electricité de France (EDF), qui ont été employés au sein de la centrale thermique d'[Localité 1], ont saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir des dommages-intérêts en réparation de leur préjudice d'anxiété en invoquant avoir été exposés, du fait de leur employeur, à l'inhalation de poussières d'amiante.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
4. Les demandeurs aux pourvois font grief aux arrêts de les débouter de leur demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, alors « que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour débouter les anciens salariés d'EDF, ou leurs ayants droits, de leur demande en réparation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé qu'un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété, cette indemnisation étant réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA et que tel n'était pas le cas des salariés d'EDF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017, applicable au litige :
5. Il résulte de ces textes que le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, en application des règles de droit commun régissant l'obligation de sécurité de l'employeur, pour manquement de ce dernier à cette obligation, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 modifiée.
6. Pour rejeter les demandes de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'anxiété, les arrêts retiennent que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation n'est ouverte qu'au salarié ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante et qui répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque. Ils en déduisent que sauf dans le cadre de la prise en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur. Ils constatent qu'il n'est pas contesté qu'EDF n'est pas classée ACAATA et que les intéressés n'ont jamais été employés par une telle entreprise.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Mise hors de cause
8. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Enedis, anciennement ERDF, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils déboutent MM. [X] et [P] de leur demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice d'anxiété, les arrêts rendus le 8 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Enedis ;
Remet, sur ce point, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Electricité de France aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée à l'encontre de la société Enedis et condamne la société Electricité de France à payer MM. [X] et [P] la somme globale de 200 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens communs produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. [X] et [P], demandeurs aux pourvois n° W 19-15.344 et N 19-15.566
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché aux arrêts attaqués d'avoir débouté chacun des demandeurs aux pourvois de leur demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice d'anxiété ;
AUX MOTIFS QUE l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA), créé par la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999, a pour objectif de permettre aux travailleurs de l'amiante de partir de façon anticipée à la retraite, en compensant la perte éventuelle des droits à la retraite qu'ils peuvent subir, découlant d'un risque d'espérance de vue plus courte en raison de l'inhalation de fibres d'amiante ; que seuls peuvent prétendre au versement de cette prestation, les salariés travaillant ou ayant travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où l'amiante et des matériaux contenant de l'amiante étaient fabriqués et ou traités ; que de même, il est de jurisprudence désormais constante, que le préjudice moral résultant pour un salarié du risque de développer une maladie induite par son exposition à l'amiante est constitué par le seul préjudice d'anxiété dont l'indemnisation, qui n'est ouverte qu'au salarié qui a travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, répare l'ensemble des troubles psychologiques résultant de la connaissance d'un tel risque ; qu'il en résulte que, sauf dans le cadre de la pris en charge d'une maladie professionnelle découlant d'une exposition à l'amiante, un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété qui recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques résultant d'une exposition à l'amiante, y compris sur le fondement d'un manquement à l'obligation de sécurité de résultat de l'employeur ; qu'en l'espèce, [le salarié ou ses ayants droit] ne conteste[nt] pas le fait qu'EDF ne soit pas classée ACAATA mais soutien[nen]t que cette situation crée une inégalité de traitement en sa défaveur dans la mesure où, bien qu'exposé à l'amiante comme les salariés qui travaillaient dans un établissement listé ACAATA, il ne peut pas, à la différence de ceux-ci, être indemnisé de son préjudice d'anxiété ; qu'il maintient sa demande en réparation du préjudice d'anxiété et du préjudice résultant d'une exposition fautive à l'amiante (pages 9 et 81 de ses conclusions reprises oralement à l'audience) sur le fondement du droit commun de la responsabilité contractuelle ? article 1147 du code civil pris dans numérotation ancienne ? et sur les articles L. 4121-1 et suivants du code du travail ; qu'il soutient que ce préjudice est d'autant plus établi qu'en 2013, sur les 115 victimes de l'amiante qui avaient été employées au sein de la centrale d'[Localité 1], 33 sont décédés des suites d'une maladie professionnelle liée à ce matériau ; qu'il affirme que la faute de l'employeur au regard du manquement à l'obligation de sécurité de résultat se caractérise : - d'une part, par une méconnaissance des mesures réglementaires sur l'hygiène et la sécurité qui a eu pour effet de l'exposer à un risque d'inhalation des poussières d'amiante, sans mise en oeuvre effective par l'employeur des moyens de protection adaptés pour supprimer ou réduire ce risque ; - d'autre part, par un défaut d'information sur les risques encourus alors que l'information était rendue obligatoire pour les entreprises utilisatrices d'amiante depuis le décret du 17 août 1977 ; qu'il ajoute que la société EDF, du fait de son activité, ne pouvait ignorer la présence d'amiante sur le lieu de travail de ses salariés et était particulièrement avertie des dispositions légales et de l'état des connaissances scientifiques sur les graves maladies provoquées par ce matériau et ce, dès son embauche ; que cependant : dès lors qu'il a déjà été rappelé aux termes d'une jurisprudence constante : - d'une part, le préjudice dit d'anxiété recouvre l'ensemble des préjudices moraux et psychologiques et/ou les troubles dans les conditions d'existence nés de l'exposition à l'amiante ; d'autre part, que la réparation de ce préjudice « spécifique » est réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA ; que par ailleurs, [le salarié] n'a jamais été employé par une telle entreprise ; qu'en outre, pour être mise en oeuvre la responsabilité contractuelle de droit commun impose, notamment la démonstration d'un préjudice réparable ; qu'enfin, [le salarié ou ses ayants droit] invoque[nt] vainement le principe d'égalité de traitement qui ne peut se concevoir qu'entre salariés placés dans une situation identique ou similaire ce qui n'est précisément pas le cas des salariés ayant travaillé pour le compte d'une entreprise listées à l'ACAATA et de ceux dont l'employeur ne figure pas sur cette liste ; que le salarié [ou ses ayants droits] doi[ven]t être débouté[s] de sa demande d'indemnisation du préjudice qu'il qualifiait d'exposition en première instance et d'anxiété devant la cour ;
1) ALORS QUE le salarié qui justifie d'une exposition à l'amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir en réparation de son préjudice d'anxiété contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même il n'aurait pas travaillé dans l'un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante ; qu'en l'espèce, pour débouter les anciens salariés d'EDF, ou leurs ayants droits, de leur demande en réparation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé qu'un salarié exposé à l'amiante dans une entreprise non listée ACAATA ne peut prétendre à l'indemnisation du préjudice d'anxiété, cette indemnisation étant réservée aux salariés ayant travaillé dans des entreprises listées ACAATA et que tel n'était pas le cas des salariés d'EDF, entreprise non inscrite sur la liste ministérielle des établissements ouvrant droit à ce dispositif ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1389 du 22 septembre 2017 ;
2) ALORS QU'en supposant que tel est le sens des motifs, les juges du fond sont tenus de motiver leur décision et ne peuvent ni statuer par simple affirmation, ni débouter une partie de ses demandes, sans analyser, ni même viser, les pièces sur lesquelles ils fondent leur décision ; qu'en l'espèce, pour débouter les anciens salariés d'EDF, ou leurs ayants droit, de leur demande d'indemnisation du préjudice d'anxiété, la cour d'appel a énoncé que la mise en oeuvre de la responsabilité contractuelle de droit commun imposait la démonstration d'un préjudice réparable ; qu'en statuant ainsi, par voie d'affirmation générale, sans analyser, fût-ce sommairement, ni même mentionner, les éléments de preuve produits par les salariés ou leurs ayants droit et dont ils se prévalaient expressément dans leurs conclusions, notamment les attestations de proches, pour justifier de l'angoisse ressentie par les salariés concernés du fait de leur exposition à l'inhalation de fibres d'amiante, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté chacun des demandeurs aux pourvois de sa demande tendant à la remise d'une attestation d'exposition à l'amiante ;
AUX MOTIFS QUE sur la remise d'attestation aux agents CMR et agents chimiques dangereux, les sociétés EDF et ENEDIS anciennement ERDF s'opposent à la remise des attestations d'exposition aux agents CMR et agents chimiques dangereux au motif que le salarié s'abstient de rapporter la preuve qu'il a été exposé aux produits litigieux ; que [le salarié], retraité [?], maintient sa demande formée contre ENEDIS de remise des attestations d'exposition aux agents CMR et aux agents chimiques dangereux au motif qu'il incombe à l'employeur d'assurer la traçabilité des expositions aux agents chimiques dangereux, et ou agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction ; qu'il précise que cette obligation relève de l'obligation générale de sécurité prévue par les dispositions de l'article L. 4121-1 et suivants du code du travail, dont l'employeur ne peut s'exonérer s'agissant, d'un principe général de prévention ; qu'il fonde sa demande sur les articles : D. 461-25 du code de la sécurité sociale qui prévoit que : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du Décret du 2 octobre 1986, peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de la sécurité sociale. (...) Cette surveillance est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail' ; * R. 4412-58 du code du travail pris dans sa rédaction antérieure au 30 janvier 2012 ; qu'il conteste que la remise de ces attestations soit subordonnée à la preuve de l'exposition à ces substances par le salarié ; qu'il ajoute que diverses notes internes à EDF GDF rappelaient l'obligation de délivrer systématiquement des attestations d'exposition à un risque cancérogène à tout salarié, ayant occupé un emploi faisant partie de la liste des emplois exposés et qu'en tout état de cause, la société employeur ne peut se retrancher derrière l'absence d'outil d'information alors qu'elle dispose d'une matrice intitulée « MATEX » pouvant retracer toutes les expositions, poste par poste ; que l'attestation d'exposition a pour seul objet la prise en charge financière par les organismes de sécurité sociale de la surveillance médicale post professionnelle des salariés ; que sa production permet ainsi : - de faire procéder à des examens médicaux très réguliers sur la personne exposée afin de dépister précocement une éventuelle pathologie, - de ne pas faire supporter aux salariés le coût important de ces examens automatiquement réalisés en cas d'exposition avérée ; que l'obligation pour l'employeur de délivrer des attestations d'exposition s'est construite dans le code du travail de la façon suivante : * le décret du 26 mars 1993, complété par son arrêté d'application du 28 février 1995, publié au Journal Officiel le 22 mars 1995, a créé l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ainsi rédigé : 'La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. Les dépenses correspondantes sont imputées sur le fonds d'action sanitaire et sociale. Cette surveillance post professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail. Le modèle type d'attestation d'exposition et les modalités d'examen sont fixés par arrêté' ; * le décret du 4 janvier 1995 a élargi le champ d'application du texte aux situations d'exposition aux agents cancérogènes figurant dans les tableaux de maladie professionnelle visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ; * le décret du 1er février 2001, publié le 3 février 2001, au Journal Officiel, a établi les règles particulières de prévention des risques cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction en créant dans le code du travail, l'article R. 231-56-11 (ancienne numérotation) imposant à l'employeur notamment de délivrer au salarié une attestation d'exposition aux produits cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction ; * le décret du 23 décembre 2003, publié le 28 décembre 2003 au Journal Officiel, entré en vigueur le 1er juillet 2004 - premier jour du septième mois suivant la publication du présent décret au Journal Officiel - relatif à la prévention du risque chimique a étendu la délivrance de l'attestation aux agents chimiques dangereux, obligation reprise par l'article R. 4412-58 du code du travail après sa recodification qui prévoyait que 'une attestation d'exposition aux produits chimiques dangereux mentionnées à l'article R. 4412-40, remplie par l'employeur et le médecin du travail, est remise au travailleur à son départ de l'établissement, quel qu'en soit le motif' ; * le décret du 30 janvier 2012, publié au Journal Officiel le 31 janvier 2012, entré en vigueur le 1er février 2012, tirant les conséquences de la création de la fiche prévue à l'article L. 4121-3-1 du code du travail a abrogé les articles R. 4412-58 et R. 4412-40 à R. 4412-43 du même code et a prévu en son article 4 que 'l'attestation d'exposition aux agents chimiques dangereux établie pour l'application de l'article R. 4412-58 jusqu'à la date d'entrée en vigueur du présent décret est remise au travailleur à son départ de l'établissement' ; qu'il en résulte que sur le fondement de l'article 2 du code civil selon lequel 'la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif', les attestations ne peuvent être délivrées qu'aux salariés ayant quitté l'entreprise à compter du 22 mars 1995 pour les agents cancérogènes (qui ont pris ensuite la dénomination d'agents CMR) et du 1er juillet 2004 pour les agents chimiques dangereux ; qu'en l'espèce, les pièces versées aux débats démontrent que : dès le mois de décembre 1990, le service général de médecine du travail interne à EDF a annoncé la création d'une projet pour l'évaluation des expositions professionnelles, utilisable pour des études épidémiologiques à EDF-GDF qui s'appuyait sur deux instruments : - une matrice d'emplois/expositions dite MATEX spécifique à EDF, - une fiche individuelle dite FINDEX qui permettrait un suivi des expositions professionnelles ; * le 26 juin 1996, le département de protection sociale d'EDF a prévu, par une note diffusée à l'ensemble de ses établissements les modalités de remise de l'attestation aux produits cancérogènes et un schéma pour le traitement des demandes antérieures au 1er janvier 1995 ; * le 18 juin 1998, la direction a demandé un recensement des produits et matériaux dangereux pour la fin de l'année ; * courant août 2006, le service de médecine du travail interne à EDF a réalisé une analyse sur vingt ans de la mortalité des travailleurs et ex-travailleurs d'EDF-GDF en utilisant les fichiers MATEX et FINDEX qui ont permis de déterminer tous les métiers exercés à EDFGDF et d'avoir des informations sur 27 substances chimiques utilisées dans l'entreprise dont certaines avaient des effets cancérogènes avérés ou supposés ; * à partir de ces documents, EDF a déterminé pour chaque métier et chaque substance, selon les différentes périodes d'emploi, des indices d'exposition ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que dès 1990, la société était consciente de l'exposition à des produits cancérogènes et que par la suite, elle a élaboré plusieurs notes pour maîtriser ces risques et déterminée une méthode pour la délivrance des attestations d'exposition notamment pour la période d'exposition antérieure à 1995 ; que compte tenu des poste(s) occupé(s) par [le salarié] et de sa (ses) période(s) d'emploi : [?], le croisement des différentes pièces produites et citées ci-dessus, - fichiers MATEX et FINDEX, détermination des métiers exposés et fiches de poste ? permet de présumer l'exposition de l'intimé aux produits cancérogènes et/ou chimiques pour lesquels il demande des attestations ; que la société SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF ne rapporte aucune preuve contraire ; qu'il en découle que cette dernière, était tenue de lui remettre les attestations visées ci-dessus, ce qu'elle n'a pas fait ; qu'il convient en conséquence de condamner la SA ENEDIS anciennement dénommée ERDF à lui remettre l'attestation d'exposition à des agents cancérogènes prévue par l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale ; le tout dans un délai de trois mois suivant la signification de la présente décision et passé de ce délai sous astreinte provisoire de 25 ? par jour de retard pendant trois mois ;
ET AUX MOTIFS ENCORE QUE sur la remise des attestations d'exposition à l'amiante, si [le salarié] sollicite l'infirmation du jugement attaqué, en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante, aux agents CMR et aux agents chimiques dangereux, en revanche il ne réclame aux termes de ses dernières conclusions reprises oralement à l'audience, que la délivrance des attestations d'exposition aux agents CMR et aux agents chimiques dangereux (pages [?] de ses conclusions) ; qu'il en résulte donc qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de remise des attestations d'exposition à l'amiante ;
1) ALORS QUE l'amiante figure dans les tableaux visés à l'article L.461-2 du code de la sécurité sociale et constitue donc un agent cancérogène au sens de l'article D. 461-25 du même code de sorte qu'une attestation doit être délivrée par l'employeur à l'ancien salarié exposé à cette substance aux fins de lui faire bénéficier d'une surveillance médicale renforcée ; que le salarié exposé à l'inhalation de fibres d'amiante qui demande la délivrance d'une attestation d'exposition aux agents cancérogènes demande donc implicitement mais nécessairement une attestation d'exposition à l'amiante; qu'en l'espèce, le salarié demandait en cause d'appel la remise d'une attestation d'exposition aux agents cancérogènes et donc implicitement mais nécessairement une attestation d'exposition à l'amiante ; que pour confirmer néanmoins le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'attestation d'exposition à l'amiante, la cour d'appel a énoncé que s'il demandait l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'avait débouté de cette demande, il ne demandait pas la condamnation de son ancien employeur à lui délivrer cette attestation; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2) ALORS QUE subsidiairement, tout en condamnant la société ENEDIS à remettre au salarié une attestation d'exposition à des agents cancérogènes conforme aux dispositions de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande d'attestation d'exposition à l'amiante ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du code de procédure civile.