LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er décembre 2021
Cassation partielle sans renvoi
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1371 F-D
Pourvoi n° U 20-22.982
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER DÉCEMBRE 2021
M. [E] [F], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.982 contre le jugement rendu le 15 avril 2019 par le conseil de prud'hommes de Versailles (section encadrement), dans le litige l'opposant à la société Nexter Systems, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Flores, conseiller, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [F], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Nexter Systems, après débats en l'audience publique du 13 octobre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Flores, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller, Mme Rémery, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon le jugement attaqué (conseil de prud'hommes de Versailles, 15 avril 2019), rendu en dernier ressort, M. [F] a été engagé le 18 mai 1994 par la société Giat Industries, aux droits de la quelle se trouve la société Nexter Systems. Il occupait en dernier lieu les fonctions de responsable assurance qualité, cadre niveau 3A de la convention collective de la métallurgie.
2. Le salarié est parti à la retraite le 31 août 2016.
3. Il a saisi la juridiction prud'homale le 3 février 2017.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais, sur le second moyen
Enoncé du moyen
5. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que la demande de la société Nexter Systems pour demande abusive était bien fondée et d'avoir condamné M. [F] à lui payer la somme de 1 500 euros à ce titre, alors « que le droit d'ester en justice est un droit fondamental à valeur constitutionnelle ; que le conseil de prud'hommes ne pouvait se fonder, pour prononcer une condamnation contre M. [F] au titre de la prétendue procédure abusive, sur le comportement du salarié antérieurement à la procédure ou sur le préjudice subi par la société Nexter Systems ; que conseil de prud'hommes a violé, ensemble, l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil et l'article 6,1° de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382 devenu l'article 1240 du code civil :
6. L'exercice d'une action en justice peut dégénérer en un abus du droit d'ester en justice qui suppose la démonstration d'une faute.
7. Pour condamner le salarié à payer une certaine somme à l'employeur à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, le conseil de prud'hommes a relevé que le salarié a sans raison objective réfuté les réponses apportées par l'employeur et a par le passé déjà saisi les prud'hommes pour une demande dans laquelle il a été débouté et n'a pas interjeté appel. Il ajoute que la demande pour procédure abusive est parfaitement justifiée.
8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser un abus du droit d'agir en justice, le conseil de prud'hommes a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif condamnant le salarié à payer à l'employeur une somme de 1 500 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive entraîne, par voie de conséquence, la cassation du chef de dispositif le condamnant à payer la somme de 100 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. En l'absence de caractérisation d'une faute ayant fait dégénérer en abus le droit du salarié d'agir en justice, la demande de la société doit être rejetée.
13. La demande de la société au titre de l'article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la demande de la société Nexter Systems pour demande abusive est bien fondée, fixe le montant de l'indemnité pour procédure abusive à 1 500 euros et condamne M. [F] à payer à la société Nexter System la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 15 avril 2019, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Nexter Systems ainsi que sa demande au titre des frais irrépétibles ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier décembre deux mille vingt et un.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [F]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR dit que les demandes de Monsieur [F] en paiement de quatre jours de congés payés et en de dommages et intérêts, formulées à l'encontre de la société Nexter, n'étaient pas fondées et de l'en avoir débouté
ALORS QUE nul ne peut se faire de preuve à soi-même ; que les pièces n° 17 et 23, visées par le jugement attaqué (page 7, alinéa 3) pour dire que la demande en paiement de quatre jours de congés payés n'était pas fondée, étaient des réponses de l'employeur lui-même, prétendant que les salariés ayant opté pour le temps partiel bénéficiaient toujours de 30 jours ouvrables de congés payés, en dépit des mentions figurant sur l'outil de gestion Gestor, utilisé par la société Nexter ; que le conseil de prud'hommes devait donc rechercher, comme il y était invité, si le logiciel Gestor accordait aux salariés ayant opté pour le temps partiel le paiement du même nombre de jours de congés que celui accordé aux salariés à temps complet ; que le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 3123-11 du code du travail, dans sa version applicable au litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche au jugement attaqué D'AVOIR dit que la demande de la société Nexter Systems pour demande abusive était bien fondée et d'avoir condamné Monsieur [F] à lui payer la somme de 1 500 euros à ce titre
ALORS QUE le droit d'ester en justice est un droit fondamental à valeur constitutionnelle ; que le conseil des prud'hommes ne pouvait se fonder, pour prononcer une condamnation contre Monsieur [F] au titre de la prétendue procédure abusive, sur le comportement du salarié antérieurement à la procédure ou sur le préjudice subi par la société Nexter Systems ; que conseil de prud'hommes a violé, ensemble, l'article 1240 (anciennement 1382) du code civil et l'article 6,1° de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme