LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 avril 2022
Rejet
M. CATHALA, président
Arrêt n° 536 FS-D
Pourvois n°
X 20-18.799
V 20-18.820 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 21 AVRIL 2022
I - La Fédération française du bâtiment (FFB), dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n°X 20-18.799,
II - la Fédération générale Force Ouvrière construction, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-18.820,
contre l'arrêt rendu le 11 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige les opposant et les opposant également :
1°/ à la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), dont le siège est [Adresse 3],
2°/ à la Fédération Bati-Mat-TP CFTC, dont le siège est [Adresse 5],
3°/ à la Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, dont le siège est [Adresse 8],
4°/ à la Fédération nationale des salariés de la construction, du bois et de l'ameublement CGT (FNSCBA-CGT), dont le siège est [Adresse 6],
5°/ à l'Union fédéral de l'industrie et de la construction UNSA, dont le siège est [Adresse 4],
6°/ à la Fédération des sociétés coopératives et participatives du bâtiment et des travaux publics (SCOP-BTP), dont le siège est [Adresse 10],
7°/ à la Fédération française des entreprises de génie électrique et énergetique (FFIE), dont le siège est [Adresse 9],
8°/ au syndicat CFE-CGC-BTP, dont le siège est [Adresse 1],
La demanderesse au pourvoi n° X 20-18.799 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi n° V 20-18.820 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Huglo, conseiller doyen, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Fédération française du bâtiment, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Fédération générale Force Ouvrière construction, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment ,de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT, de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la Fédération nationale des salariés de la construction, du bois et de l'ameublement CGT, de l'avis de Mme Laulom, avocat général, après débats en l'audience publique du 9 mars 2022 où étaient présents M. Cathala, président, M. Huglo, conseiller doyen rapporteur, M. Rinuy, Mmes Ott, Sommé, Agostini, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, Mme Ollivier, conseillers référendaires, Mme Laulom, avocat général et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 20-18.799 et V 20-18.820 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 juin 2020), statuant en référé, deux accords ont été signés le 14 mai 2019 dans le secteur du bâtiment. Le premier accord, signé entre la Fédération française du bâtiment (FFB), du côté patronal, et les organisations syndicales fédération générale Force Ouvrière construction (le syndicat FO), Fédération Bati-MAT-TP CFTC (le syndicat CFTC) et CFE-CGC-BTP (le syndicat CGC) prévoit la mise en place d'une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation (CPPNI) unique pour tout le secteur du bâtiment. Ce premier accord a fait l'objet d'une opposition majoritaire des syndicats CFDT, CGT et UNSA et a ainsi été privé d'effet. Le second accord, signé entre la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (la CAPEB), du côté patronal, et les organisations syndicales Fédération nationale des salariés de la construction et du bois CFDT (le syndicat CFDT), Fédération nationale des salariés de la construction, du bois et de l'ameublement CGT (le syndicat CGT) et l'Union fédérale de l'industrie et de la construction UNSA (le syndicat UNSA), prévoit la mise en place de deux CPPNI dans le même secteur du bâtiment, l'une pour les entreprises occupant jusqu'à dix salariés, l'autre pour les entreprises occupant plus de dix salariés.
3. Par acte du 19 août 2019, la FFB a saisi le président du tribunal de grande instance statuant en référé pour faire suspendre les effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de deux CPPNI dans le secteur du bâtiment, ainsi que de l'accord signé à la suite concernant les thèmes et calendrier de négociation au motif du trouble manifestement illicite résultant de ces accords. Le syndicat FO s'est joint à cette demande.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen du pourvoi de la FFB, et les première, quatrième et cinquième branches du moyen du pourvoi du syndicat FO
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur les premier et deuxième moyens du pourvoi de la FFB et le moyen du pourvoi du syndicat FO pris en ses deuxième, troisième, sixième et septième branches, réunis
Enoncé du moyen
5. La FFB et le syndicat FO font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes, alors :
selon le premier moyen du pourvoi de la FFB,
« que la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants ; que la preuve de la représentativité des organisations syndicales doit être faite au niveau du champ d'application de la convention ou de l'accord ; que l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation (CPPNI) et l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 ont vocation à s'appliquer dans toutes les entreprises du bâtiment, quel que soit le nombre de salariés occupés, et toutes catégories professionnelles confondues ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que selon l'arrêté du 20 juillet 2017, l'UNSA n'était représentative que dans le champ d'application de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés ; qu'en jugeant néanmoins que sa participation à la signature des accords du 14 mai 2019 n'affectait pas leur validité au motif inopérant que ces accords avaient pour objet d'organiser la négociation au niveau de deux périmètres distincts, soit les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, la cour d'appel a violé les articles L. 2231-1 et L. 2232-6 du code du travail. »
selon le deuxième moyen du pourvoi de la FFB,
« 1/ que l'article L. 2231-9 du code du travail ne prévoit la mise en place que d'une seule commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation dans chaque branche ; que le périmètre de la branche correspond à celui au sein duquel la représentativité des organisations syndicales est reconnue par le ministre du travail ; qu'en l'absence d'arrêté de représentativité dans le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et dans celui des entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, il n'existe qu'une seule branche recouvrant toutes les entreprises du bâtiment sans distinction selon le nombre de salariés occupés par ces entreprises ; qu'en jugeant, pour refuser de suspendre l'accord du 14 mai 2019 instaurant deux CCPNI, l'une pour les entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés, et l'autre pour les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, et l'accord du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier de la négociation 2019, qu'il relevait de la liberté contractuelle des organisations signataires de scinder en deux le champ d'application des conventions collectives catégorielles du bâtiment, la cour d'appel a violé les articles L. 2122-11 et L. 2232-9 du code du travail ;
2/ que la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; que la FFB faisait valoir qu'en l'absence d'arrêté du ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales représentatives au niveau des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, ni au niveau des entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, les CPPNI mises en place par l'accord du 14 mai 2019 ne pouvaient fonctionner faute de pouvoir déterminer les organisation syndicales devant y être représentées ; qu'en se bornant à juger, pour refuser de suspendre l'accord du 14 mai 2019 instaurant une CCPNI pour les entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés, et une autre CPPNI pour les entreprises du bâtiment occupant plus de dix salariés, qu'il relevait de la liberté contractuelle des organisations signataires de scinder en deux le champ d'application des conventions collectives catégorielles, sans rechercher comme elle y était invitée si leur fonctionnement n'était pas impossible compte tenu de l'absence d'organisations syndicales représentatives au niveau du périmètre de chacune des commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2261-19 du code du travail ;
3/ que la FFB contestait l'invitation faite à l'UNSA de désigner ses représentants destinés à siéger au sein des commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, en faisant valoir qu'elle ne figurait pas parmi les organisations syndicales représentatives dans la branche du bâtiment ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
et selon le moyen du pourvoi du syndicat FO,
« 2/ qu'un accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été signés, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, la cour d'appel a reconnu que l'UNSA n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017 ; qu'elle a néanmoins considéré que la signature de ces accords par cette organisations syndicale ne remettait pas en cause leur validité ''dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau de deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité'' ; qu'en statuant par de tels motifs quand il ressortait de ses propres constatations que les accords litigieux du 14 mai 2019 avait été conclus par une organisation syndicale qui n'était pas représentative dans le champ de ces accords, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2231-1 et L. 2232-6 du code du travail ;
3/ qu'un accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été signés, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, la cour d'appel a reconnu que l'UNSA n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017 ; qu'elle a néanmoins considéré que la signature de ces accords par cette organisations syndicale ne remettait pas en cause leur validité ''dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau de deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité'' ; qu'en considérant que l'UNSA avait vocation à participer à la négociation de l'accord dans le périmètre d'activité des entreprises du bâtiment de moins de dix salariés alors qu'elle avait relevé que cette organisation syndicale n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et non dans l'ensemble du périmètre d'activité susvisé, la cour d'appel a de plus fort violé les dispositions des articles L. 2231-1 et L. 2232-6 du code du travail ;
6/ que les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation sont mises en place par accord ou convention dans chaque branche ; que ces commissions sont composées de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; qu'il en résulte qu'une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation ne saurait être valablement mise en place dans un champ professionnel dans le cadre duquel aucun arrêté de représentativité n'a été pris ; qu'en l'espèce, l'accord litigieux du 14 mai 2019 prévoit la mise en place de deux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, l'une se rapportant aux entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés et l'autre aux entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés ; qu'en admettant la validité de cet accord au motif que la négociation collective s'inscrit dans un principe de liberté contractuelle alors qu'il est constant qu'aucun arrêté de représentativité n'est en vigueur dans les champs professionnels couverts par les deux commissions instituées par l'accord, la cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2232-9 I, L. 2261-19 et L. 2122-11 du code du travail ;
7/ que les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation sont mises en place par accord ou convention au niveau des branches professionnelles ; que, si un accord collectif peut définir une nouvelle branche professionnelle par regroupement du champ de plusieurs conventions collectives existantes, il ne saurait en revanche, pour définir une telle branche, procéder par voie de scission du champ de conventions collectives existantes ; qu'en l'espèce, en considérant que la circonstance que les accords litigieux du 14 mai 2019 n'étaient pas illicites malgré le fait qu'ils conduisent à scinder en deux le champ d'application des conventions collectives des ETAM et des cadres du bâtiment au motif que la définition du périmètre de la négociation de branche s'inscrivait dans le cadre de la liberté contractuelle des partenaires sociaux, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels. »
Réponse de la Cour
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2232-9, 1er alinéa, du code du travail, une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation est mise en place par accord ou convention dans chaque branche.
7. Il résulte de l'arrêt que les accords du 14 mai 2019 prévoient la négociation de deux conventions collectives nationales et la mise en place de deux CPPNI dans le secteur d'activité du bâtiment jusqu'alors divisé en quatre branches professionnelles, que ces accords ont été signés par la CAPEB, organisation patronale représentative dans le secteur du bâtiment, et par les syndicats CGT et CFDT, représentant plus de 50 % des suffrages exprimés au niveau du secteur du bâtiment selon l'arrêté de représentativité du ministre du travail modifié le 25 juillet 2018, ainsi que par l'UNSA, représentative dans le champ couvert par la convention collective nationale concernant les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment visées par le décret du 1er mars 1962, c'est-à-dire occupant jusqu'à dix salariés.
8. Dans sa décision n° 2019-816 QPC du 29 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a précisé qu'il résulte des dispositions contestées de l'article L. 2261-32 et du premier alinéa de l'article L. 2261-33 du code du travail que, lorsque le ministre du travail prononce la fusion de branches professionnelles, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d'employeurs qui souhaitent négocier un tel accord de remplacement sont, d'une part, contraintes de le faire dans le champ professionnel et géographique ainsi déterminé par le ministre et, d'autre part, tenues d'adopter des stipulations communes pour régir les situations équivalentes au sein de cette branche. Ce faisant, ces dispositions portent atteinte à la liberté contractuelle. Toutefois, il ressort des travaux préparatoires que le législateur a estimé que la seule négociation collective laissée à l'initiative des partenaires sociaux ne suffisait pas à limiter l'éparpillement des branches professionnelles. En adoptant les dispositions contestées, il a entendu remédier à cet éparpillement, dans le but de renforcer le dialogue social au sein de ces branches et de leur permettre de disposer de moyens d'action à la hauteur des attributions que la loi leur reconnaît, en particulier pour définir certaines des conditions d'emploi et de travail des salariés et des garanties qui leur sont applicables, ainsi que pour réguler la concurrence entre les entreprises. Ce faisant, le législateur a poursuivi un objectif d'intérêt général (points n° 16 et 17).
9. Par ailleurs, l'article L. 2261-34 du code du travail dispose que, jusqu'à la mesure de la représentativité des organisations professionnelles d'employeurs qui suit la fusion de champs conventionnels prononcée en application du I de l'article L. 2261-32 ou de la conclusion d'un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions préexistantes, sont admises à négocier les organisations professionnelles d'employeurs représentatives dans le champ d'au moins une branche préexistant à la fusion ou au regroupement. La même règle s'applique aux organisations syndicales de salariés. Les taux mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 2261-19 et à l'article L. 2232-6 sont appréciés au niveau de la branche issue de la fusion ou du regroupement.
10. Il en résulte que, lorsque les partenaires sociaux décident, en vertu du principe de la liberté contractuelle, de procéder à la fusion de plusieurs branches professionnelles existantes, doivent être invitées à cette négociation, en application du principe de concordance, toutes les organisations syndicales représentatives dans une ou plusieurs des branches professionnelles préexistantes à la fusion.
11. Ayant constaté que l'UNSA était représentative dans le champ couvert par la convention collective nationale concernant les ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, soit une des quatre branches professionnelles dans le secteur du bâtiment préexistantes à la fusion, la cour d'appel en a déduit exactement qu'elle avait vocation à participer à la négociation des accords litigieux.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2232-6 du code du travail, la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants. L'opposition est exprimée dans un délai de quinze jours à compter de la date de notification de cet accord ou de cette convention, dans les conditions prévues à l'article L. 2231-8.
13. Aux termes des deux premiers alinéas de l'article L. 2261-19 du code du travail, pour pouvoir être étendus, la convention de branche ou l'accord professionnel ou interprofessionnel, leurs avenants ou annexes, doivent avoir été négociés et conclus au sein de la commission paritaire mentionnée à l'article L. 2232-9. Cette commission est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré.
14. Il ressort des constatations de la cour d'appel que les organisations syndicales CGT et CFDT sont majoritaires dans le secteur du bâtiment ainsi que cela résulte de l'arrêté de représentativité du ministre du travail du 25 juillet 2018, fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le secteur du bâtiment, dont l'annulation pour excès de pouvoir a été rejetée par arrêt du Conseil d'Etat (CE, 4 novembre 2020, n° 434519).
15. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que les accords du 14 mai 2019, dont le périmètre recouvre l'ensemble du secteur du bâtiment, réunissaient les conditions de validité exigées par l'article L. 2232-6 du code du travail, peu important qu'aucune mesure de la représentativité des organisations syndicales dans le périmètre des deux branches professionnelles créées par ces accords n'ait encore eu lieu.
16. En troisième lieu, le Conseil constitutionnel a précisé, dans sa décision précitée, que les effets de l'arrêté du ministre du travail prononçant la fusion et contraignant les partenaires sociaux cessent au terme du délai de cinq ans suivant la date de cette fusion. Ainsi, les dispositions contestées ne s'opposent pas à ce que, une fois que l'arrêté a produit tous ses effets, les partenaires sociaux révisent l'accord de remplacement ou, à défaut d'avoir conclu un tel accord, qu'ils révisent la convention collective de la branche de rattachement rendue applicable de plein droit, afin notamment de modifier les champs géographique ou professionnel de cet accord ou de cette convention (point 21).
17. Les partenaires sociaux, en application du principe de la liberté contractuelle, sont libres de décider, pour la mise en oeuvre de l'article L. 2232-9, 1er alinéa, du code du travail, du périmètre de la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation et, dès lors, du champ d'application de la convention collective de la branche correspondante.
18. Il appartient au seul ministre du travail, en application du III de l'article L. 2261-32 du code du travail, eu égard à l'intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, de refuser le cas échéant d'étendre la convention collective, ses avenants ou ses annexes, après avis de la Commission nationale de la négociation collective.
19. C'est dès lors à bon droit que la cour d'appel a décidé que le choix des partenaires sociaux par les accords litigieux, après avoir procédé à la fusion des quatre branches préexistantes dans le secteur du bâtiment, d'instaurer deux commissions paritaires permanentes pour la négociation de deux conventions collectives relevait de la liberté contractuelle et qu'en l'absence de trouble manifestement illicite, il n'y avait pas lieu de suspendre l'application de ces deux accords.
20. Il en résulte que le deuxième moyen, en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi de la FFB est inopérant et que les autres griefs ne sont pas fondés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois ;
Condamne la Fédération française du bâtiment et la Fédération générale Force Ouvrière construction aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un avril deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Fédération française du bâtiment, demanderesse au pourvoi n° X 20-18.799
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise ayant débouté la Fédération Française du Bâtiment (FFB) de l'ensemble de ses demandes principales aux fins de suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de deux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation dans le secteur du bâtiment (pour les entreprises occupant jusqu'à 10 salariés et celles occupant plus de 10 salariés), de suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier de négociations 2019 dans le secteur du bâtiment, et d'interdiction de réunion des deux CCPNI susmentionnées telles que prévues pour le 19 septembre 2019, et d'AVOIR condamné la FFB au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux dépens
ALORS QUE la validité d'une convention de branche ou d'un accord professionnel est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants, et à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants ; que la preuve de la représentativité des organisations syndicales doit être faite au niveau du champ d'application de la convention ou de l'accord ; que l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation (CPPNI) et l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 ont vocation à s'appliquer dans toutes les entreprises du Bâtiment, quel que soit le nombre de salariés occupés, et toutes catégories professionnelles confondues ; qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt que selon l'arrêté du 20 juillet 2017, l'UNSA n'était représentative que dans le champ d'application de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés ; qu'en jugeant néanmoins que sa participation à la signature des accords du 14 mai 2019 n'affectait pas leur validité au motif inopérant que ces accords avaient pour objet d'organiser la négociation au niveau de deux périmètres distincts, soit les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, la cour d'appel a violé les articles L 2231-1 et L 2232-6 du code du travail.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise ayant débouté la Fédération Française du Bâtiment (FFB) de l'ensemble de ses demandes principales aux fins de suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de deux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation dans le secteur du bâtiment (pour les entreprises occupant jusqu'à 10 salariés et celles occupant plus de 10 salariés), de suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier de négociations 2019 dans le secteur du bâtiment, et d'interdiction de réunion des deux CCPNI susmentionnées telles que prévues pour le 19 septembre 2019, et d'AVOIR condamné la FFB au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux dépens
1/ ALORS QUE l'article L 2231-9 du code du travail ne prévoit la mise en place que d'une seule commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation dans chaque branche ; que le périmètre de la branche correspond à celui au sein duquel la représentativité des organisations syndicales est reconnue par le ministre du travail ; qu'en l'absence d'arrêté de représentativité dans le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et dans celui des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, il n'existe qu'une seule branche recouvrant toutes les entreprises du bâtiment sans distinction selon le nombre de salariés occupés par ces entreprises ; qu'en jugeant, pour refuser de suspendre l'accord du 14 mai 2019 instaurant deux CCPNI, l'une pour les entreprises du bâtiment employant jusqu'à 10 salariés, et l'autre pour les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, et l'accord du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier de la négociation 2019, qu'il relevait de la liberté contractuelle des organisations signataires de scinder en deux le champ d'application des conventions collectives catégorielles du bâtiment, la cour d'appel a violé les articles L 2122-11 et L 2232-9 du code du travail ;
2/ ALORS QUE la commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation est composée de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; que la FFB faisait valoir qu'en l'absence d'arrêté du ministre du travail fixant la liste des organisations syndicales représentatives au niveau des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés, ni au niveau des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, les CPPNI mises en place par l'accord du 14 mai 2019 ne pouvaient fonctionner faute de pouvoir déterminer les organisation syndicales devant y être représentées (conclusions d'appel de la FFB p 28 et s.) ; qu'en se bornant à juger, pour refuser de suspendre l'accord du 14 mai 2019 instaurant une CCPNI pour les entreprises du bâtiment employant jusqu'à 10 salariés, et une autre CPPNI pour les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, qu'il relevait de la liberté contractuelle des organisations signataires de scinder en deux le champ d'application des conventions collectives catégorielles, sans rechercher comme elle y était invitée si leur fonctionnement n'était pas impossible compte tenu de l'absence d'organisations syndicales représentatives au niveau du périmètre de chacune des commissions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 2261-19 du code du travail ;
3/ ALORS QUE la FFB contestait l'invitation faite à l'UNSA de désigner ses représentants destinés à siéger au sein des commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, en faisant valoir qu'elle ne figurait pas parmi les organisations syndicales représentatives dans la branche du bâtiment (conclusions d'appel de la FFB p 16-17) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen péremptoire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé l'ordonnance entreprise ayant débouté la Fédération Française du Bâtiment de l'ensemble de ses demandes principales aux fins de suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier de négociations 2019 dans le secteur du bâtiment et d'AVOIR condamné la FFB au paiement d'indemnités sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de l'AVOIR condamnée aux dépens
ALORS QUE la FFB faisait valoir que la négociation de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le Bâtiment n'était pas régulière faute pour cet accord d'avoir été soumis à la négociation des partenaires sociaux ; qu'elle précisait que la CAPEB n'avait jamais présenté ni remis aucun projet d'accord sur les thèmes et calendrier des négociations 2019, celui-ci ayant été uniquement remis pour signature aux organisations patronales le 22 mai 2019 sans aucune discussion préalable sur son contenu avec l'ensemble des organisations patronales et syndicales (conclusions d'appel de la FFB p 9-10) ; qu'en se bornant à constater que la CAPEB n'avait jamais caché son opposition au projet de la FFB de mettre en place une CPPNI unique dans le secteur du bâtiment, correspondant à une branche unifiée de tous les champs conventionnels actuels et que la signature des deux accords démontraient qu'ils avaient été soumis aux organisations syndicales qui ont manifesté leur accord respectif sur chacun des deux projets, après débat sur cette question, la cour d'appel qui ne s'est pas prononcée sur les conditions de négociation de l'accord relatif aux thèmes et calendrier des négociations, a violé l'article du code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la Fédération générale Force Ouvrière construction, demanderesse au pourvoi n° V 20-18.820
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la Fédération Générale FO Construction de ses demandes tendant à voir dire et juger que, conformément à l'article L. 2232-9 du Code du travail, une CPPNI ne peut être mise en place qu'au sein d'une branche professionnelle, que le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et celui des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés ne constituent pas des branches professionnelles permettant la mise en place de CPPNI et qu'en l'absence d'arrêté de représentativité et de mesure du poids de chaque organisation dans la branche du bâtiment, ainsi que dans le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et celui des entreprise du bâtiment occupant plus de 10 salariés, il est impossible de déterminer si les conditions de validité des accords litigieux sont remplies et de l'avoir déboutée de ses demandes tendant à voir ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation dans le bâtiment ainsi que la suspension des effets de l'accord collectif national relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le bâtiment et à voir condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UFIC-UNSA au paiement d'une somme par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de suspension des accords du 14 mai 2019 signés par la CAPEB. Le litige porte sur les conditions de mise en oeuvre de l'article L. 2232-9 du code du travail, issu de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, organisant la création des commissions permanentes de négociation et d'interprétation, dans chaque branche. Deux accords ont été signés le 14 mai 2019 dans le secteur du bâtiment, par les organisations syndicales et patronales représentatives : Un accord prévoyant la mise en place d'une seule commission, signé par les organisations patronales FFB, SCOP BTP, FFIE, et les organisations syndicales FO, CFTC, CFE-CGC. Un autre accord prévoit la mise en place de deux CPPNI : une CPPNI dans les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés, et une CPPNI dans les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés. Cet accord a été signé du côté patronal par la CAPEB, et par les organisations syndicales CFDT, CGT, et UNSA. La CGT, la CFDT et l'UNSA ont formé opposition à l'accord issu du projet de la FFB, tandis que les syndicats FO et CFTC faisaient opposition à l'accord proposé par la CAPEB. Le 19 août 2019, la FFB a engagé l'action devant le juge des référés de Paris aux fins de voir ordonner la suspension des effets de l'accord signé par la CAPEB. La FFB a également contesté l'accord de la CAPEB signé avec les mêmes syndicats, fixant les thèmes et calendriers des négociations 2019 dans le bâtiment, et sollicité l'interdiction des deux réunions de CPPNI prévues le 19 septembre 2019. Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a rejeté les demandes de la FFB, au motif notamment qu'aucune norme en droit du travail n'interdit la division conventionnelle du secteur du bâtiment en deux branches professionnelles suivant la taille des entreprises, et que la notion de branche professionnelle relève de la liberté conventionnelle des partenaires sociaux. A l'appui de son appel, la FFB fait valoir que les accords litigieux n'ont pas été conclus avec des organisations syndicales représentatives permettant de s'assurer de leur validité ; que l'accord litigieux a pour champ d'application toutes les entreprises de la branche du bâtiment, quel que soit leur effectif et toutes catégories confondues (ouvriers, Etam, cadres) dans un contexte où la cour administrative d'appel de Paris a annulé les arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018 fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le bâtiment ; que le fait que les organisations signataires soient représentatives au niveau des conventions catégorielles du bâtiment ne leur confère pas cette qualité au niveau de la branche du bâtiment ; que le périmètre d'implantation des CPPNI n'est pas conforme à l'article L. 2232-9 du code du travail qui impose la mise en place d'une seule commission paritaire par branche ; que les signataires des accords litigieux ont profité de la procédure de mise en place des CPPNI pour amorcer une scission de la branche du bâtiment en deux sous-branches, entreprises de plus ou moins dix salariés, alors que cette distinction n'est opérée que pour la catégorie des ouvriers ; que les accords litigieux conduisent à scinder le champ des conventions catégorielles des Etam et cadres du bâtiment en deux, selon la taille des entreprises, ce qui est contraire à l'objectif du législateur de fusionner les branches ; que la branche du bâtiment est le niveau idoine de la CPPNI alors que l'unicité de la branche a été reconnue par l'arrêté du 27 décembre 2013 jamais contesté La CAPEB conclut à l'absence de trouble manifestement illicite et au rejet de la demande de suspension des accords qu'elle a signés, au motif que la mise en place de deux CPPNI correspond à la volonté des Fédérations CGT, CFDT et UFIC-UNSA, en vue d'organiser la restructuration des branches et d'aboutir à deux convention collectives caractérisées par l'activité et le nombre de salariés employés par les entreprises ; que les accords FFB sont caduques du fait de l'opposition manifestée par les syndicats majoritaires CGT et CFDT ; que l'annulation des arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018, qui ont fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le secteur du bâtiment, empêche les organisations syndicales signataires de se prévaloir de leur représentativité dans la branche du bâtiment ; que les accords litigieux sont conformes à l'article L. 2232-9 du code du travail, puisque signés par des organisations d'employeurs et de salariés représentatives dans le secteur du bâtiment ; que les accords sont conformes aux objectifs du législateur puisqu'ils vont permettre de ramener les quatre branches existantes, à deux branches définies en fonction de la taille de l'entreprise, et ces accords résultent de la négociation entre des partenaires sociaux représentatifs dans le champ d'au moins une branche préexistant à l'opération de fusion des champs conventionnels ; que dans l'attente de la procédure d'extension ou de regroupement, la validité de l'accord instaurant deux CPPNI doit uniquement satisfaire aux règles définies par le code civil sur la formation des contrats ; que le grief de déloyauté n'est pas établi puisque l'objet des réunions de négociation visait expressément la mise en place de deux CCN du bâtiment et de deux CPPNI ; que ces accords sont conformes au principe de liberté contractuelle qui gouverne la négociation collective ; qu'enfin, l'accord ne produit pas d'effet contraignant vis-à-vis des organisations non signataires, et notamment de la FFB, la question d'une éventuelle extension des accords devant être tranchée à l'avenir par la ministre du travail. La Fédération FNSCBA CGT conclut également à l'incompétence du juge des référés et au rejet des demandes, ajoutant que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas annulé les arrêtés de représentativité des quatre branches du bâtiment (ouvriers plus de dix salariés, moins de dix, Etam et cadres) qui seuls permettent de mesurer l'audience des organisations syndicales ; que les accords du 14 mai 2019 doivent être considérés comme des accords interbranches ; que la mise en place de deux CPPNI est la première étape de la mise en place de deux convention collectives unifiées dans deux branches professionnelles différentes. La Fédération FNSCB CFDT est également à la confirmation ajoutant qu'en l'absence de définition légale de la branche, ce sont les partenaires sociaux qui définissent le champ d'application d'un accord professionnel ; que la cour administrative d'appel de Paris a admis implicitement que la branche résulte de la définition donnée par les partenaires sociaux, l'administration ne pouvant pas en modifier le périmètre ; que les partenaires sociaux ont ainsi défini deux branches, sur le périmètre desquelles ils ont mis en place deux CPPNI. L'UFIC-UNSA conclut également à la confirmation, ajoutant que les accords litigieux sont conformes aux règles relatives à la représentativité des organisations syndicales et à la loyauté de la négociation ; que les deux CPPNI mises en place par l'accord, concernent les quatre branches existantes dans le secteur du bâtiment. La Fédération FO Construction conclut à l'infirmation de l'ordonnance et à la suspension des effets de l'accord au motif qu'il n'existe pas de branche professionnelle correspondant aux champs des deux CPPNI, ni d'arrêtés de représentativité correspondant aux entreprises du bâtiment occupant plus ou moins de dix salariés, rendant impossible le contrôle des conditions de validité de l'accord ; que les accords sont contraires à l'objectif de restructuration des branches puisqu'il aboutit à créer deux branches supplémentaires dans le bâtiment. La Fédération Bati Mat TP CFTC conclut à l'infirmation au motif qu'il ne peut y avoir qu'une seule CPPNI par branche et que les entreprises du bâtiment occupant plus ou moins de dix salariés, ne constituent pas des branches professionnelles. En droit, la compétence de la juridiction de référés est fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite qui résulte, selon la FFB, de la conclusion d'un accord collectif irrégulier en ce qu'il a été signé par des organisations syndicales représentatives dans un périmètre ne correspondant pas à leur sphère de représentativité. La compétence du juge des référés est fondée sur la nécessité d'obtenir une décision provisoire portant sur les accords litigieux dont il est demandé la suspension, alors que ces accords constituent la première étape dans le renouvellement des accords de branche, suite au nouveau cadre législatif arrêté par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, modifiée par l'ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017, qui a notamment crée les commissions paritaires de négociation et d'interprétation, devant être mises en place dans chaque branche, et dont les missions sont définies par l'article L. 2232-9 du code du travail qui leur confère un rôle essentiel dans l'organisation de la négociation, de veille et d'appui aux entreprises dans la branche qu'elle représente. Ainsi le premier accord contesté, relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le bâtiment, qui organise le calendrier des réunions entre septembre et décembre 2019, fixe un objectif large, puisqu'il prévoit la restructuration des branches du bâtiment et la mise en place de deux conventions collectives nationales : une convention collective nationale pour les entreprises occupant jusqu'à dix salariés (ouvriers, Etam, et cadres) et une convention collective nationale pour les entreprises occupant plus de dix salariés (ouvriers, Etam, et cadres). Le deuxième accord, conforme au même objectif, met en place deux CPPNI en indiquant dans son article 1er qu'il est applicable aux employeurs dont l'activité relève de chacun des champs d'activité définis par les quatre conventions collectives nationales : celle des ouvriers des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés ; celle des ouvriers des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés ; celle des Etam du bâtiment et celle des cadres du bâtiment. L'article 1er précise que pour ces deux CPPNI qui sont constituées, l'une se rapporte à la branche des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés et l'autre à la branche des entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés. La FFB et les Fédérations FO et CFTC contestent la régularité de ces accords en ce qu'ils ont été signés par des organisations syndicales dont la représentativité ne correspond pas aux champs conventionnels existants. Or la négociation collective s'inscrit dans un principe de liberté contractuelle. L'article L. 2232-5 du code du travail donne une définition légale très limitée de la convention de branche, en énonçant que ces termes désignent la convention collective et les accords de branche, les accords professionnels et les accords interbranches. La loi précise ensuite les missions de la convention de branche et son organisation dans les articles L. 2232-5-1 et suivants. La régularité doit s'apprécier à ce stade au niveau de la capacité des parties signataires à négocier l'accord de branche, en conformité avec les dispositions des articles L. 2231-1, L. 2232-5-2 et L. 2232-5-2 du code du travail. Les accords litigieux du 14 mai 2019 ont été signés par des organisations représentatives tant du côté patronal que du côté des syndicats de salariés, puisque la CAPEB a été reconnue représentative dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés par arrêté du 21 décembre 2017, et dans le secteur des entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés par arrêté du 12 juillet 2017. Pour les organisations syndicales de salariés signataires, leur représentativité a été reconnue pour la CGT et la CFDT par les arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017 dans les quatre conventions collectives nationales du secteur du bâtiment. L'UNSA n'est représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017. Mais sa participation à la signature des accords du 14 mai 2019 ne remet pas en cause leur validité dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau des deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité. S'agissant de l'arrêté du 21 décembre 2017 concernant la représentativité de la CAPEB dans les entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés, l'arrêt du 12 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris n'a pas d'impact sur cette représentativité puisque la décision d'annulation porte seulement sur l'article 2 de l'arrêté qui a fixé les poids respectifs de la CAPEB et de la FFB, l'article 1er qui reconnaît sa représentativité n'étant pas remis en cause par cette décision. S'agissant de l'annulation des arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018, qui avaient fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le bâtiment, leur annulation par un deuxième arrêt du 12 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris n'a pas d'impact sur la représentativité des organisations syndicales signataires des accords du 14 mai 2019. D'une part ces organisations syndicales tirent leur représentativité, dans les quatre conventions collectives nationales du bâtiment, des arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017. D'autre part la décision d'annulation de la cour administrative d'appel est fondée sur l'absence de base légale des arrêtés pris par la ministre qui n'avait pas le "pouvoir de restructurer la branche du bâtiment" et d'"agréger les résultats d'audiences obtenus dans le cadre de plusieurs conventions collectives du secteur du bâtiment pour définir un cadre de négociation élargi qualifié de "périmètre assimilable à une branche" et arrêter la liste des organisations syndicales reconnues représentatives admises à y prendre part". Cette décision reconnaît implicitement que les partenaires sociaux sont seuls habilités à définir le périmètre de négociation de la branche, ce que les accords du 14 mai 2019 ont précisément pour objet. Par ailleurs, l'argumentation selon laquelle les accords seraient irréguliers en ce qu'ils conduisent à scinder en deux le champ des conventions catégorielles des Etam et cadres du bâtiment, selon la taille des entreprises, n'est pas fondé pour le même motif tiré de la liberté conventionnelle des partenaires sociaux, alors que la représentativité des Fédérations CGT et CFDT a été reconnue dans les conventions collectives nationales des cadres du bâtiment et des Etam, par les arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017. Il ne saurait être tiré argument de l'arrêté du 27 décembre 2013 qui fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le bâtiment, auquel s'était substitué les arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018 annulés par la cour administrative d'appel de Paris, alors que le secteur d'activité du bâtiment est scindé en quatre conventions collectives nationales qui couvrent les quatre champs conventionnels actuels. Au vu de ces éléments, l'argumentation de la FFB et des Fédérations FO et CFTC contestant la régularité des accords en fonction du périmètre de la nouvelle négociation de branche, n'est pas fondée, ni par voie de conséquence, les contestations portant sur la constitution de deux CPPNI ou sur les thèmes et calendrier de la négociation, qui résultent du même choix des partenaires sociaux de placer la négociation au sein de deux cadres distincts dans le secteur du bâtiment, selon la taille des entreprises de ce secteur d'activité. S'agissant de la contestation portant sur la loyauté de la négociation, la CAPEB produit diverses pièces résultant de messages adressés aux partenaires sociaux et de déclarations liminaires faites lors des réunions de négociation engagées depuis le début 2008, dont il ressort qu'elle n'a jamais caché son opposition au projet de la FFB de mettre en place une CPPNI unique dans le secteur du bâtiment, correspondant à une branche unifiée de tous les champs conventionnels actuels. La FFB ne dément pas que l'opposition des organisations patronales et syndicales s'est cristallisée sur cette question du choix du périmètre de la négociation, ce qui ne peut pas lui permettre de mettre en cause la loyauté de la négociation, alors que la signature des accords qu'elle conteste démontre au contraire que les deux accords ont été soumis aux organisations syndicales qui ont manifesté leur accord respectif sur chacun des deux projets, après débat sur cette question. En définitive, il ressort de l'ensemble de ces éléments que les accords du 14 mai 2019 ne méritent pas d'être suspendus, l'ordonnance du premier juge devant être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de suspension. » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Il résulte des dispositions de l'article 808 du Code de procédure civile que « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. » et des dispositions de l'article 809 alinéa 1er du Code de procédure civile que « Le [Juge des référés] peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. ». Il résulte des dispositions de l'article 484 du code de procédure civile que « L'ordonnance de référé est une décision provisoire rendue à la demande d'une partie, l'autre présente ou appelée, dans les cas où la loi confère à un juge qui n'est pas saisi du principal le pouvoir d'ordonner immédiatement les mesures nécessaires. ». En lecture des dispositions législatives qui précèdent, le dommage imminent se définit comme étant celui qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira immanquablement si la situation litigieuse devait se perpétuer tandis que le trouble manifestement illicite se définit comme un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. Tout exercice d'un droit, quel qu'il soit, pouvant le cas échéant dégénérer en abus de droit ou en dévoiement illicite, la juridiction des référés apparaît en tout état de cause matériellement compétente dès lors qu'il peut s'avérer urgent de mettre en place des mesures provisoires, conservatoires ou de remise en état après caractérisation d'un dommage imminent à prévenir ou d'un trouble manifestement illicite à faire cesser dans les meilleurs délais. L'article L. 2232-9 du code du travail, résultant de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, dispose que : « I.- Une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation est mise en place par accord ou convention dans chaque branche. II. - La commission paritaire exerce les missions d'intérêt général suivantes : 1° Elle représente la branche, notamment dans l'appui aux entreprises et vis-à-vis des pouvoirs publics,·2° Elle exerce un rôle de veille sur les conditions de travail et l'emploi, 3° Elle établit un rapport annuel d'activité qu'elle verse dans la base de données nationale mentionnée à l'article L. 2231-5-1. Ce rapport comprend un bilan des accords collectifs d'entreprise conclus dans le cadre du titre II, des chapitres Ier et Ill du titre III et des titres IV et V du livre Ier de la troisième partie, en particulier de l'impact de ces accords sur les conditions de travail des salariés et sur la concurrence entre les entreprises de la branche, et formule, le cas échéant, des recommandations destinées à répondre aux difficultés identifiées. Il comprend également un bilan de l'action de la branche en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de classifications, de promotion de la mixité des emplois et d'établissement des certificats de qualification professionnelle, des données chiffrées sur la répartition et la nature des postes entre les femmes et les hommes ainsi qu'un bilan des outils mis à disposition des entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Elle peut rendre un avis à la demande d'une juridiction sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif dans les conditions mentionnées à l'article L. 441-1 du code de l'organisation judiciaire. Elle peut également exercer les missions de l'observatoire paritaire mentionné à l'article L. 2232-10 du présent code. Un décret définit les conditions dans lesquelles les conventions et accords d'entreprise conclus dans le cadre du titre II, des chapitres Ier et III du titre III et des titres IV et V du livre Ier de la troisième partie du présent code sont transmis aux commissions mentionnées au I du présent article. III.- La commission paritaire est réunie au moins trois fois par an en vue des négociations mentionnées au chapitre Ier du titre IV du présent livre. Elle définit son calendrier de négociations dans les conditions prévues à l'article L. 2222-3. » L'accord collectif litigieux du 14 mai 2019 ayant conclu à la mise en place de deux Commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation (CPPNI) dans le secteur du Bâtiment, et divisé ainsi ce secteur en deux branches respectivement au titre des entreprises occupant jusqu'à l 0 salariés et au titre de celles occupant plus de 10 salariés, est intervenu dans un contexte général de profondes restructurations du paysage conventionnel sur initiative législative (loi du 8 août 2016) et avec le concours actif des partenaires sociaux. Ce mouvement vise à réduire le nombre de conventions collectives de branches, estimé trop important dans le domaine du Bâtiment, notamment en réduisant le nombre de celles-ci à quelque 200 branches à l'horizon 2019 et en procédant en conséquence à diverses aux opérations de fusions et de rattachements. L'institution des CPPNI a précisément pour finalités d'encadrer ce type de négociation collective en direction des différentes branches du Bâtiment. Il convient ici de rappeler l'enjeu important que pose l'article L. 2261-19 alinéa 1er du code du travail, postulant le principe selon lequel aucune négociation collective ne peut faire l'objet d'une extension ministérielle si elle ne s'est préalablement déroulée dans le cadre d'une CPPNI.·Au terme des débats, il n'apparaît pas sérieusement contestable que le premier accord du 14 mai 2019, ne prévoyant qu'une seule CPPNI en reconnaissance d'une seule branche et conclu entre notamment la FFB (partie patronale) d'une part et les syndicats FO, CFE-CGC et CFTC d'autre part, ne peut avoir aucun effet. Cet accord a en effet donné lieu à l'opposition des syndicats CGT, CFDT et UNSA, alors que cette opposition constitue une opposition majoritaire. Dans ces conditions, seul le second accord prévoyant deux CPPNI et conclu à cette même date du 14 mai 2019 entre la CAPEB (partie patronale) d'une part et les syndicats CFDT, CGT et UNSA demeure manifestement applicable. Le choix opéré par ce second accord en ce qui concerne spécifiquement ce clivage en deux branches économiques distinctes concernant respectivement les entreprises de moins de 10 salariés et les entreprises de 10 salariés relève manifestement de la liberté contractuelle des partenaires sociaux quant à la définition du périmètre estimé le plus pertinent. La prééminence ainsi donnée à la taille del'entreprise dans ce dessein général de restructuration et de redéfinition des contours de branches renvoie d'ailleurs à un clivage déjà opéré plus largement dans les conventions collectives nationales du Bâtiment et de leurs ouvriers d'entreprise suivant que celles-ci occupent jusqu'à 10 salariés ou plus de 10 salariés. Ce critère de la taille de l'entreprise apparaît donc tout aussi légitime qu'un autre. Le caractère très hétéroclite du champ du secteur du Bâtiment ne peut que justifier davantage le recours à ce choix du critère beaucoup plus objectif et en définitive beaucoup moins discutable de la taille de l'entreprise, ce secteur recouvrant les domaines respectifs de la Construction métallique, de la Menuiserie métallique de bâtiments, de la Fabrication et installation de matériel aéraulique, thermique et frigorifique, des Travaux d'aménagement des terres et des eaux, voiries, parcs et jardins, des Travaux d'infrastructure générale, des Entreprises de forages, sondages et fondations spéciales, des Constructions d'ossatures autres que métallique, des Installations industrielles et montageslevages, des Installations électriques, de la Construction industrialisée, de la Maçonnerie et travaux courants de béton armé, du Génie climatique, de la Menuiserie-serrurerie, de la Couvertureplomberie et installations sanitaires, des Aménagements-finitions et des Services de nettoyage. Force est de constater que la FFB et les syndicats FO et CFTC se fondent visiblement sur un simple postulat en estimant sans grande argumentation que le secteur d'activités du Bâtiment constitue une branche unique professionnelle, ne pouvant dès lors être réglé que par une seule CPPNI. Or, il résulte précisément des dispositions de l'article L. 2222-1 alinéa 1er du code du travail, résultant de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, que « Les conventions et accords collectifs de travail, ci-après désignés "conventions "et "accords 11 dans le présent livre, déterminent leur champ d'application territorial et professionnel. Le champ d'application professionnel est défini en termes d'activités économiques. ». Ce principe de liberté laissée aux partenaires sociaux ne fait nullement obstacle à la délimitation d'une branche d'activité économique selon le critère de la taille des entreprises concernées. Quoi qu'il en soit, aucune définition légale n'est en tout état de cause énoncée par le législateur en ce qui concerne la notion de branche professionnelle, ce qui accrédite davantage le rôle et la responsabilité propre des partenaires sociaux pour y pourvoir sur le mode conventionnel. La liberté conventionnelle de définir le concept de branche professionnelle ne peut donc qu'avoir pour corollaire celle d'en définir le nombre et le périmètre au sein d'un même secteur d'activité. Par ailleurs, en l'état actuel de la procédure de référé, aucun élément ne permet d'inférer que la division conventionnelle de ce secteur du Bâtiment en deux branches professionnelles suivant la taille des entreprises concernées heurterait de quelconques normes du droit du travail ou de principes juridiques généraux en matière d'ordre public social au regard des paramètres divers de réalités du travail salarial suivant la taille des entreprises. En effet, les entreprises du Bâtiment sont elles-mêmes nécessairement soumises à des contraintes organisationnelles et concurrentielles qui sont indéniablement de plus en plus différentes à partir du seuil convenu d'une certaine taille, Ce curseur lié à la taille de l'entreprise apparaît même visiblement plutôt pertinent au regard de l'ensemble des normes de régulation de la concurrence entre les entreprises qui doivent dès lors relever autant que possible d'un même champ d'application. En dépit de l'arrêt du 19 mai 2019 de la cour administrative d'appel de Paris invoqué par la FFB, annulant totalement deux arrêtés du 22 décembre 2017 et du 25 juillet 2018 du Ministre du travail qui notamment désignait les syndicats CGT, FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC comme représentatifs et fixait le poids de leur représentativité respective dans la négociation collective, il n'apparaît pas certain que la CAPEB et les syndicats CFDT, CGT et UNSA ne pouvaient a posteriori que se prévaloir de cet arrêté de représentativité du 25 juillet 2018 pour la conclusion de cet accord collectif du 14 mai 2019 à l'origine de ces deux branches nouvelles. Il n'est en toute hypothèse pas davantage contestable que ces organisations patronale et syndicales étaient alors de véritables organisations représentatives dans le champ d'application de chacune de ces deux branches au regard notamment de leurs précédents arrêtés de représentativité. Enfin, la FFB ne conteste pas la lecture du syndicat CFDT suivant laquelle les motifs de cette décision de justice du 19 mai 2019, résulte uniquement du fait que le Ministre du travail n'avait pas la capacité de restructurer la branche du bâtiment et de prendre un arrêté de représentativité au niveau global du bâtiment qui serait assimilé à une seule branche, alors même que les partenaires sociaux avaient donné une autre définition de cette branche, en l'occurrence plus restreinte. Il n'apparaît pas par ailleurs que des éléments de déloyauté seraient manifestement de nature à vicier le contenu de cet accord, compte tenu de la convocation exhaustive de l'ensemble des organisations syndicales représentatives dans l'entreprise aux négociations ayant eu lieu, du calendrier et de la fréquence des réunions de négociations ainsi que de la qualité et de la suffisance des informations nécessaires quant à la capacité de négociation des parties syndicales en bonne connaissance de cause. Le fait que deux propositions aient été présentées par deux organisations patronales distinctes (FFB et CAPEB), prévoyant respectivement une seule CPPNI et deux CPPNI au niveau de la branche, souligne bien au contraire la liberté d'expression des différentes sensibilités qui se sont opposées au cours de ces discussions et donc la qualité même de cette négociation collective. En définitive, faute d'urgence ou d'existence d'un trouble manifestement illicite, l'ensemble des demandes formées à titre principal par la FFB et les syndicats FO et CFTC aux fins de suspensions des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de deux CPPNI dans le secteur du bâtiment et d'interdiction des réunions de ces deux CPPNI prévues pour le 19 septembre 2019 sera en conséquence rejeté. Par voie de conséquence, les demandes de défraiements formées par la FFB et les syndicats FO et CFTC au visa de l'article 700 du code de procédure civile seront purement et simplement rejetées » ;
ALORS en premier lieu QU'un accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ; qu'au niveau de la branche professionnelle, le ministre chargé du travail arrête, après avis du Haut Conseil du dialogue social, la liste des organisations syndicales reconnues représentatives par branche professionnelle à l'issue de chaque mesure d'audience ; qu'en l'espèce, après avoir constaté que les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été conclus dans « le secteur du bâtiment » et que les arrêtés du 22 décembre 2017 et du 25 juillet 2018 qui avaient fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans ce secteur avaient été annulés par arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 12 juillet 2019, la Cour d'appel a néanmoins considéré que cette annulation n'avait pas d'impact sur la représentativité des organisations syndicales signataires de ces accords dès lors que ces organisations syndicales tiraient leur représentativité, dans les quatre conventions collectives du bâtiment, des arrêtés des 22 juin 2017 et du 20 juillet 2017 et que la décision de la Cour administrative d'appel reconnaissait implicitement que les partenaires sociaux sont seuls habilités à définir le périmètre de négociation de la branche, ce que les accords du 14 mai 2019 auraient précisément eu pour objet ; qu'en statuant par ces motifs inopérants, alors qu'il résultait de ses propres constatations que, du fait de l'annulation des arrêtés du 22 décembre 2017 et du 25 juillet 2018 qui fixaient la listes de organisations syndicales représentatives dans le bâtiment, il n'était pas possible d'apprécier si les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été signés par des organisations syndicales reconnues représentatives dans le champ de cet accord, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2231-1, L. 2232-6 et L. 2122-11 du Code du travail ;
ALORS en deuxième lieu et en toute hypothèse QU'un accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été signés, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, la Cour d'appel a reconnu que l'UNSA n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017 ; qu'elle a néanmoins considéré que la signature de ces accords par cette organisations syndicale ne remettait pas en cause leur validité « dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau de deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité » ; qu'en statuant par de tels motifs quand il ressortait de ses propres constatations que les accords litigieux du 14 mai 2019 avait été conclus par une organisation syndicale qui n'était pas représentative dans le champ de ces accords, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2231-1 et L. 2232-6 du Code du travail ;
ALORS en troisième lieu QU'un accord collectif est conclu entre, d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement et, d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ de l'accord ; qu'en l'espèce, ayant constaté que les accords litigieux du 14 mai 2019 avaient été signés, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, la Cour d'appel a reconnu que l'UNSA n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017 ; qu'elle a néanmoins considéré que la signature de ces accords par cette organisations syndicale ne remettait pas en cause leur validité « dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau de deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité » ;qu'en considérant que l'UNSA avait vocation à participer à la négociation de l'accord dans le périmètre d'activité des entreprises du bâtiment de moins de dix salariés alors qu'elle avait relevé que cette organisation syndicale n'était représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés et non dans l'ensemble du périmètre d'activité susvisé, la Cour d'appel a de plus fort violé les dispositions des articles L. 2231-1 et L. 2232-6 du Code du travail ;
ALORS en quatrième lieu et en toute hypothèse QUE la validité d'un accord collectif de branche est subordonnée à sa signature par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli, aux élections prises en compte pour la mesure de l'audience prévue au 3° de l'article L. 2122-5 ou, le cas échéant aux élections visées à l'article L. 2122-6, au moins 30 % des suffrages exprimés en faveur d'organisations reconnues représentatives à ce niveau, quel que soit le nombre de votants ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que les accords litigieux avaient été signés, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, pour conclure à la validité des accord litigieux, la Cour d'appel s'est contentée de relever que la représentativité de la CFDT et de la CGT avait été reconnue par les arrêtés des 22 juin et 20 juillet 2017 dans les quatre conventions collectives nationales du secteur du bâtiment ; qu'en statuant ainsi sans vérifier si ces organisations syndicales avaient recueilli le niveau de suffrages requis au niveau du secteur du bâtiment, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 2232-6 du Code du travail ;
ALORS encore en cinquième lieu QUE la validité d'un accord collectif de branche est subordonnée à l'absence d'opposition d'une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés en faveur des mêmes organisations à ces mêmes élections, quel que soit le nombre de votants ; qu'en l'espèce, après avoir relevé que l'accord du 14 mai 2019 instituant deux CPPNI avait été signé, s'agissant des organisations syndicales, par la CFDT, la CGT et l'UNSA, et que FO et la CFTC avaient fait opposition à cet accord, pour conclure à la validité de l'accord en cause, la Cour d'appel s'est contentée de relever que la représentativité de la CFDT et de la CGT avait été reconnue par les arrêtés des 22 juin et 20 juillet 2017 dans les quatre conventions collectives nationales du secteur du bâtiment ; qu'en statuant ainsi sans vérifier si FO et la CFTC avaient recueilli le niveau de suffrage requis au niveau du secteur du bâtiment pour s'opposer valablement à cet accord , la Cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article L. 2232-6 du Code du travail ;
ALORS en sixième lieu QUE les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation sont mises en place par accord ou convention dans chaque branche ; que ces commissions sont composées de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives dans le champ d'application considéré ; qu'il en résulte qu'une commission paritaire permanente de négociation et d'interprétation ne saurait être valablement mise en place dans un champ professionnel dans le cadre duquel aucun arrêté de représentativité n'a été pris ; qu'en l'espèce, l'accord litigieux du 14 mai 2019 prévoit la mise en place de deux commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation, l'une se rapportant aux entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés et l'autre aux entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés ; qu'en admettant la validité de cet accord au motif que la négociation collective s'inscrit dans un principe de liberté contractuelle alors qu'il est constant qu'aucun arrêté de représentativité n'est en vigueur dans les champs professionnels couverts par les deux commissions instituées par l'accord, la Cour d'appel a violé les dispositions des articles L. 2232-9 I, L. 2261-19 et L. 2122-11 du Code du travail ;
ALORS en septième lieu et en toute hypothèse QUE les commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation sont mises en place par accord ou convention au niveau des branches professionnelles ; que, si un accord collectif peut définir une nouvelle branche professionnelle par regroupement du champ de plusieurs conventions collectives existantes, il ne saurait en revanche, pour définir une telle branche, procéder par voie de scission du champ de conventions collectives existantes ; qu'en l'espèce, en considérant que la circonstance que les accords litigieux du 14 mai 2019 n'étaient pas illicites malgré le fait qu'ils conduisent à scinder en deux le champ d'application des conventions collectives des ETAM et des cadre du Bâtiment au motif que la définition du périmètre de la négociation de branche s'inscrivait dans le cadre de la liberté contractuelle des partenaires sociaux, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 25 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.