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26/10/2022 | FRANCE | N°21-10798

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 26 octobre 2022, 21-10798


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 octobre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1135 F-D

Pourvoi n° W 21-10.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Elior services

propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-10.798 contre l'arrêt rendu le 20 no...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 octobre 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1135 F-D

Pourvoi n° W 21-10.798

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 26 OCTOBRE 2022

La société Elior services propreté et santé, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° W 21-10.798 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-3), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [X], domiciliée [Adresse 2],

2°/ au syndicat CGT des Entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez,avocat de la société Elior services propreté et santé, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de Mme [X], après débats en l'audience publique du 14 septembre 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 20 novembre 2020) la société Elior services propreté et santé a, le 1er mai 2014, en application de l'article 7 2 II de la convention collective nationale des entreprises de propreté, repris le contrat de travail de Mme [X], employée en qualité d'agent de service très qualifié sur le site de l'Institut [7] à [Localité 5].

2. Le 15 juillet 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail, notamment d'une demande en paiement d'un rappel de prime de treizième mois, sur le fondement de l'atteinte au principe d'égalité de traitement.

3. Le syndicat CGT des Entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône (le syndicat) est intervenu volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la salariée une certaine somme au titre du rappel de prime de treizième mois de 2014 à 2016 en comparaison avec les salariés du site de la polyclinique de [Localité 6], et au syndicat CGT des Entreprises de propreté des Bouches-du-Rhône, une certaine somme en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente, alors « que constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et non équivoque de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour juger que le versement de la prime de treizième mois aux salariés [M] et autres devait ''être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 6]'', la cour d'appel s'est bornée à affirmer que ''cette prime de treizième mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (?), mais aussi en novembre 2013 (?), novembre 2014 (?), novembre 2018 (?), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur'' ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de treizième mois aux salariés du site de [Localité 6] n'était pas de nature à exclure toute volonté libre et non équivoque de sa part d'accorder à ces derniers la prime litigieuse, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 du code du travail et 1103 et 1104 du code civil, ces derniers dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

6. Pour faire droit à la demande de la salariée en paiement d'un rappel de prime de treizième mois, l'arrêt retient d'abord qu'il résulte des bulletins de paie produits que cette prime a été attribuée non seulement en novembre 2012 (Mme [M]), mais aussi en novembre 2013 (Mmes [M], [P], [H], [D], M. [S]), novembre 2014 (Mme [M]), novembre 2018 (Mme [P]) et ce, alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de prime de treizième mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du conseil de prud'hommes du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de trente-cinq salariés autres que ceux auxquels l'intimée se compare, que la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par l'employeur.

7. L'arrêt retient encore que, l'employeur ne démontrant pas avoir commis une erreur, le versement de la prime de treizième mois effectué entre 2012 et 2018 au profit de quelques salariés de l'entreprise doit en conséquence être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 6], sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionnée entre les salariés exerçant sur le site de la polyclinique de [Localité 6] et la salariée intimée.

8. Il retient enfin que cette dernière, dont il n'est pas contesté qu'elle se trouve dans une situation de travail de valeur égale aux salariés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 6] auxquels elle se compare, est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 6] entre 2012 et 2018, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient, ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche, l'attribution de la prime à celui qui en a été privé, en raison d'une rupture d'égalité injustifiée étant définitive.

9. En se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, par jugements du 5 janvier 2015, le conseil de prud'hommes avait fait droit aux demandes en paiement de rappels de primes de treizième mois formées par plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 6] auxquels la salariée se comparait, et que trente-cinq autres salariés avaient obtenu gain de cause par jugements du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 et sans rechercher, ainsi qu'il le lui était demandé, si l'attitude de l'employeur consistant à défendre au fond contre toutes les demandes en rappels de prime de treizième mois formées contre lui et à remettre en cause l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamné à verser une prime de treizième mois à certains salariés de la polyclinique de [Localité 6] ne suffisait pas à exclure tout engagement unilatéral de sa part de la leur attribuer, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation prononcée sur le premier moyen n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts au syndicat en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession ainsi qu'aux entiers dépens et au paiement de sommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de la salariée et du syndicat, justifiés par une autre condamnation prononcée à son encontre et non remise en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Elior services propreté et santé à payer à Mme [X] la somme de 4 123,80 euros à titre de rappel de prime de treizième mois de 2014 à 2016, l'arrêt rendu le 20 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne Mme [X] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par Mme Carvois, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile, en remplacement du président empêché, en l'audience publique du vingt-six octobre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Elior services propreté et santé

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

La société ESPS fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à Madame [X] la somme de 4 123,80 € au titre du rappel de prime de 13ème mois de 2014 à 2016 en comparaison avec les salariés du site de la polyclinique de [Localité 6], et au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 100 € en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'obligation à laquelle est légalement tenu le nouvel employeur, en cas de transfert d'une entité économique, de maintenir au bénéfice des salariés qui y sont rattachés les droits qu'ils tiennent de leur contrat de travail, d'un avantage acquis, d'un usage ou d'un engagement unilatéral en vigueur au jour du transfert, justifie la différence de traitement qui en résulte par rapport aux autres salariés ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner la société ESPS à verser à Madame [X] la prime de 13ème mois perçue par les salariés du site de [Localité 6], que ce versement « doit être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 6] sans que l'employeur soit en mesure d'invoquer des raisons objectives et pertinentes justifiant la différence de traitement que ce versement a occasionné entre les salariés exerçant sur le site de la polyclinique de [Localité 6] et la salariée intimée », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'obligation à laquelle la société ESPS était légalement tenue, à la suite de la fusion-absorption de la société HOPITAL SERVICES le 1er avril 2012, de maintenir au bénéfice des salariés de cette société absorbée, qui étaient affectés sur le site de [Localité 6], leur droit au versement d'une prime de 13ème mois, ne justifiait pas la différence de traitement qui en résultait par rapport à Madame [X], embauchée postérieurement au transfert, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et de l'article L 1224-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART et subsidiairement à la première branche, QUE le juge a l'obligation de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; que pour condamner la société ESPS à verser à Madame [X] la prime de 13ème mois perçue par erreur par certains salariés du site de la polyclinique de [Localité 6], la Cour d'appel a affirmé que « l'explication donnée sur l'origine de l'erreur, humaine ou informatique, est différente selon les deux attestations versées », dès lors que « l'une, non datée, émane du Responsable du centre de services partagés de la société ELIOR, Monsieur [I], qui affirme que ladite erreur résulte d'un changement de programme informatique, le passage du système de paye Arcole au système Pléiades ne comportant pas de ligne PFA mais une ligne 13ème mois » et que « l'autre émane d'une Responsable de site, Madame [V], qui explique qu'après avoir été condamnée à verser un rappel de cette prime à des salariés par le Conseil de prud'hommes de Narbonne en avril 2012, l'employeur s'est exécuté mais avait en outre, par erreur, également versé la prime à d'autres salariés avant tout jugement les concernant » ; qu'en statuant ainsi, quand Monsieur [I] avait également relevé, dans son attestation, une « erreur du service paye » qui avait « vers[é] par erreur [la prime de 13ème mois] à quelques salariés ayant saisi le Conseil de prud'hommes et ce, sans attendre l'issue de la procédure ayant conduit à un jugement de condamnation » (pièce n° 10 versée aux débats), ce dont il résultait que son attestation s'accordait avec celle de Madame [V] qui avait, elle aussi, relevé une « erreur comptable » imputable à « nos services de paye [qui] ont donc procédé, dès notre condamnation, aux règlements nécessaires, mais [qui] ont toutefois commis une erreur en attribuant cette prime à quelques salariés ayant engagé eux aussi une procédure prud'homale à l'encontre d'ESPS, sans attendre le jugement de condamnation » (pièce n° 9 versée aux débats), la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation du principe susvisé ;

ALORS, DE TROISIEME PART et subsidiairement à la première branche, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour condamner l'exposante à verser à Madame [X] un rappel de prime de 13ème mois, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 contredit la thèse de l'erreur avancée par ELIOR » dès lors « qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur, le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois ayant été prononcé seulement le 5 janvier 2015 et le jugement du conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 ayant été rendu à l'égard de 35 salariés autres que ceux auxquels l'appelante se compare » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la réitération, en 2013 et 2014, du versement de la prime de 13ème mois aux salariés [M] et autres du site de [Localité 6] ne résultait pas du lien étroit existant entre le contentieux engagé par 35 salariés du site de [Localité 6] - qui avaient obtenu gain de cause sur la prime de 13ème mois par jugement du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 2 avril 2012 puis par arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 26 mars 2014 - et le contentieux des salariés [M] et autres dont les jugements avant dire droit rendus par ce même conseil de prud'hommes le 29 avril 2013 avaient sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Montpellier susvisée, ce dont il résultait que les versements litigieux ne reposaient sur aucune volonté libre de l'employeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil ;

ALORS, DE QUATRIEME PART et subsidiairement à la première branche, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; qu'après avoir constaté « la réitération du versement de la prime entre 2012 et 2014 », la Cour d'appel a cru pouvoir se fonder sur un autre versement effectué en « novembre 2018 [à] Madame [P], et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » pour retenir l'existence d'un « avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 6] entre 2012 et 2018 », qu'en statuant ainsi, quand le versement de novembre 2018 ne résultait pas d'une volonté libre de l'employeur, mais des jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne du 5 janvier 2015 reconnaissant le droit des salariés [M] et autres à percevoir la prime de 13ème mois et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après la cassation, le 13 décembre 2017, des arrêts de la Cour d'appel de Montpellier du 20 janvier 2016, la Cour d'appel a violé les articles L 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil, ensemble l'article 625 du Code de procédure civile ;

ALORS, DE CINQUIEME PART et subsidiairement à la première branche, QUE constitue un engagement unilatéral de l'employeur l'expression de la volonté libre et explicite de ce dernier de consentir un avantage à ses salariés ; que pour juger que le versement de la prime de 13ème mois aux salariés [M] et autres devait « être analysé comme un avantage alloué unilatéralement et discrétionnairement à certains employés affectés sur le site de la polyclinique de [Localité 6] », la Cour d'appel s'est bornée à affirmer que « cette prime de 13ème mois a été attribuée non seulement en novembre 2012 (?), mais aussi en novembre 2013 (?), novembre 2014 (?), novembre 2018 (?), et ce alors même qu'aucune décision de justice ne l'imposait à l'employeur » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la remise en cause systématique par la société ESPS, via l'appel et le pourvoi en cassation, de l'ensemble des décisions judiciaires l'ayant condamnée à verser la prime de 13ème mois aux salariés du site de [Localité 6] n'était pas de nature à exclure toute volonté libre d'accorder à ces derniers la prime litigieuse, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des articles L 1221-1 du Code du travail et 1103 et 1104 du Code civil

ALORS, DE SIXIEME PART et subsidiairement à la première branche, QUE lorsque la différence de traitement invoquée trouve sa source et sa justification dans l'effet relatif de la chose jugée, les salariés ne peuvent revendiquer un avantage sur le seul fondement des effets d'une décision rendue dans une instance où ils n'étaient ni parties ni représentés ; qu'en affirmant, pour condamner la société ESPS à verser à Madame [X] la prime de 13ème mois versée aux salariés [M] et autres du site de [Localité 6], que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne sauraient priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », quand elle avait expressément relevé que « le jugement du conseil de prud'hommes ayant accordé à ces salariés un rappel de primes de 13ème mois a[vait] été prononcé (?) le 5 janvier 2015 », ce dont il résultait nécessairement que cette décision de justice constituait une raison objective et pertinente justifiant la différence de traitement avec Madame [X] qui n'était pas partie au procès, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé le principe d'égalité de traitement ;

ALORS, DE SEPTIEME PART et subsidiairement aux première, deuxième, troisième, quatrième et cinquième branches, QU'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser à Madame [X] une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, qu'un « avantage [avait été] alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 6] entre 2012 et 2018 » et que « la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si l'engagement unilatéral de la société ESPS à verser la prime de 13ème mois aux salariés [M] et autres à compter de 2012 n'avait pas été dénoncé par les jugements du Conseil de prud'hommes de Narbonne rendus le 5 janvier 2015 et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2017, de sorte que la différence de traitement avec Madame [X], qui n'était pas partie au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des règles relatives à la dénonciation des engagements unilatéraux ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement à la septième branche, QUE l'intervention d'une décision de justice se substitue à l'engagement unilatéral de l'employeur dès lors que celui-ci a le même objet et s'applique aux mêmes personnes, peu important que l'engagement n'ait pas été préalablement dénoncé ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner la société exposante à verser à Madame [X] une prime de 13ème mois pour les années postérieures à 2014, que « [la salariée] est donc fondée à se prévaloir de l'inégalité de traitement résultant de l'avantage alloué unilatéralement à plusieurs salariés de la polyclinique de [Localité 6] entre 2012 et 2018, sans être justifiée par l'employeur autrement que par une erreur non retenue par la Cour, la circonstance que lesdits salariés auraient ensuite perçu ce même avantage pour d'autres motifs qui le justifieraient ne saurait priver la salariée du droit à percevoir l'élément de rémunération qui lui est dû en application de l'égalité de traitement dès son embauche », sans cependant rechercher si les jugements du 5 janvier 2015 rendus au profit des salariés [M] et autres - et qui avaient retrouvé leur force exécutoire après l'arrêt de cassation du 13 décembre 2017 - ne s'étaient pas substitués à l'engagement unilatéral que ces salariés bénéficiaient antérieurement, de sorte que la différence de traitement avec Madame [X], qui n'était pas partie au procès, était justifiée objectivement pour la période postérieure au 5 janvier 2015, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des règles régissant la révocation des usages et engagements unilatéraux et du principe d'égalité de traitement.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

La société ESPS fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamnée à verser à Madame [X] la somme de 2 750,90 € au titre de l'indemnité de nourriture de 2014 à 2016 et au syndicat CGT des entreprises de propreté des Bouches du Rhône la somme de 100 € en réparation du préjudice subi par l'intérêt collectif de la profession qu'il représente ;

ALORS, D'UNE PART, QU'une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination illicite au sens de l'article L. 1132-1 du Code du travail ; que pour retenir l'existence d'« une discrimination salariale entre la salariée et les employés du CEA de [Localité 4] qui crée un préjudice à la salariée » et « alloue[r] à la salariée au vu des éléments qu'elle présente sur la durée de cette discrimination opérée et son montant la somme qu'elle sollicite », la Cour d'appel s'est bornée à relever que « la salariée se compare à des salariés recrutés directement par la société ELIOR et non transférés, qui exercent un travail comme elle d'agent de service et perçoivent cette prime de nourriture » et que « la société ELIOR ne prouve pas par des raisons objectives tendant à des considérations de nature professionnelle que cette différence de traitement est justifiée » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant caractériser, ainsi qu'elle y était expressément invitée, le fondement discriminatoire qui établissait, selon elle, une violation de l'article L 1132-1 du Code du travail et justifiait le versement de dommages et intérêts, la Cour d'appel a violé l'article susvisé, ensemble l'article L 1134-1 du Code du travail ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE selon un accord d'établissement « concernant les chantiers de nettoyage au Centre d'études nucléaires de [Localité 4] » conclu le 18 novembre 1997, tout le personnel présent sur ce site à 12h00 a droit à une indemnité de nourriture ; qu'en se bornant à affirmer, pour condamner la société ESPS à verser à Madame [X] la somme de 2 750,90 € au titre de l'indemnité de nourriture, que « cet accord n'a pas été conclu par la société ELIOR, mais par les sociétés présentes sur le site du CEA de [Localité 4] à l'époque, soit ONET, SEN SUD EST et SFNI », de sorte que « les différences de traitement entre salariés ne sont pas présumées justifiées » et que « la société ELIOR ne prouve pas, par des raisons objectives tendant à des considérations de nature professionnelle, que cette différence de traitement est justifiée », sans cependant rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société ESPS n'avait pas appliqué volontairement cet accord d'établissement lors de la reprise du marché de nettoyage du CEA de [Localité 4], de sorte que la différence de traitement avec Madame [X], qui n'était pas affectée sur ce site, était présumée justifiée et qu'il appartenait à cette salariée de démontrer que la différence de traitement était étrangère à toute considération de nature professionnelle, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1103 du Code civil et de l'accord susvisé, ensemble le huitième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et le principe d'égalité de traitement ;

ALORS, ENFIN et subsidiairement, QUE selon l'article I-2.3 de l'accord d'établissement « concernant les chantiers de nettoyage du Centre d'études nucléaires de [Localité 4] » conclu le 18 novembre 1997, « tout le personne présent à 12h ou terminant à 12h a droit à la prime de panier, fixée par le CENG et qui est refacturée à ce dernier » ; qu'après avoir relevé que « la prime est accordée en fonction de la présence sur le site à une certaine heure », la Cour d'appel s'est bornée à affirmer, pour condamner l'exposante à verser à Madame [X] un rappel d'indemnité de nourriture de 2 750,90 € correspondant à 5 jours de travail sur 3 ans, qu'« il sera donc alloué à la salariée, au vu des éléments qu'elle présente sur la durée de cette discrimination opérée et son montant la somme qu'elle sollicite » ; qu'en statuant ainsi, sans cependant exiger de la salariée qu'elle rapporte la preuve de ses jours de présence sur site à midi, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'accord susvisé et du principe d'égalité de traitement.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-10798
Date de la décision : 26/10/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 20 novembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 26 oct. 2022, pourvoi n°21-10798


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Munier-Apaire, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10798
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