La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/11/2022 | FRANCE | N°21-10420

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 novembre 2022, 21-10420


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1161 F-D

Pourvoi n° K 21-10.420

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 1],

a formé le pourvoi n° K 21-10.420 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

BD4

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 novembre 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 1161 F-D

Pourvoi n° K 21-10.420

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 NOVEMBRE 2022

Mme [W] [K], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° K 21-10.420 contre l'arrêt rendu le 18 décembre 2020 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à la société Servier France, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Seguy, conseiller, les observations de la SCP Gouz-Fitoussi, avocat de Mme [K], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Servier France, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Seguy, conseiller rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 décembre 2020), Mme [K] a, par déclaration transmise le 13 juin 2019 sur le Réseau privé virtuel avocats (RPVA), interjeté appel du jugement rendu par un conseil de prud'hommes le 15 mai 2019, l'ayant déboutée de ses demandes, dans une affaire l'opposant à son ancien employeur, la société Servier France.

2. Par ordonnance du 15 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a déclaré caduque la déclaration d'appel.

3. Cette ordonnance a été déférée à la cour d'appel.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de constater la caducité de son appel, alors « que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [K] qui datait pourtant du 13 juin 2019, la cour d'appel qui a fait une application immédiate de cette règle de procédure, a privé l'appelante du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

5. Il résulte des deux premiers de ces textes que l'appelant doit, dans le dispositif de ses conclusions, mentionner qu'il demande l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement, ou l'annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue, à l'article 914 du code de procédure civile, de relever d'office la caducité de l'appel. Lorsque l'incident est soulevé par une partie, ou relevé d'office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d'appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d'appel si les conditions en sont réunies.

6. Cette règle, qui instaure une charge procédurale nouvelle pour les parties à la procédure d'appel, ayant été affirmée pour la première fois par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 dans un arrêt publié (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

7. Pour prononcer la caducité de la déclaration d'appel, l'arrêt retient, d'une part, qu'il résulte des articles 908 et 954 du code de procédure civile que les conclusions d'appelant, qui doivent être remises au greffe dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel, doivent déterminer l'objet du litige, soumis à la cour d'appel, portant sur la réformation ou l'annulation du jugement entrepris, d'autre part, que les conclusions de l'appelante, qui, dans leur dispositif, ne critiquent pas le jugement frappé d'appel, ni ne sollicitent son infirmation ou son annulation, ne sont pas conformes aux prescriptions de ces textes. Il ajoute que, sur la question de la présentation des prétentions, la décision de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 17 septembre 2020 ne s'impose ni aux justiciables ni aux juges extérieurs au litige qu'elle tranche et que cette règle de formalisme avait été déjà clairement affirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2019, de sorte que son application à la déclaration d'appel de la salariée, assistée par un professionnel du droit, ne remet pas en cause son droit à l'accès au juge d'appel ni son droit à un procès équitable.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle il a été relevé appel, soit le 13 juin 2019, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure instaurant une charge procédurale nouvelle, dans l'instance en cours, aboutissant à priver la salariée d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne la société Servier France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Servier France et la condamne à payer à Mme [K] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gouz-Fitoussi, avocat aux Conseils, pour Mme [K]

Mme [K] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir constaté la caducité de son appel ;

Alors 1°) que la règle selon laquelle il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement ne s'applique qu'aux déclarations d'appel postérieures au 17 septembre 2020 ; qu'en appliquant cette règle à la déclaration d'appel de Mme [K] qui datait pourtant du 13 juin 2019, la cour d'appel qui a fait une l'application immédiate de cette règle de procédure, a privé les appelants du droit à un procès équitable et a violé les articles 542 et 954 du code de procédure civile et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Alors 2°) que l'application d'une règle de procédure qui porte atteinte au droit au juge, qui résulte de l'interprétation nouvelle d'une disposition et qui n'a jamais été affirmée clairement par la Cour de cassation dans un arrêt publié, aboutit à priver les appelants du droit à un procès équitable ; qu'en appliquant la règle de procédure selon laquelle lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation ni l'annulation du jugement la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement, au motif que la règle avait été affirmée par un arrêt rendu par la Cour de cassation du 31 janvier 2019, alors que cet arrêt ne posait pas clairement le principe et n'avait pas été publié, la cour d'appel a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Alors 3°) que, à titre subsidiaire, la Cour européenne des droits de l'homme considère que l'équité commande de laisser un laps de temps raisonnable, nécessaire aux justiciables pour avoir effectivement connaissance de la décision interne qui la consacre ; qu'en appliquant la règle posée par la Cour de cassation dans un arrêt 31 janvier 2019 à une déclaration d'appel datant du 13 juin 2019, soit moins de six mois après le prononcé de cette décision, la cour d'appel qui n'a pas laissé un laps de temps suffisant à Mme [K] pour avoir effectivement connaissance de cet arrêt, a violé l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21-10420
Date de la décision : 09/11/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 18 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 nov. 2022, pourvoi n°21-10420


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Gouz-Fitoussi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.10420
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award