LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 14 décembre 2022
Rejet
M. SOMMER, président
Arrêt n° 1372 FS-B
Pourvoi n° H 21-14.304
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 DÉCEMBRE 2022
1°/ Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° H 21-14.304 contre l'arrêt rendu le 21 janvier 2021 par la cour d'appel de Metz (chambre des urgences), dans le litige les opposant à la société [Localité 3] Automotive Exteriors, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat du syndicat CFDT des métaux de la Moselle, du comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [Localité 3] Automotive Exteriors, et l'avis de M. Gambert, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, Mme Mariette,conseiller doyen, MM. Pietton, Barincou, Seguy, Mmes Grandemange, Douxami, conseillers, M. Le Corre, Mme Marguerite, M. Carillon, conseillers référendaires, M. Gambert, avocat général, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 21 janvier 2021), rendu en matière de référé, et les productions, des négociations en vue de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ont été ouvertes en mai 2019 au sein de la société [Localité 3] Automotive Exteriors (la société HAE), spécialisée dans les équipements automobiles, à la suite de l'annonce par le groupe Daimler de l'arrêt de la production des véhicules Smart à moteurs thermiques, entraînant une modification de son activité et un sureffectif de 71 postes sur 231.
2. Un mouvement de grève a débuté au sein de la société HAE le 5 juin 2019 et un accord de médiation, ainsi qu'un accord de méthode, ont été conclus les 28 juin et 18 juillet suivants. Un PSE modifié a été présenté le 17 novembre 2019 aux membres du comité social et économique de la société HAE (le comité).
3. Par lettre du 7 janvier 2020, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) a indiqué à la société HAE que les conditions de mise en oeuvre du PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies et que le PSE ne constituait pas l'outil juridique adéquat pour accompagner les mobilités envisagées dans le cadre du projet de restructuration excluant tout licenciement. La société HAE a en conséquence mis un terme à l'élaboration du PSE.
4. La Confédération générale du travail de la société HAE (la CGT HAE), la Confédération française démocratique du travail des métaux de la Moselle (la CFDT des métaux de la Moselle) et le comité, ont saisi le président d'un tribunal judiciaire statuant en référé afin qu'il soit fait interdiction à la société HAE de soumettre à la signature des salariés quittant l'entreprise dans le cadre de sa réorganisation pour motif économique, la « convention de transfert d'un commun accord au sein de Smart France » et de suspendre la réorganisation objet du projet soumis au comité au mois de novembre dans l'attente de la présentation et de la négociation d'un PSE avec les syndicats représentatifs.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui est irrecevable.
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
6. Le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité font grief à l'arrêt de déclarer le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de leurs demandes au profit de l'ordre administratif, alors « qu'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III. »
Réponse de la Cour
7. Il résulte de l'article L. 1233-57-6 du code du travail que l'administration peut, à tout moment en cours de procédure, faire toute observation ou proposition à l'employeur concernant le déroulement de la procédure ou les mesures sociales prévues à l'article L. 1233-32. Elle envoie simultanément copie de ses observations au comité social et économique et, lorsque la négociation de l'accord visé à l'article L. 1233-24-1 est engagée, le cas échéant aux organisations syndicales représentatives dans l'entreprise. Les décisions prises à ce titre ainsi que la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation relevant de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux.
8. La cour d'appel qui a constaté que, par lettre du 7 janvier 2020 notifiée au secrétaire du CSE et aux délégués syndicaux, la DIRECCTE avait indiqué que le projet de plan de sauvegarde de l'emploi dont elle était saisie, en vue de l'exercice d'un contrôle susceptible de conduire à une décision de validation ou d'homologation, ne constituait pas l'outil juridique adéquat, dès lors que les conditions de mise en oeuvre d'un PSE telles que décrites à l'article L. 1233-61 du code du travail n'étaient pas remplies, en a exactement déduit que cette décision constituait un acte administratif faisant grief et susceptible comme tel d'un recours et qu'elle ne pouvait en conséquence se prononcer sur les demandes des syndicats et du comité social et économique.
9. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.
Condamne le syndicat CFDT des métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze décembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour le syndicat CFDT des métaux de la Moselle, le comité social et économique de la société [Localité 3] Automotive Exteriors.
Le syndicat CFDT des Métaux de la Moselle et le comité social et économique de la société HAE font grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré le juge des référés civils du tribunal judiciaire incompétent pour connaître de ses demandes au profit de l'ordre administratif.
1° ALORS QUE selon l'article L. 1233-61 du code du travail, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'aux termes de l'article L. 1235-7-1 de ce code, les litiges relatifs à la décision de validation ou d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux, sans que l'accord collectif, le document élaboré par l'employeur, le contenu du plan de sauvegarde de l'employeur, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 de ce code ni la régularité de la procédure de licenciement collectif ne puissent faire l'objet d'un litige distinct ; que le juge judiciaire est pour sa part compétent pour statuer sur le litige relatif à une demande de suspension d'un projet de réorganisation ne donnant pas lieu à un projet de licenciement d'au moins dix salariés dans une même période de trente jours dans une entreprise d'au moins cinquante salariés et à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi ; qu'en déclarant le juge judiciaire incompétent pour trancher le litige relatif à la mise en oeuvre du projet de réorganisation, quand il ressort de la décision attaquée que l'administration avait décliné sa compétence au motif que n'était pas envisagé le licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés sur une période de trente jours et que, pour ce motif, le projet de réorganisation n'était pas soumis à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1233-57-5, L. 1233-61 et L. 1235-7-1 du code du travail, ensemble le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.
2° ALORS QU'il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires ; que le juge administratif ne peut être saisi d'un recours pour excès de pouvoir que contre un acte administratif faisant grief ; que ne présente pas ce caractère l'avis émis par une administration ; qu'ayant constaté que le courrier de l'inspection du travail du 7 janvier 2020 n'était qu'un avis, tout en le qualifiant malgré tout d'acte administratif faisant grief dont l'annulation ou la réformation relève de la compétence du juge administratif, la cour d'appel a tiré des conséquences erronées de ses propres constatations et partant a violé le principe de séparation des pouvoirs, les lois des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III.