LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 janvier 2023
Nullité du pourvoi Irrecevabilité
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 184 F-D
Pourvoi n° Q 22-16.891
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JANVIER 2023
1°/ La société JJW Hotels et Resorts Holding Inc, société de droit britannique, dont le siège est [Adresse 10] (Iles vierges britanniques),
2°/ la société JJW Limited, société de droit guernesiais, dont le siège est [Adresse 9]
ont formé le pourvoi n° Q 22-16.891 contre l'arrêt RG n° 21/19338 rendu le 3 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [P] [N], domicilié [Adresse 5], pris en qualité de représentant des salariés de la société JJW France,
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],
3°/ à l'UNEDIC délégation AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, dont le siège est [Adresse 4], prise en qualité de contrôleur à la procédure de la société JJW France,
4°/ à la société Aareal Bank AG, dont le siège est [Adresse 12] (Allemagne), société de droit allemand, prise en qualité de contrôleur à la procédure de la société JJW France,
5°/ à la société [W] Yang-Ting, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], en la personne de Mme [X] [W], prise en qualité de mandataire ad hoc de la société JJW France,
6°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], en la personne de M. [V] [M], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société JJW France,
7°/ à la société [O] partners, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], en la personne de M. [B] [O], prise en qualité d'administrateur judiciaire de la société JJW France,
8°/ à la société Bertrand Corp., société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8],
9°/ à la société JJW France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],
10°/ à la société Grant Thornton Limited, société de droit guernesiais, dont le siège est [Adresse 11]), en la personne de M. [C] [S] [H] et de Mme [R] [I] [D] [Z], en qualité de liquidateurs conjoints de la société de droit guernesiais JJW Limited,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Riffaud, conseiller, les observations de la SARL Cabinet [U], constituée en lieu et place de la SCP Boullez le 17 janvier 2023, avocat des sociétés JJW Hotels et Resorts Holding Inc et JJW Limited, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société Grant Thornton Limited, ès qualités, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Bertrand Corp., de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat des sociétés Actis mandataires judiciaires, ès qualités, et [O] partners, ès qualités, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Aareal Bank AG, ès qualités, de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société [W] Yang-Ting, ès qualités, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 17 janvier 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Riffaud, conseiller rapporteur, Mme Bélaval, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 mars 2022, RG n° 21/19338), la société JJW France, appartenant au groupe JJW, qui s'était rendue caution d'un prêt consenti, sous le régime de la solidarité, par la société Aareal Bank AG (la banque) à d'autres sociétés de ce groupe, est intervenue à l'instance en paiement engagée par cette banque contre la société JJW Limited pour y soulever la nullité du prêt.
2. Un jugement du 17 avril 2012 ayant mis la société JJW France en sauvegarde, la banque a déclaré sa créance qui a été contestée. Par une ordonnance du 24 juin 2014, confirmée par un arrêt du 25 juin 2015, le juge-commissaire a prononcé un sursis à statuer dans l'attente de la décision à intervenir au fond.
3. Un jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2017 a rejeté les contestations des sociétés du groupe JJW et a condamné la société JJW Limited à payer à la banque la somme de 22 091 922,13 euros. Un arrêt du 13 mars 2019 a rejeté les contestations des sociétés du groupe JJW et confirmé ce jugement.
4. Par une ordonnance du 29 janvier 2020, le juge-commissaire a admis la créance de la banque au passif des sociétés du groupe JJW pour la somme de 96 885 807,78 euros.
5. Un jugement du 26 juin 2020 a prononcé la résolution de son plan de sauvegarde et mis la société JJW France en redressement judiciaire, désignant la société Actis mandataires judiciaires en qualité de mandataire judiciaire et la société [O] Perdereau, devenue la société [O] partners en qualité d'administrateur.
6. Le 5 février 2021, l'administrateur judiciaire a déposé au greffe le bilan économique et social de la société JJW France et a conclu à sa cession de même qu'à celle des autres sociétés du groupe.
7. Par un arrêt du 24 mars 2021 (pourvoi n° 19-14.082), la chambre commerciale, financière et économique a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt du 13 mars 2019. La cour d'appel de renvoi n'a pas été saisie par les parties dans le délai prévu par l'article 1034 du code de procédure civile.
8. Par un jugement du 21 mai 2021, le tribunal a rejeté le projet de plan de continuation de la société JJW France, avant, par un premier jugement du 25 juin 2021 d'ordonner la cession de ses actifs à la société Bertrand Corp., puis, par un second jugement du même jour, de la mettre en liquidation judiciaire, la société [O] partners étant maintenue en ses fonctions d'administrateur judiciaire pour une durée de six mois et la société Actis mandataires judiciaires désignée en qualité de liquidateur.
9. Par une ordonnance du 18 octobre 2021, le président du tribunal de commerce, saisi par une requête du liquidateur, a désigné la société [W] Yang-Ting en qualité de mandataire ad hoc pour exercer les droits propres de la société JJW France.
10. Par deux arrêts du 21 octobre 2021, le rejet du plan de continuation et l'arrêté du plan de cession des actifs de la société JJW France ont été confirmés. Les sociétés JJW Limited et JJW Hotels et Resorts Holding Inc. ont formé tierce opposition contre l'arrêt confirmant le plan de cession, laquelle a été rejetée par un arrêt du 3 mars 2022.
11. Le 27 mai 2022, un pourvoi contre cet arrêt a été formé au nom des sociétés JJW Limited et JJW Hotels et Resorts Holding Inc.
12. Une ordonnance de référé du 13 décembre 2022 a rétracté la désignation du mandataire ad hoc.
13. Les pourvois en cassation formés contre les arrêts du 21 octobre 2021 ont été rejetés par deux arrêts du 18 janvier 2023.
Nullité de la déclaration de pourvoi de la société JJW Limited soulevée par la défense
Vu l'article 117 du code de procédure civile :
14. Il résulte de ce texte que constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
15. La déclaration de pourvoi, enregistrée le 27 mai 2022, a été formée par la société JJW Limited, « agissant en la personne de ses représentants légaux ». Or, à cette date, Mme [A], représentante légale de ladite société, avait démissionné de ses fonctions depuis le 10 février 2022, date de l'enregistrement de cette démission et la société JJW Limited avait été mise en liquidation judiciaire par une décision de la Cour royale de Guernesey du 31 juillet 2020, laquelle produit en France des effets, en tant que fait juridique, indépendamment d'une vérification de sa régularité internationale par une procédure de reconnaissance ou d'exequatur, M. [H] et Mme [Z], de la société Grant Thornton Limited, ayant été désignés en qualité de co-liquidateurs, sans être les auteurs de la déclaration de pourvoi.
16. Formée par une société qui n'était pas représentée par une personne ayant le pouvoir d'assurer cette représentation, la déclaration de pourvoi est donc nulle.
Recevabilité du pourvoi de la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc contestée par la défense
Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'il est fondé sur la perte de fondement juridique des décisions de la procédure collective de la société JJW France
Vu l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile :
17. En application de ce texte, la cassation entraîne, sans qu'il y ait lieu à une nouvelle décision, l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
18. La société JJW Hotels et Resorts Holding Inc prétend qu'à la suite de l'ordonnance du juge-commissaire du redressement judiciaire de la société JJW France, qui aurait constaté, le 24 juin 2014, l'existence d'une instance en cours, de la cassation par l'arrêt du 24 mars 2021, de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 13 mars 2019, confirmant le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 septembre 2017, rejetant les contestations formées par les sociétés du groupe JJW contre l'acte de prêt consenti par la société Aareal Bank AG, l'ordonnance du juge-commissaire, du 29 janvier 2020, constatant l'admission de la créance de cette banque au passif de la société JJW France, serait privée de son fondement juridique et que la banque serait désormais dans l'incapacité de parvenir à la fixation de sa créance au passif de cette société, de sorte que, comme toute partie intéressée, elle serait fondée à demander à la Cour de cassation qu'elle constate, par perte de fondement juridique, l'anéantissement rétroactif du jugement ayant prononcé la résolution du plan de sauvegarde de la société JJW France et des jugements de rejet du plan de continuation puis d'arrêté d'un plan de cession et de mise en liquidation judiciaire qui en constitueraient la suite nécessaire.
19. Il résulte, néanmoins, de l'article 1034 du code de procédure civile que l'absence de saisine de la cour d'appel de renvoi dans le délai de deux mois par une déclaration recevable confère force de chose jugée au jugement rendu en premier ressort lorsque la décision cassée avait été rendue sur appel de ce jugement. Or, le jugement du 28 septembre 2017, confirmé par la décision cassée, a rejeté les contestations de la société JJW France, de sorte que, contrairement à ce qui a été soutenu par cette société puis prétendu par la société tierce opposante, l'ordonnance rendue par le juge-commissaire le 29 janvier 2020, constatant l'admission de la créance de la société Aareal Bank AG à la suite du rejet de l'appel, ne peut être privée de fondement juridique par la cassation de l'arrêt. De plus, le juge-commissaire avait, par son ordonnance du 24 juin 2014, confirmée par l'arrêt du 25 juin 2015, sursis à statuer sur la fixation de la créance selon les règles de procédure civile du droit commun et non en application de l'article L. 624-2 du code de commerce, de sorte qu'à supposer sa seconde ordonnance entachée de nullité comme le soutiennent les sociétés du groupe JJW, ce juge-commissaire ne serait pas pour autant dessaisi de la demande d'admission de la créance de la société Aareal Bank AG qui doit nécessairement être prise en considération dans la procédure collective de la société JJW France dès lors qu'elle y a été déclarée.
20. Le pourvoi de la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc contre l'arrêt déclarant sa tierce opposition irrecevable, n'est donc pas rendu recevable par la nécessité de constater l'annulation, par voie de conséquence, des décisions de la procédure collective de la société JJW France que cette société critique.
Sur la recevabilité du pourvoi en ce qu'est invoquée l'existence d'un excès de pouvoir
Vu l'article L. 661-7, alinéa 2, du code de commerce :
21. Il résulte de ce texte que le pourvoi en cassation n'est ouvert qu'au ministère public à l'encontre des arrêts rendus en application de l'article L. 661-6, III, du code de commerce et il n'est dérogé à cette règle, comme à toute autre règle interdisant ou différant un recours, qu'en cas d'excès de pouvoir.
22. Si l'article L. 631-22 du code de commerce prévoit qu'une juridiction peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles d'en permettre le redressement ou en l'absence de tels plans, il ne résulte pas de ce texte que cette juridiction est tenue de statuer par un seul et même jugement sur tous les projets de plan, ni d'attendre, en l'absence d'une décision d'arrêt de l'exécution provisoire de droit assortissant le jugement antérieur de rejet du projet de plan de continuation prononcée, en cas d'appel de ce jugement, par le premier président en application de l'article R. 661-1 du même code, qu'il soit statué sur cet appel pour examiner un projet de plan de cession. Le quatrième moyen, pris en ses première et deuxième branches, n'est pas fondé.
23. Formé contre une décision qui n'est entachée d'aucun excès de pouvoir et qui n'a pas consacré un excès de pouvoir, le pourvoi est, en conséquence, irrecevable.
Amende civile
24. Le pourvoi revêtant un caractère abusif, la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc doit être condamnée à une amende civile.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
ANNULE la déclaration de pourvoi formée au nom de la société JJW Limited ;
DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi formé par la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc ;
Condamne la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc aux dépens ;
Condamne la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc envers le Trésor public à payer une amende de 1 500 euros ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées au nom de la société JJW Limited et par la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc, ainsi que les demandes dirigées contre la société JJW Limited et celle formée par la société [W] Yang-Ting, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société JJW France, et condamne la société JJW Hotels et Resorts Holding Inc à payer à la société Actis mandataires judiciaires, en sa qualité de liquidateur de la société JJW France, à M. [H] et à Mme [Z], de la société Grant Thornton Limited, en leur qualité de co-liquidateurs de la société JJW Limited, à la société Bertrand Corp. et à la société Aareal Bank AG, chacun la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille vingt-trois.