LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 8 février 2023
Cassation partielle
M. SOMMER, président
Arrêt n° 107 FS-B
Pourvoi n° F 21-16.258
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 8 FÉVRIER 2023
M. [I] [T], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 21-16.258 contre l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant
1°/ à la Société des Cendres,société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Flamarc,
2°/ à la société A2JZ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentée par M. [X] [H], dont le siège est [Adresse 4], pris en qualité d'administrateur judiciaire de la Société des Cendres,
3° / à la société MJ CORP, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentée par M. [O], dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de mandataire judiciaire de la Société des Cendres,
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Salomon, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la Société des Cendres, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 décembre 2022 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Salomon, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, M. Pion, Mmes Van Ruymbeke, Lacquemant, Nirdé-Dorail, conseillers, Mmes Valéry, Pecqueur, Laplume, M. Chiron, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Intervention
1. Il est donné acte à la société A2JZ prise en la personne de M. [H] et à la société MJ Corp prise en la personne de M. [O] de leur intervention volontaire à l'instance, respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la Société des Cendres.
Faits et procédure
2 Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 11 mars 2021), M. [T], engagé à compter du 16 mai 1989 par la société Flamarc (la société) aux droits de laquelle vient la Société des Cendres, exerçait, dans le dernier état de la relation contractuelle, les fonctions de responsable secteur Rhône-Alpes.
3. Il a été placé en arrêt de travail à compter du 21 octobre 2016.
4. Le 24 janvier 2017, la société a convoqué le salarié à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 7 février 2017.
5. A l'issue d'une visite de reprise du 6 février 2017, le médecin du travail a déclaré le salarié inapte à son poste en un seul examen et précisé que son reclassement au sein de l'entreprise ou du groupe n'était pas envisageable.
6. Par lettre du 16 février 2017, la société a procédé au licenciement du salarié pour faute lourde.
7. Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
8. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail alors « que lorsqu'à la suite d'un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l'entreprise au terme d'une seule visite médicale de reprise, les règles d'ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s'appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l'objet d'un licenciement disciplinaire postérieurement à l'avis d'inaptitude ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, quand un licenciement pour faute ne pouvait pas être prononcé postérieurement à l'avis d'inaptitude définitive délivré par le médecin du travail le 6 février 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R. 4624-22 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1226-2 et L. 1226-2-1 du code du travail, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Selon le premier de ces textes, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
10. Selon le second, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
11. Il en résulte que ces dispositions d'ordre public font obstacle à ce que l'employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l'inaptitude, peu important que l'employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.
12. Pour débouter le salarié de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail, l'arrêt retient que la circonstance que l'inaptitude définitive du salarié à occuper son emploi ait été constatée par le médecin du travail le 6 février 2017, ne privait pas la société de se prévaloir d'une faute lourde de son salarié au soutien du licenciement qu'elle a estimé devoir prononcer à l'issue de la procédure disciplinaire qu'elle avait initiée le 24 janvier précédent.
13. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le salarié, déclaré inapte, avait été licencié pour un motif autre que l'inaptitude, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [T] de ses demandes indemnitaires et salariales au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail et en ce qu'il condamne M. [T] à payer à la Société des Cendres 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, l'arrêt rendu le 11 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;
Condamne la Société des Cendres aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société des Cendres et la condamne à payer à M. [T] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille vingt-trois.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat aux Conseils, pour M. [T]
M. [T] reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'AVOIR débouté des demandes indemnitaires et salariales qu'il formait au titre de la mise à pied conservatoire et de la rupture du contrat de travail ;
ALORS QUE lorsqu'à la suite d'un arrêt de travail, un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à occuper tout poste dans l'entreprise au terme d'une seule visite médicale de reprise, les règles d'ordre public relatives au licenciement du salarié inapte non reclassé s'appliquent, ce qui exclut que le salarié déclaré inapte puisse faire l'objet d'un licenciement disciplinaire postérieurement à l'avis d'inaptitude ; qu'en déboutant M. [T] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat aux motifs que son licenciement, intervenu le 16 février 2017, était fondé sur une faute grave, quand un licenciement pour faute ne pouvait pas être prononcé postérieurement à l'avis d'inaptitude définitive délivré par le médecin du travail le 6 février 2017, la cour d'appel a violé les articles L. 1226-2, L. 1226-12 et R 4624-22 du code du travail