LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 5 avril 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 282 F-D
Pourvoi n° J 21-16.284
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 AVRIL 2023
M. [P] [X], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 21-16.284 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige l'opposant au directeur régional des finances publiques de [Localité 5] et du département des [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 4], défendeur à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Maigret, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [X], de la SCP Foussard et Froger, avocat du directeur régional des finances publiques de [Localité 5] et du département des [Localité 3], agissant sous l'autorité du directeur général des finances publiques, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Maigret, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 9 mars 2021), le 2 juin 2014, M. [X] a déposé, auprès de la direction nationale des vérifications de situation fiscale, des déclarations de revenus complémentaires correspondant aux sommes déposées sur un compte bancaire qu'il détenait au Luxembourg, accompagnées des pièces justificatives, afin de régulariser sa situation.
2. Le 7 juillet 2014, l'administration fiscale l'a informé de l'engagement d'une procédure d'examen contradictoire de sa situation fiscale, puis, le 16 février 2015, lui a adressé une demande d'informations et de justifications sur des avoirs détenus à l'étranger et non déclarés, sur le fondement de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales.
3. Après avoir mis en demeure M. [X] de lui fournir les informations réclamées, l'administration fiscale lui a notifié, le 10 août 2015, une proposition de rectification, laquelle a donné lieu à l'émission d'un avis de mise en recouvrement de 339 384 euros relatif à des droits du mutation à titre gratuit au titre de l'année 2007.
4. En l'absence de réponse à sa réclamation, M. [X] a assigné l'administration fiscale aux fins de décharge de complément de droits de mutation à titre gratuit auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2007.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [X] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui a rejeté sa demande de décharge du complément de droits de mutation à titre gratuit auquel il avait été assujetti au titre de l'année 2007 pour un montant de 339 384 euros, alors « que la circulaire du 21 juin 2013, ayant institué, sans le support d'un texte législatif ou réglementaire, une procédure nouvelle de régularisation, devait s'appliquer strictement, à la lettre, sans interprétation de ses termes, s'agissant spécialement de la notion litigieuse d'absence de spontanéité, de telle sorte que, faute d'avoir fondé sa décision d'écarter l'application de la circulaire ministérielle à partir des seules conditions énoncées dans cette circulaire, au profit de sa propre interprétation de la notion de spontanéité, la cour a entaché sa décision d'une violation, par fausse application, de la circulaire du 21 juin 2013. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
7. Le directeur régional des finances publiques de [Localité 5] et du département des [Localité 3], conteste la recevabilité du moyen, en raison de sa nouveauté.
8. Cependant, M. [X] ne se référant à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond, un tel moyen, qui est de pur droit, peut être invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation.
9. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
10. Aux termes de la circulaire ministérielle du 21 juin 2013 du ministre délégué du budget, ayant pour objet le traitement des déclarations rectificatives des contribuables détenant des avoirs à l'étranger, seules les déclarations et rectifications spontanées effectuées par des contribuables personnes physiques auprès de l'administration fiscale sont concernées par le dispositif qu'elle prévoit. Ainsi, sont exclus de ce dispositif les contribuables dont la démarche ne serait pas véritablement spontanée, c'est-à-dire ceux qui font l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle, de contrôles relatifs aux droits d'enregistrement, ou d'une procédure engagée par l'administration ou les autorités judiciaires portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l'étranger.
11. Après avoir rappelé que cette circulaire a prévu un dispositif de régularisation des avoirs non déclarés à l'étranger, selon lequel les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l'étranger, qu'ils n'ont pas jusqu'à présent déclarés à l'administration fiscale, peuvent rectifier spontanément leur situation fiscale passée, sous réserve de s'acquitter de l'ensemble des impositions éludées et non prescrites, des pénalités et des amendes correspondantes, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, d'une part, qu'il est établi que M. [X] a entrepris des démarches pour régulariser sa situation fiscale le lendemain de son audition par les services de police de [Localité 2] le 3 février 2014, lesquels lui ont indiqué avoir connaissance de son compte ouvert au Luxembourg, dont il a reconnu qu'il ne l'avait jamais déclaré à l'administration fiscale, et alors qu'il était entendu pour des faits de blanchiment de fraude fiscale qui pouvaient lui être reprochés durant les années 2010 et 2011, d'autre part, que M. [X] se trouvait en effet, à tout le moins incité, si ce n'est contraint, de révéler ce compte à l'administration fiscale pour régler le problème de sa non-déclaration, ce qui exclut toute spontanéité.
12. De ces énonciations, constatations et appréciations, dont il résulte que M. [X] avait fait l'objet d'une procédure engagée par l'administration ou les autorités judiciaires portant sur des actifs et comptes non déclarés détenus à l'étranger, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le principe d'interprétation stricte des circulaires, a déduit à bon droit que la démarche de M. [X] n'était pas spontanée.
13. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
14. M. [X] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'aux termes mêmes de l'arrêt, il était établi qu'il avait bien, dans le cadre de la procédure de régularisation initiée par la circulaire du 21 juin 2013, fourni à l'Administration fiscale, dans son dossier de régularisation, la référence et les relevés bancaires de son compte ouvert au Luxembourg au titre de toute la période non prescrite, ce qui, de ce fait, écartait la mise en oeuvre de la procédure de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, de telle sorte qu'en validant la mise en oeuvre de l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, l'arrêt est entaché d'une violation par fausse application de ce texte. »
Réponse de la Cour
15. Selon l'article 1649 A, alinéa 2, du code général des impôts, les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger. Selon l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie.
16. Il résulte de la lecture combinée de ces textes que l'administration fiscale peut recourir à la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales lorsque le contribuable n'a pas, au cours des dix années précédentes, déclaré, en même temps que sa déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, détenus, utilisés ou clos à l'étranger, peu important que, dans une déclaration postérieure à l'une de ses déclarations de revenus ou de résultats, le contribuable ait communiqué lesdites références.
17. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.
Mais sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
18. M. [X] fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'il avait justifié posséder sur le compte litigieux au 1er janvier 2006, première année non prescrite, la somme de 510 695 euros ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, qui conduisait à minorer de 510 695 euros la somme taxable, la cour a entaché son arrêt d'un défaut de réponse à moyen, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
19. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
20. En rejetant la demande de décharge de complément de droits de mutation à titre gratuit auquel M. [X] a été assujetti, sans répondre au moyen pris de ce que, justifiant détenir sur son compte bancaire ouvert au Luxembourg la somme de 510 695 euros au 31 décembre 2005, période couverte par la prescription, il ne pouvait être considéré comme ayant bénéficié d'un patrimoine acquis à titre gratuit à hauteur de cette même somme au cours de l'année 2007, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne le directeur régional des finances publiques de [Localité 5] et du département des [Localité 3] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur régional des finances publiques de [Localité 5] et du département des [Localité 3] et le condamne à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille vingt-trois.