LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° W 22-84.195 F-D
N° 00575
GM
16 MAI 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 16 MAI 2023
La caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, partie civile, a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, 9e chambre, en date du 22 juin 2022, qui l'a déboutée de ses demandes après relaxe de M. [P] [T] du chef de déclaration fausse ou incomplète pour obtenir d'un organisme de protection sociale une allocation ou prestation indue.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de M. Coirre, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine, les observations de la SCP Doumic-Seiller, avocat de M. [P] [T], et les conclusions de M. Tarabeux, avocat général, après débats en l'audience publique du 4 avril 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Coirre, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 30 juin 2020, M. [P] [T] a été victime d'un accident du travail.
3. En compensation de sa perte consécutive de salaire, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) lui a versé, entre le 1er juillet 2010 et le 2 février 2016, la somme de 334 886,50 euros au titre des indemnités journalières.
4. Le procureur de la République a cité M. [T] devant le tribunal correctionnel du chef susvisé pour avoir perçu de telles indemnités sans avoir déclaré une reprise de travail, même partielle.
5. Par jugement du 5 février 2021, la juridiction du premier degré l'a déclaré coupable de ces faits, condamné à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis probatoire, trois ans d'interdiction de gérer, a ordonné des mesures de confiscation, rejeté sa demande de dispense d'inscription de la condamnation au bulletin numéro 2 du casier judiciaire et prononcé sur les intérêts civils.
6. M. [T] et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses quatrième, cinquième et septième branches
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a renvoyé M. [T] des fins de la poursuite du chef de fausses déclarations en vue d'obtenir d'un organisme public des prestations indues, et a débouté en conséquence la CPAM des Hauts-de-Seine de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'un assuré ne peut exercer une activité durant son arrêt de travail et conserver le bénéfice de ses indemnités journalières que s'il dispose d'une autorisation expresse du praticien qui avait prescrit l'arrêt de travail ; qu'il ne résulte en l'espèce d'aucun des certificats médicaux d'arrêts de travail adressés par M. [T] à la CPAM en vue d'obtenir le versement des indemnités journalières, que son médecin traitant ait autorisé une reprise du travail à temps léger ni ait précisé que l'état de son patient autorisait des sorties sans restriction d'horaires ; que pour relaxer le prévenu du chef de déclaration fausse ou incomplète en vue d'obtenir des prestations indues, après avoir pourtant constaté que M. [T] avait poursuivi nombre de ses activités professionnelles comme extraprofessionnelles, l'arrêt attaqué affirme que « la poursuite de ses activités s'est effectuée sous le couvert de l'autorisation de son médecin traitant qui a établi des certificats rappelant que, compte-tenu des difficultés cognitives et de la dépression dont souffrait l'assuré, l'activité ne pouvait qu'être bénéfique » ; qu'en se déterminant ainsi sur le fondement d'attestations rédigées par le médecin traitant le 22 mars 2019, deux jours avant l'audience fixée devant le tribunal correctionnel, quand ces attestations, établies a posteriori plusieurs années après les faits, ne pouvaient en aucun cas suppléer l'autorisation expresse et préalable du praticien justifiant l'exercice d'une activité durant son arrêt de travail telle que requise par la loi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision et méconnu les articles 441-6 alinéa 2 du code pénal, L. 323-6 du code de la sécurité sociale et 593 du code de procédure pénale, ensemble les articles 2 du code de procédure pénale et 1240 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 593 du code de procédure pénale :
9. Selon ce texte, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
10. Pour infirmer le jugement et prononcer la relaxe de M. [T], l'arrêt attaqué énonce que le prévenu, alors qu'il percevait des indemnités journalières au titre d'arrêts de travail, a poursuivi certaines activités dans le cadre de fonctions de président de sociétés, procédé à la création d'une personne morale, embauché son épouse et s'est rendu dans des locaux professionnels.
11. Les juges ajoutent que cela s'est effectué sous le couvert de l'autorisation de son médecin traitant qui a établi des certificats.
12. En se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le prévenu avait été autorisé par son médecin traitant, expressément et préalablement, à se livrer aux activités qu'elle constate, alors que, selon l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation, pour le bénéficiaire, de s'abstenir de toute activité non autorisée, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
13. La cassation est par conséquent encourue, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres griefs.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Versailles, en date du 22 juin 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille vingt-trois.