LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 21 juin 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 440 FS-D
Pourvoi n° B 21-17.450
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 21 JUIN 2023
1°/ Le Centre régional de l'automobile d'occasion (CRAO), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
2°/ M. [H] [G], domicilié [Adresse 2],
3°/ la société MDP, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],
ont formé le pourvoi n° B 21-17.450 contre l'arrêt rendu le 30 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 8), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [J] [I], domicilié [Adresse 4],
2°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat du Centre régional de l'automobile d'occasion, de M. [G] et de la société MDP, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [I] et de la société Allianz IARD, et l'avis de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 mai 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard conseiller doyen, Mmes Graff-Daudret, Daubigney, M. Ponsot, Mmes Fevre, Ducloz, MM. Alt, Calloch, conseillers, MM. Guerlot, Blanc, Mmes Lion, Lefeuvre, M. Maigret, conseillers référendaires, M. Crocq, avocat général, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 mars 2021), la société Crao, dont le gérant est M. [G], exerce une activité de commerce de véhicules d'occasion, notamment à l'importation, depuis le 1er juillet 2003.
2. Elle avait pour expert-comptable M. [I], lequel avait pour mission d'assurer la tenue de la comptabilité et l'établissement des comptes annuels et intervenait, sur le plan fiscal, pour les déclarations d'impôt sur les sociétés et les déclarations mensuelles de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
3. En 2012, la société Crao a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification au titre de la TVA pour la période du 1er janvier 2009 au 31 mai 2012. L'administration fiscale a considéré que la société Crao avait appliqué de manière erronée le régime de la marge bénéficiaire, cependant que les ventes de véhicules d'occasion qu'elle réalisait en France, ayant fait l'objet d'une déclaration d'acquisition intracommunautaire, étaient imposables à la TVA sur le prix de vente total.
4. Soutenant que M. [I] avait commis une faute à l'origine du redressement subi, la société Crao et M. [G] l'ont assigné, ainsi que son assureur, la société Allianz IARD, en responsabilité.
5. La société MDP, bailleresse de la société Crao, est intervenue volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société Crao, M. [G] et la société MDP font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation, alors :
« 1°/ que toute faute engage son auteur à réparer l'entier préjudice qui en est résulté ; qu'ayant retenu que M. [I] avait commis une faute dans l'exercice de son devoir de conseil et que sa pleine et entière responsabilité était engagée, la cour d'appel a estimé que le redressement prononcé au titre de la TVA ne constituait pas un préjudice indemnisable, s'agissant d'une imposition qui aurait dû en tout état de cause être supportée par la société Crao ; qu'en ne recherchant pas si, s'agissant d'une imposition neutre, entièrement supportée par l'acheteur final, la société Crao n'avait pas été privée de la possibilité que, dûment informée de l'assiette exacte de la TVA, elle aurait eue de collecter le montant de la TVA effectivement due sur ses clients, sans avoir à la supporter personnellement, la cour d'appel a méconnu le principe selon lequel la réparation doit être intégrale ;
2°/ que, dûment informée du régime de TVA applicable, la société Crao aurait été en mesure de l'appliquer et de régler en temps utile les sommes dues au titre de la TVA ; qu'en retenant que les intérêts de retard ne constituaient pas un préjudice indemnisable, la cour d'appel, qui s'est prononcée au regard d'un avantage de trésorerie sans application s'agissant de sommes qui ne sont pas conservées mais collectées pour l'Etat et qui lui sont immédiatement reversées, a méconnu le principe selon lequel la réparation doit être intégrale. »
Réponse de la Cour
7. D'une part, il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions que la société Crao, M. [G] et la société MDP aient demandé la réparation d'une perte de chance de collecter le montant de la TVA effectivement due sur ses clients.
8. Le moyen, pris en sa première branche, est nouveau et mélangé de fait et de droit.
9. D'autre part, l'assujetti à la TVA qui conserve dans son patrimoine le montant de la taxe dont il est redevable à compter de son exigibilité en retire un avantage financier de nature à compenser le préjudice résultant du paiement des intérêts de retard, peu important qu'il ait ou non collecté cette somme auprès de ses clients.
10. Le moyen, pris en sa seconde branche, qui postule le contraire, manque en droit.
11. Pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Centre régional de l'automobile d'occasion, M. [G] et la société MDP aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Centre régional de l'automobile d'occasion, M. [G] et la société MDP et les condamne à payer à la société Allianz IARD et à M. [I] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un juin deux mille vingt-trois.