LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 novembre 2023
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 2060 F-D
Pourvoi n° Y 22-12.782
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 NOVEMBRE 2023
La société Le Pont du Rialto, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Y 22-12.782 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 5), dans le litige l'opposant à Mme [C] [N], épouse [P], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, Ã l'appui de son pourvoi, quatre moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Cavrois, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Le Pont du Rialto, de la SCP Alain Bénabent, avocat de Mme [P], après débats en l'audience publique du 11 octobre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Cavrois, conseiller rapporteur, Mme Deltort, conseiller, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 décembre 2021), Mme [N] épouse [P] a été engagée en qualité de commis de cuisine, par la société Le Pont du Rialto par contrat de travail du 1er juin 2012.
2. Le 29 septembre 2015, la salariée a notifié à la société une prise d'acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur.
3.Le 7 avril 2017, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.
Examen des moyens
Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. L'employeur fait grief à l'arrêt de déclarer la salariée, recevable en ses demandes afférentes aux rappels de salaires postérieurs au 29 septembre 2012, de le condamner à verser diverses sommes à titre de rappel de salaire sur heures complémentaires pour les années 2014 et 2015, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits permettant de l'exercer ; qu'il résulte des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le point de départ du délai de prescription est fixé à la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible et que, pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise ; que les dispositions de l'article L. 3245-1 in fine selon lesquelles "La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat de travail", n'ont pour objet ni de modifier le délai de prescription de l'action ni d'en différer le point de départ, de sorte que la rupture du contrat de travail n'ouvre pas droit à une nouvelle action sur des sommes qui seraient déjà prescrites ; qu'ainsi, pour l'année 2013, pour le salaire le plus ancien de Mme [P], à savoir celui afférent au mois de janvier 2013, l'action était prescrite depuis le mois de janvier 2016 et, pour le salaire le plus récent correspondant au mois de décembre 2013, elle était prescrite depuis le mois de décembre 2016, de sorte que Mme [P] ayant saisi le conseil de prud'hommes le 10 avril 2017, toute demande de rappel de salaire portant sur une période antérieure au 10 avril 2014 était prescrite ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail ;
2°/ que selon l'article L. 3245-1 du code du travail tel qu'issu de la loi du 14 janvier 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; que selon l'article 21 V de la loi du 14 juin 2013, les dispositions du nouvel article L. 3245-1 du code du travail s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure, soit cinq ans ; qu'en constatant que Mme [P] avait saisi le conseil de prud'hommes le 10 avril 2017, soit plus de trois ans après l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, ce dont il résultait que toutes les créances nées avant le 16 juin 2013 étaient prescrites et en décidant cependant que seules les créances antérieures au 29 septembre 2012 étaient prescrites, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail par refus d'application et l'article 21 V de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 par fausse application. »
Réponse de la Cour
6. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
7.La cour d'appel a, d'abord, relevé que s'agissant des créances salariales au titre de la période du 1er juin 2012 au 16 juin 2013, le délai de prescription initialement de cinq ans avait été réduit à trois ans par la loi du 14 juin 2013 et qu'il était expiré le 17 juin 2016.
8. Elle a, ensuite, retenu, à bon droit, que s'agissant des créances salariales au titre de la période du 17 juin 2013 au 30 septembre 2015, elles étaient soumises à la nouvelle prescription triennale.
9. Ayant constaté que la rupture du contrat de travail était intervenue le 29 septembre 2015 et que la salariée avait saisi la juridiction prud'homale, dans le délai de trois ans, le 7 avril 2017, elle en a exactement déduit que l'intéressée était recevable à revendiquer le paiement de sommes dues au titre des trois années ayant précédé la rupture du contrat de travail, soit à compter du 29 septembre 2012.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Pont du Rialto aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Le Pont du Rialto et la condamne à payer à Mme [N] épouse [P] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille vingt-trois.