LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SMSG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 novembre 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 760 F-D
Pourvoi n° C 22-15.753
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 NOVEMBRE 2023
La société Banque CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° C 22-15.753 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à Mme [J] [E], épouse [R], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque CIC Est, de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de Mme [E], après débats en l'audience publique du 10 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 2 mars 2022, RG 20/01446), la société [R] TP détenait un compte courant dans les livres de la société Banque CIC Est (la banque). En 2011 et 2012, la banque a consenti à la société divers prêts professionnels.
2. Par un acte du 15 novembre 2013, Mme [E], épouse [R], s'est rendue caution de tous les engagements de la société à concurrence d'un montant de 200 000 euros.
3. La société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné en paiement la caution, qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction alors applicable.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut se prévaloir du cautionnement donné à son profit par Mme [E] le 15 novembre 2013 pour un montant de 200 000 euros, alors « que le juge ne peut fonder sa décision sur des faits qui ne sont pas dans le débat ; que la cour d'appel a constaté que la Banque CIC Est ne transmettait pas de fiche patrimoniale, en dépit de ce qui était indiqué dans son bordereau de communication de pièces, comme étant jointe à l'acte de cautionnement, pièce 11 ; qu'en indiquant cependant qu'il n'était nullement contesté par les parties que la fiche patrimoniale établie à l'occasion du cautionnement de 105 000 euros, consenti lui aussi le 15 novembre 2015 par Mme [R] au profit de la Banque CIC Est, avait servi de référence également au cautionnement en cause, la cour d'appel, qui s'est fondée sur des faits qui n'étaient pas dans le débat, et en particulier, sur une fiche patrimoniale qui n'était pas versée aux débats dans cette instance, a violé l'article 7 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. La banque s'étant, dans ses conclusions d'appel, expressément prévalue de la fiche patrimoniale signée par Mme [E] à l'occasion de la souscription, le 15 novembre 2013, de deux engagements de caution, respectivement de 105 000 et 200 000 euros, elle est sans intérêt à contester une décision qui a pris cette fiche en considération.
6. Le moyen est donc irrecevable.
Mais sur le second moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
7. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne peut se prévaloir du cautionnement donné à son profit par Mme [E] le 15 novembre 2013 pour un montant de [200 000] euros, alors « que tout jugement doit être motivé ; qu'en se bornant à affirmer "nb : la valeur nette des biens détenus par les sociétés dans lesquelles elle détient des parts n'est pas significative", sans expliquer davantage en quoi cette valeur nette n'aurait pas été significative, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.
9. Pour écarter la prise en compte, dans l'actif du patrimoine de la caution, des parts qu'elle détenait dans la société Egas ainsi que dans les sociétés Sage et [R] et fils, dont il a constaté qu'elles étaient mentionnées dans la fiche de renseignements signée par la caution, l'arrêt retient que la valeur nette des biens détenus par les sociétés dans lesquelles Mme [E] détient des parts n'est pas significative.
10. En statuant ainsi, sans expliquer en quoi cette valeur nette n'aurait pas été significative, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé le texte susvisé
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme [E], épouse [R], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [E], épouse [R], et la condamne à payer à la société Banque CIC Est la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf novembre deux mille vingt-trois.