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13/12/2023 | FRANCE | N°52302196

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 décembre 2023, 52302196


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 13 décembre 2023








Cassation partielle




Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 2196 F-D


Pourvoi n° F 22-16.998








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE

FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 DÉCEMBRE 2023


La société Normandie Roto impression, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 décembre 2023

Cassation partielle

Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 2196 F-D

Pourvoi n° F 22-16.998

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 DÉCEMBRE 2023

La société Normandie Roto impression, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 22-16.998 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2022 par la cour d'appel de Caen (chambre sociale, section 1), dans le litige l'opposant à M. [F] [J], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Normandie Roto impression, de Me Balat, avocat de M. [J], après débats en l'audience publique du 15 novembre 2023 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Techer, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Caen, 10 mars 2022), M. [J] a été engagé en qualité de « conducteur machine simple remplaçant VB » le 8 avril 2015 par la société Normandie Roto impression.

2. Le 2 août 2018, contestant sa classification, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de rappels de salaire et de diverses indemnités.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le salarié a occupé un poste de conducteur et de le condamner à lui payer diverses sommes à titre de rappels de salaire pour les années 2015, 2016 et 2017 et pour la période de janvier à septembre 2018, outre les congés payés afférents, ainsi qu'une certaine somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse ; que la mise en oeuvre du principe ‘'à travail égal salaire égal'‘ impose de constater l'identité de la situation des salariés qui s'en prévalent, l'employeur pouvant justifier de différences de rémunérations par des critères objectifs ; que la complexité de l'outil de production utilisé par un salarié au regard de ses spécificités techniques, de ses performances, de l'usage auquel il est destiné, justifie objectivement l'application d'un taux horaire différencié entre les salariés affectés sur un outil de production distinct, en l'occurrence des machines à imprimer ; que l'utilisation d'un outil de production distinct exigeait de plano des salariés affectés à leur utilisation, des compétences et responsabilités résultant d'une formation et d'une expérience professionnelle spécifiques ; que la société Normandie Roto Impression avait fait valoir que les machines à imprimer T 133, T 145 et T 92 étaient différentes, la dernière imposant des connaissances et une forte expérience de conduite en terme de compétence, de technicité, d'initiative et de réactivité comme de responsabilité du salarié ; les deux premières exigeant également des compétences distinctes, une formation, une dextérité et une compétence différente au regard des spécificités techniques propres à chacune de ces deux machines ; que les caractéristiques techniques propres des différentes machines à imprimer permettaient à l'employeur de rémunérer les salariés affectés à leur utilisation par application d'un taux horaire différent ; qu'elles révélaient en soi la nécessité d'une expérience, de compétences et de responsabilités particulières nécessaires aux salariés affectés à leur utilisation ; qu'en considérant que les spécificités techniques complexes et objectives des différentes machines à imprimer ne permettaient pas d'appliquer des taux horaires différents aux salariés affectés à leur utilisation, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 3221-4 du code du travail ;

2°/ que, subsidiairement, dans le cadre d'un litige portant sur la mise en oeuvre du principe ‘'à travail égal, salaire égal'‘, il incombe aux juges du fond de se prononcer au regard des spécificités techniques des outils de production pour l'utilisation desquels les salariés invoquent l'application d'un taux horaire unique et non différencié, en tenant compte de l'ensemble des éléments invoqués par l'employeur ; que l'application d'un taux horaire différencié est justifié lorsque ces spécificités imposent des connaissances, expériences et formations professionnelles différentes ainsi que des responsabilité distinctes ; que la société Normandie Roto Impression avait précisé les spécificités de la machine T 92 qui nécessitait une maîtrise de roulage et de réglage plus difficile, une capacité d'anticipation et de réactivité plus importante des salariés, une maîtrise accrue liée à la difficulté d'autocontrôle en cours de production, une responsabilité accrue en terme de qualité compte tenu des travaux dédiés à cette machine ; qu'elle avait également précisé, s'agissant des machines à imprimer T 145 et T 133 qu'elles comportaient des différences de réglage et de conduite, exposant pour la machine T 145 les difficultés supplémentaires liées à l'existence d'un encrage manuel, à la réduction des toucheurs encreurs et à la présence d'un système de contrôle spécifique imposant une formation particulière, ajoutant la difficulté accrue liée à l'autocontrôle pour une machine chargée d'imprimer des ouvrages spécialisés haut de gamme sur des papiers plus fins et plus onéreux ; que concernant enfin la machine T 133, elle était présentée comme la moins complexe d'utilisation, utilisée pour des travaux d'entrée de gammes ; qu'en se bornant à énoncer que le fait d'établir des différences techniques et de performance entre les trois machines ne permettait pas d'en déduire une utilisation plus difficile, sans s'expliquer sur l'ensemble des éléments présentés par la société Normandie Roto Impression, la cour d'appel a privé sa décision de base égale au regard des articles L. 1132-1, L. 1132-4 et L. 3221-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement :

4. En application de ce principe, si des mesures peuvent être réservées à certains salariés, c'est à la condition que tous ceux placés dans une situation identique, au regard de l'avantage en cause, aient la possibilité d'en bénéficier, à moins que la différence de traitement soit justifiée par des raisons objectives et pertinentes et que les règles déterminant les conditions d'éligibilité à la mesure soient préalablement définies et contrôlables.

5. Pour juger que le salarié avait occupé un poste de conducteur et condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre de rappels de salaire pour 2015, 2016, 2017 et pour les mois de janvier à septembre 2018, l'arrêt relève que l'examen des photographies et caractéristiques des trois machines, T 145, T 133 et T 92 considérées comme complexes démontre des différences de taille, de fonctionnement et de capacité et qu'il est également établi que la machine T 92 consomme beaucoup plus de papier que les deux autres machines, que la machine T 133 est utilisée pour l'imprimerie de produits d'entrée de gamme et la T 145 pour des produits plus luxueux, avec un papier plus fin donc plus onéreux.

6. Il ajoute que si l'employeur, au vu de la nature de l'activité de son entreprise peut opérer une distinction selon les machines, et accorder une rémunération plus importante en fonction des difficultés ou des particularités d'utilisation de celles-ci, force est de constater qu'en l'espèce, il n'établit pas concrètement que ces machines complexes supposent une expérience, des compétences et/ou une responsabilité particulière pour les utiliser et partant la distinction qu'il fait entre elles.

7. Il retient que le fait d'établir des différences techniques et de performance entre ces trois machines est insuffisant en l'absence de tout élément en ce sens pour en déduire une utilisation plus difficile et donc des compétences et expériences différentes.

8. Il constate encore que l'employeur ne produit notamment aucun témoignage de salariés utilisateurs de ces machines établissant les difficultés d'utilisation de chacune d'elles.

9. Il conclut que la différence de rémunération opérée entre les conducteurs de machines complexes n'est pas justifiée par des éléments objectifs.

10. En se déterminant ainsi, alors que l'employeur avait mis en avant les spécificités de la machine T 92 qui nécessitait une maîtrise de roulage et de réglage plus difficile, une capacité d'anticipation et de réactivité plus importante des salariés, une maîtrise accrue liée à la difficulté d'auto-contrôle en cours de production, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si ne pesait pas sur l'utilisateur régulier de cet engin particulier une plus grande responsabilité de nature à justifier une différence de rémunération, n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

11. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres dispositions non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que M. [J] occupe un poste de conducteur, dit prescrites ses demandes de rappel de salaire antérieures au 2 août 2015, et condamne la société Normandie Roto impression aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile l'arrêt rendu le 10 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Caen ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52302196
Date de la décision : 13/12/2023
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 10 mars 2022


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 déc. 2023, pourvoi n°52302196


Composition du Tribunal
Président : Mme Monge (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2023:52302196
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