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10/01/2024 | FRANCE | N°42400013

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 10 janvier 2024, 42400013


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


CH.B






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 10 janvier 2024








Cassation partielle




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 13 FS-B+R


Pourvoi n° A 22-20.466






















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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JANVIER 2024


L'association Aide et action, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-20.466 contre l'arrê...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 10 janvier 2024

Cassation partielle

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 13 FS-B+R

Pourvoi n° A 22-20.466

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 10 JANVIER 2024

L'association Aide et action, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 22-20.466 contre l'arrêt rendu le 20 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 10), dans le litige l'opposant à la société Leasecom, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations écrites et orales de Me Haas, avocat de l'association Aide et action, les observations écrites et orales de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Leasecom, et l'avis de Mme Henry, avocat général, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 21 novembre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, Mmes Vallansan, Bélaval, MM. Riffaud, Bedouet, Mme Schmidt, conseillers, Mme Brahic-Lambrey, M. Boutié, Mme Coricon, conseillers référendaires, Mme Henry, avocat général, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 juin 2022) et les productions, le 27 octobre 2016, la société Leasecom a conclu avec l'association Aide et action (l'association) un contrat de location d'une durée de 21 trimestres portant sur un copieur acquis par la société Leasecom auprès de la société SMRJ. Le même jour, l'association a conclu avec la société SMRJ un contrat de maintenance. Le redressement judiciaire de la société SMRJ a été converti en liquidation judiciaire le 12 septembre 2018.

2. Le 11 octobre 2018, l'association, alléguant divers dysfonctionnements, a notifié au liquidateur judiciaire la résiliation du contrat de maintenance et déclaré une créance de 67 956,72 euros. Le 24 octobre 2018, se prévalant de l'interdépendance des contrats, elle a notifié à la société Leasecom la caducité du contrat de location financière. Par courriel du 28 janvier 2019, le liquidateur judiciaire a indiqué à l'association que le contrat de maintenance n'était pas poursuivi et que le juge-commissaire avait autorisé le 2 novembre 2018 la cession du fichier de clients de la société SMRJ au profit d'une société tierce « officiellement autorisée à se présenter auprès de la clientèle pour proposer un nouveau contrat de maintenance. »

3. Le 22 mars 2019, la société Leasecom a assigné l'association en résiliation du contrat de location financière, restitution du matériel et paiement des loyers et de l'indemnité de résiliation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. L'association fait grief à l'arrêt de constater la résiliation de plein droit du contrat de location conclu le 27 octobre 2016 à ses torts, de la condamner à payer à la société Leasecom la somme de 105 638,40 euros avec intérêts au taux conventionnel égal à trois fois le taux d'intérêts légal en vigueur à compter du 1er janvier 2019, à compter du 7 mars 2019 et capitalisation des intérêts aux conditions de l'article 1343-2 du code civil et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts, alors « que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans le cadre d'une opération incluant une location financière sont interdépendants ; que doivent être réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance ; qu'en jugeant que, du fait de ses stipulations, le contrat de location du matériel ne s'inscrivait pas dans une relation d'interdépendance avec le contrat de maintenance du même matériel, après avoir relevé que les deux contrats en cause étaient concomitants et incluaient une location financière, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1186 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil :

5. Selon ce texte, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble.

6. Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

7. Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance.

8. Pour constater la résiliation de plein droit du contrat de location conclu le 27 octobre 2016 aux torts de l'association, la condamner à payer diverses sommes à la société Leasecom et rejeter ses demandes de dommages-intérêts, l'arrêt retient que l'article 5 du contrat de location stipule que le locataire assume à ses frais pendant la durée de la location la charge de l'entretien et de la maintenance de l'équipement, qu'aux termes de l'article 6, à défaut d'exécution du contrat de maintenance ou de prestation de services conclu avec un tiers par le locataire, celui-ci s'engage à faire assurer sans délai la maintenance ou les prestations par un autre prestataire et qu'en cas d'anéantissement d'un contrat de maintenance ou de prestation de services affectant le contrat de location, celui-ci ne peut qu'être résilié, le locataire étant redevable d'une indemnité de résiliation. Il ajoute que si les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, il n'existe, en l'espèce, une interdépendance qu'entre le contrat de fourniture du matériel et le contrat de financement portant sur le matériel acquis par la société Leasecom, l'article 5 du contrat de location confirmant que celle-ci n'inclut pas le contrat de maintenance qui relève de la seule responsabilité du locataire et que si l'association n'était pas tenue de conclure un nouveau contrat de maintenance avec la société cessionnaire du fichier de clientèle de la société SMRJ, il lui appartenait d'en conclure un nouveau avec la société de son choix, de sorte que l'association n'était pas exposée à la situation d'anéantissement du contrat de maintenance qui sous-entend une impossibilité d'assurer une quelconque maintenance. Il ajoute enfin que la faculté dont disposait l'association de conclure un nouveau contrat de maintenance ne lui permettait pas d'invoquer une disparition rendant impossible la maintenance au sens de l'article 1186 du code civil.

9. En statuant ainsi, alors que les contrats en cause, dont celui de maintenance, concomitants et incluant une location financière, étaient interdépendants, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

10. L'association fait le même grief à l'arrêt, alors « que les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans le cadre d'une opération incluant une location financière sont interdépendants, de sorte que l'anéantissement de l'un quelconque de ces contrats entraîne, par voie de conséquence, la caducité des autres si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ; qu'en se fondant, pour refuser de prononcer la caducité du contrat de location financière, sur la circonstance inopérante que la société bailleresse n'avait pas été "sollicitée" lorsque le contrat de maintenance avait été signé le 27 octobre 2016 entre l'association Aide et action et la société Allburotic, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si, dès lors que le contrat de location emportait obligation pour le locataire de souscrire un contrat de maintenance et qu'un tel contrat avait été conclu le même jour que le contrat de location, la société Leasecom n'avait pas eu connaissance, au jour où elle s'était engagée, de "l'opération d'ensemble", la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1186 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1186, alinéa 3, du code civil :

11. Selon ce texte, la caducité par voie de conséquence de la disparition de l'un des contrats nécessaires à la réalisation d'une même opération n'intervient que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement.

12. Pour statuer comme il a fait, l'arrêt retient encore que la société Leasecom n'a pas été sollicitée lorsque le contrat de maintenance a été signé le 27 octobre 2016.

13. En statuant ainsi, alors que le contrat étant inclus dans une opération comportant une location financière, la société Leasecom avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle avait donné son consentement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare irrecevables les conclusions signifiées par l'association Aide et action le 7 mars 2022, l'arrêt rendu le 20 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Leasecom aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Leasecom et la condamne à payer à l'association Aide et action la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400013
Date de la décision : 10/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Interdépendance - Contrats interdépendants - Qualification - Contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière - Effets - Clauses inconciliables avec cette interdépendance réputées non écrites

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Interdépendance - Contrats interdépendants - Qualification - Contrats concomitants ou successifs s'inscrivant dans une opération incluant une location financière - Disparition de l'un des contrats - Caducité - Conditions - Connaissance de l'opération d'ensemble au moment du consentement

Selon l'article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie, la caducité n'intervenant toutefois que si le contractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble. Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. Dans les contrats formant une opération incluant une location financière, sont réputées non écrites les clauses inconciliables avec cette interdépendance


Références :

Article 1186, alinéas 2 et 3, du code civil.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 20 juin 2022

Ch. mixte, 17 mai 2013, pourvoi n° 11-22768, Bull. 2013, Ch. mixte, n° 1 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 10 jan. 2024, pourvoi n°42400013


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : Me Haas, SCP Boucard-Maman

Origine de la décision
Date de l'import : 22/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400013
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