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17/01/2024 | FRANCE | N°52400071

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 janvier 2024, 52400071


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


CH9






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 17 janvier 2024








Cassation partielle




M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président






Arrêt n° 71 F-D


Pourvoi n° S 22-13.144






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024


Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° S 22-13.144 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CH9

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 17 janvier 2024

Cassation partielle

M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 71 F-D

Pourvoi n° S 22-13.144

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 17 JANVIER 2024

Mme [O] [E], domiciliée [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° S 22-13.144 contre l'arrêt rendu le 24 mars 2021 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Buffalo Grill, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Les parties ou leurs mandataires ont produit des mémoires.

Sur le rapport de Mme Bérard, conseiller, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [E], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Buffalo Grill, après débats en l'audience publique du 6 décembre 2023 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bérard, conseiller rapporteur, Mme Sommé, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 24 mars 2021), Mme [E] a été engagée en qualité de serveuse le 3 juillet 2000 par la société Buffalo grill.

2. La salariée a été licenciée pour faute grave le 10 avril 2015.

3. Soutenant avoir subi une discrimination à raison de son état de santé, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 29 mai 2015, aux fins de juger son licenciement nul, subsidiairement sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents et à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant, notamment, à ce que soit constatée la nullité de son licenciement et à la condamnation de la société au versement de différentes sommes, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les écritures des parties, reprises oralement à l'audience ; qu'en l'espèce, la société Buffalo Grill ne contestait pas avoir reçu la lettre envoyée par la salariée dans laquelle elle s'excusait pour son comportement et informait son employeur de ce que la tumeur cérébrale dont elle souffrait l'empêchait de voir la réalité de ses faits et gestes ; que la société Buffalo Grill faisait valoir que cette lettre n'était pas appuyée par les dires d'un médecin, mais n'en contestait pas la réception ; que la société Buffalo Grill admettait encore qu'il n'était ''pas contesté que Buffalo Grill connaissait l'état de santé de la salariée, qui avait dû subir une opération chirurgicale et dont l'état de santé avait nécessité la mise en place d'un mi-temps thérapeutique'' ; que la cour d'appel a énoncé, pour débouter la salariée de ses demandes, qu'il existait une incertitude sur la réception par l'employeur des courriers envoyés par la salariée, dont la preuve de l'envoi n'était pas rapportée ; que la cour d'appel a encore énoncé que la salariée ne démontrait pas que ''l'employeur ait pu avoir connaissance antérieurement à sa décision de licencier la salariée de l'incidence éventuelle de la pathologie de celle-ci dans l'exécution du contrat de travail correspondant aux préconisations du médecin du travail'' ; que la cour d'appel a encore énoncé que ''l'employeur ne pouvait avoir conscience d'un lien entre les errements de la salariée et sa pathologie, et ce d'autant plus que la preuve de l'envoi des courriers des 23 octobre 2014 et 7 mars 2015 n'est pas rapportée'' ; qu'en statuant ainsi, tandis que la société Buffalo Grill ne contestait pas la réception de la lettre envoyée par la salariée le 23 octobre 2014 et reconnaissait avoir eu connaissance de l'état de santé de la salariée et de son opération pour une tumeur au cerveau, la cour d'appel a modifié l'objet du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ qu'aucune personne ne peut être sanctionnée, licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en raison de son état de santé ; qu'en cas de litige relatif à l'existence d'un motif discriminatoire à l'origine d'un licenciement, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait qui, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; qu'il appartient alors à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que les juges ne peuvent faire peser sur le seul salarié la charge de la preuve de l'existence d'une discrimination ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la salariée faisait valoir qu'elle avait été licenciée en raison de son état de santé, l'employeur n'ayant pas tenu compte des conséquences de son opération chirurgicale d'une tumeur au cerveau sur son comportement ; que la salariée produisait différents documents médicaux, un certificat médical de visite de reprise du travail à mi-temps thérapeutique, des lettres adressées à l'employeur où elle présentait ses excuses et indiquait que son comportement était dû à la présence d'une tumeur cérébrale, et dont la réception n'était pas contestée par l'employeur ; que la salariée produisait encore un avertissement, un document obtenu sur un site internet dédié aux tumeurs cérébrales, un certificat médical indiquant que l'état psychologique et comportemental de la salariée avait pu être altéré du fait de sa pathologie ainsi qu'un certificat d'examen neuropsychologique établi le 29 avril 2015 ; que, pour débouter la salariée de ses demandes au titre de la nullité du licenciement pour discrimination liée à son état de santé, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que l'employeur avait respecté le mi-temps thérapeutique et qu'il n'était pas établi qu'il ait pu avoir connaissance, antérieurement à sa décision de licencier la salariée, de l'incidence éventuelle de la pathologie dans l'exécution du contrat de travail correspondant aux préconisations du médecin du travail, la cour d'appel concluant qu' ''à l'examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour dispose d'éléments suffisants pour retenir que la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirect au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée'' ; qu'en statuant ainsi, tandis que la société Buffalo Grill ne contestait pas avoir reçu les lettres d'excuses de la salariée et établissant un lien entre son état de santé et son comportement, de sorte que les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, laissaient supposer l'existence d'une discrimination et qu'il appartenait à l'employeur de démontrer que le licenciement était étranger à l'état de santé de la salariée, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve du caractère discriminatoire du licenciement sur la seule salariée et a violé l'article L. 1132-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016, et l'article L. 1134-1du même code. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 du code du travail dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-832 du 24 juin 2016, L. 1134-1 du même code et 4 du code de procédure civile :

5. Pour rejeter les demandes faites par la salariée au titre d'une discrimination liée à son état de santé, l'arrêt retient que la salariée fait valoir n'avoir jamais été sanctionnée durant onze ans, que son comportement durant son service lui a valu un avertissement en avril 2014, puis une mise à pied en septembre 2014, qu'elle a été opérée d'une tumeur cérébrale le 3 octobre 2014, qu'elle produit une lettre d'excuses adressée à son employeur le 23 octobre 2014 expliquant par son état de santé son comportement lors du service des clients, ainsi que des certificats médicaux des 13 avril et 29 avril 2015 indiquant, pour le premier « que son état psychologique et comportemental a pu être altéré du fait de sa pathologie », pour le second qu'elle présente des « légères séquelles dysexécutives, principalement attentionnelles ». L'arrêt énonce ensuite que nonobstant l'incertitude portant sur la réception du courrier de la salariée du 23 octobre 2014 et du compte-rendu opératoire par l'employeur, il ne disposait pas d'éléments suffisants laissant à penser que les comportements à l'origine des sanctions prononcées aient pu avoir pour origine la pathologie dont souffrait la salariée, qu'il a respecté les préconisations du médecin du travail et enfin qu'il n'a pas eu connaissance des certificats médicaux des 13 avril et 29 avril 2015 avant le licenciement. L'arrêt en conclut que la matérialité d'éléments de faits précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes ci-dessus n'est pas démontrée.

6. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des conclusions de l'employeur devant la cour d'appel que celui-ci reconnaissait avoir reçu la lettre de la salariée du 23 octobre 2014 par laquelle elle faisait état de ce qu'elle souffrait d'une tumeur cérébrale ayant donné lieu quelques jours auparavant à une intervention chirurgicale et que cette pathologie était de nature à altérer son comportement, de sorte que la salariée présentait des éléments laissant supposer une discrimination en raison de son état de santé et qu'il appartenait dès lors à l'employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la cour d'appel, qui a modifié les termes du litige, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute la salariée de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, l'arrêt rendu le 24 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Buffalo Grill aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Buffalo Grill et la condamne à payer à Mme [E] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52400071
Date de la décision : 17/01/2024
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 24 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 jan. 2024, pourvoi n°52400071


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:52400071
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